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« Amour » : la Palme d’Or !

Cruel dilemme cette semaine ! Allions-nous parler dans la rubrique cinéma du dernier James Bond, celui du cinquantenaire, « Skyfall » (sortie vendredi 26) ou bien de « Amour », le nouveau film de Michael Haneke (Palme d’Or au Festival de Cannes) ? A la rédaction de Lille La Nuit.Com, nous avons opté pour le Haneke. Non pas que le Bond (réalisé par le talentueux Sam Mendes) ne mérite le détour. Tous les cinémas sont intéressants. Il n’y a pas de films qui s’affrontent, seulement des films qui s’ajoutent. Mais nous avons préféré défendre « Amour » qui nous semble plus « fragile » de par son thème et son nombre de copies dans les salles (« seulement » 311 contre 746 pour le « James Bond »). Et puis, soyons honnêtes, nous irons tous voir « Skyfall ». Le film bénéficie d’une couverture médiatique délirante. Aucune critique, bonne ou mauvaise, n’influera sur son succès planétaire.

« Amour », donc. On connaît bien Michael Haneke, cinéaste autrichien, moraliste. Jamais moralisateur. Un auteur reconnu par ses pairs (déjà une Palme d’Or avec le remarquable « Le Ruban Blanc ») et un public de plus en plus large. Haneke, cinéaste aux films froids, méthodiques, à la mise en scène au cordeau. L’auteur de longs-métrages qui nous interrogent, nous spectateurs, sur notre rapport à la violence. Notre rapport à la violence au cinéma, surtout, avec des films impressionnants, effrayants comme « Benny’s Video » ou « Funny Games ».

© Denis Manin / Les Films du Losange

Alors que se cache derrière le titre de son dernier film, « Amour » (qui semble presque une provocation de la part du cinéaste autrichien) ? On peut déjà déceler quelques indices, en reprenant les mots du dossier de presse: « Georges et Anne sont octogénaires, ce sont des gens cultivés, professeurs de musique à la retraite. Leur fille, également musicienne, vit à l'étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d'un accident. L'amour qui unit ce couple va être mis à rude épreuve. ». A la lecture du synopsis, nous avons compris que nous ne verrons pas, c’est certain, une franche comédie. Même si Haneke peut faire preuve d’un réel humour dans ses films. « Amour », d’ailleurs, ne déroge pas à la règle. Il faut voir Anne s’amusant, comme une petite fille, à faire fonctionner son fauteuil roulant électrique.

Mais soyons clair : « Amour » est un film difficile, dur, éprouvant. Michael Haneke ne nous épargne pas grand chose. C’est vrai. Il filme la paralysie, la déchéance du corps, la dégénérescence mentale, l’incontinence, les hurlements, la solitude, la peur… Certains jugent ou jugeront le film voyeur, racoleur, manipulateur. Ils se fourvoient. « Amour » est d’une grande pudeur. Ce qui est remarquable c’est la façon qu’a le cinéaste autrichien de mettre en scène son film. C’est vrai, « Amour » est un film souvent froid (à l’image de la superbe photographie métallique de Darius Khondji), à la réalisation clinique. Mais c’est justement ce qui permet au film de ne pas devenir insupportable pour le spectateur. Michael Haneke n’est pas là pour faire pleurer Margot. Il filme sobrement, à la limite de l'épure, l’amour d’un homme et d’une femme. Jusqu’à la mort. « L’amour à mort » comme disait Alain Resnais. Il filme l’amour dans ce qu’il a de plus terrible, cruel, douloureux, dégradant. Beau, aussi. Nous ne dévoilons rien ici. Point de spoiler. Tout est dit, explicité dès la première scène du film. Et même si « Amour » est parfois dérangeant, on en sort absolument bouleversé. Le titre du film n’a donc rien d’ironique, de caustique, de cynique.

Mais parlons juste encore un peu de mise en scène. Il y a longtemps que nous n’avions vu huis clos si maîtrisé (peut-être depuis certains films de Polanski). Quelle élégance dans les mouvements d’appareils ! Haneke filme magnifiquement les intérieurs. Il fait presque de l’appartement de Georges et Anne, un personnage à part entière. Tantôt réconfortant. Tantôt effrayant.
Et puis, il ya la présence lumineuse de deux acteurs au sommet de leur art. Jean-Louis Trintignant est émouvant, humain. Trop humain. On regrette déjà qu’il abandonne le cinéma. Une seule chose pourrait le faire changer d’avis : que Michael Haneke l’appelle de nouveau pour tourner un film. On espère… Et surtout, il y a Emmanuelle Riva, si rare au cinéma qu’on l’avait un peu oubliée. L’actrice de «Hiroshima Mon Amour » (tourné par Resnais il y a cinquante-trois ans !) est juste exceptionnelle. Jouant des scènes qu’on imagine douloureuses à incarner à 85 ans. Quelle grande actrice ! Quelle justesse ! Quelle liberté dans l’interprétation !

© Les Films du Losange

Pour tout ça, « Amour » est donc un film que l’on vous recommande. Mais il s’agit surtout d’une œuvre indispensable, incontournable car Haneke nous montre ce que notre société contemporaine (hypocrite) dissimule, occulte: la vieillesse, la maladie, la déchéance, la mort. Sujets douloureux, graves, terribles que nous n’osons peut-être plus aborder par peur. « Amour » nous offre la possibilité de le faire. « Amour » est donc un film qui libère. Cela sert aussi à ça, le cinéma.

Affiche © Les Films du Losange

  1. lesaffre

    j en suis sortie bouleversée...

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