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« Au-delà » de Clint Eastwood

« Au-delà » de Clint Eastwood

Au cours de sa carrière en tant que réalisateur, Clint Eastwood a su tirer son épingle du jeu en faisant preuve d’une justesse implacable et en imposant un style qu’il a fait sien. Sans jamais tomber dans la vulgarité, il a traité avec une grande pudeur des thèmes parfois difficiles (l’euthanasie dans «Million Dollar Baby», la tolérance dans «Gran Torino») et a été récompensé à de nombreuses reprises (deux Oscars du Meilleur film et du Meilleur réalisateur pour «Impitoyable» et «Million Dollar Baby»). Ses deux derniers films, «Invictus» et «Au-delà», semblent faire bande à part, tant le réalisateur paraît soucieux d’immerger le spectateur au cœur de thématiques plus universelles, plus fédératrices aussi. Dans «Invictus», son propos se base sur une partie de la vie de Nelson Mandela, symbole de liberté universel par excellence.

Dans «Au-delà», le spectateur est confronté à une question existentielle de taille, à savoir la vie après la mort. Une question qui nous hante tous et que Clint Eastwood propose d’évoquer par le biais de trois personnages, qui évoluent dans des milieux différents, dans des villes diverses : Marie la française (Cécile de France), George l’américain (Matt Damon) et Marcus le jeune anglais (Frankie Mc Laren). Chacun connaît tour à tour un grand bouleversement dans son existence : Marie est en séjour en Thaïlande au moment du tsunami et échappe de justesse à la mort. George, médium qui a connu un certain succès, raccroche et se refuse à recevoir des personnes cherchant à communiquer avec des disparus, considérant son don comme une malédiction. Et enfin Marcus, frère jumeau de Jason, perd subitement ce dernier dans de tragiques circonstances.

Si au début le réalisateur ne semble traiter qu’en surface seulement les différentes histoires de ces trois personnages, il s’avère qu’au fur et à mesure du film, l’histoire gagne en relief : les caractères des personnages se dévoilent, leurs failles surtout, ce qui donne une certaine profondeur à l’ensemble. Subsiste l’impression que l’histoire peine à progresser : du même coup, on perd de vue le propos initial du réalisateur, qui est de filmer des existences ordinaires de personnes lambda qui font l’expérience extraordinaire de la mort.

La connexion entre le spectateur et le film est donc longue à s’établir, bien que l’on ressent de l’empathie pour chacun des personnages qui tentent de se raccrocher à des bribes de quotidien (l’exemple de George, interprété par Matt Damon, est probant : fuyant son «don», il cherche à incarner un «Monsieur tout le monde» en prenant des cours de cuisine, en travaillant dans le secteur du bâtiment ou bien encore en suivant une émission de radio quotidiennement). Cherchant à provoquer le débat auprès de leurs proches (notamment Marie avec son compagnon Didier) ou en quête de réponses, les personnages exploitent avec ferveur de nombreuses pistes, sans grand succès (Internet, proches, scientifiques, conférences traitant de la mort, médiums-charlatans de toute sorte), sans jamais se rencontrer. Il faut attendre la fin du film pour que ces interactions se produisent, ce qui donne lieu à de belles scènes, notamment la rencontre entre Marius et George.

Clint Eastwood flirte constamment entre les réalités de la vie et les souffrances engendrées par la mort, en mettant en évidence les démarches des personnages. Que cela soit le besoin de se confier (Marie), l’envie de fuir (George) ou le désir de se replier sur soi-même (Marcus), ces différents points de vue sont touchants et nous incitent à réfléchir sur notre propre vision de la vie et de la mort. La frontière est omniprésente et laisse à penser que le film est davantage axé sur «vivre avec la mort» ou survivre avec des fragments du passé que de s’interroger sur le devenir des disparus.

La «patte» de Clint Eastwood n’est pas si évidente dans ce film. Seule la bande originale, superbe par ailleurs, nous plonge au cœur du style typique au réalisateur (à noter que les deux thèmes principaux sont composés par Clint Eastwood lui-même). Certaines scènes, dont celle de la dégustation à l’aveuglette entre George et sa partenaire de cuisine, Mélanie (Bryce Dallas Howard), marquant les esprits en se centrant sur les fondamentaux chers au réalisateur, à savoir la rencontre entre deux personnages qui partagent un moment sans fioriture quelconque.Tentant d’apprivoiser la mort, Clint Eastwood livre un beau film, bien que peu de moments de réelles émotions ne réussissent à émerger réellement de l’ensemble, ensemble qui met en évidence un sens de la dramatisation légèrement surfait.

Le réalisateur nous laisse donc entrevoir l’au-delà, sans pour autant parvenir à nous transporter jusqu’au 7ème ciel...

"Au-delà" de Clint Eastwood

  1. Brigitte

    Magnifique article ! - BB

  2. Emmanuel

    Très bon article Mademoiselle !

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