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Bodybuilder : Roschdy Zem révèle l’univers du bodybuildisme et un acteur détonnant

Synopsis : À Lyon, Antoine, vingt ans, s’est mis à dos une bande de petites frappes à qui il doit de l’argent. Fatigués de ses trafics en tous genres, sa mère et son grand frère décident de l’envoyer à Saint-Etienne chez son père, Vincent, qu’il n’a pas revu depuis plusieurs années. À son arrivée, Antoine découvre que Vincent tient une salle de musculation, qu’il s’est mis au culturisme et qu’il se prépare intensivement pour un concours de bodybuilding. Les retrouvailles entre le père et le fils, que tout oppose, sont difficiles et tendues. Vincent va tout de même accepter qu’Antoine travaille pour lui afin de l’aider à se sortir du pétrin dans lequel il s’est mis. De son côté, Antoine va progressivement apprendre à découvrir et respecter la vie que son père a choisie.

Yolin François Gauvin entre en piste. Bodybuilder © Julian Torres / Mars Distribution

Bodybuilder : Yolin François Gauvin entre en scène.

 

Critique : A Lille la Nuit, si on aime bien l’acteur Roschdy Zem, on était moins fan de son travail de réalisateur. Auteur d’une comédie généreuse mais laborieuse, Mauvaise Foi, et de Omar m’a Tuer -dont seule l’interprétation époustouflante de Sami Bouajila empêchait ce film sur l’Affaire Omar Raddad de virer à du sous André Cayatte*-, Zem semblait, jusqu'à présent, ne pas avoir les épaules assez larges pour endosser le rôle de cinéaste.

Avec son troisième long-métrage, Roschdy Zem change une nouvelle fois radicalement de registre, en s’intéressant à un univers peu traité au cinéma : le bodybuildisme, si l’on excepte des documentaires comme Pumping Iron, avec un tout jeune Arnold Schwarzenegger, dont un extrait ouvre Bodybuilder.

Bodybuilder ne cherche pas à révolutionner l’écriture, ni la mise en scène de cinéma. Et ce n'est pas plus mal ! En fait, Roschdy Zem, aidé au scénario par Julie Peyr, emprunte les sentiers balisés d’œuvres cinématographiques américaines bien connues. Pas question pour le cinéaste de nous raconter l’histoire de gagnants, de « winners ». Son inspiration, il la trouve dans des films hautement estimables comme Le Champion, Rocky (le 1er, tout du moins, voire Rocky Balboa) ou The Wrestler Des œuvres qui nous plongent dans les arcanes de sports pratiqués par « des gens de peu ». Ce qui est somme toute cohérent puisque l’univers des bodybuilders est considéré par beaucoup comme un sport de riches pratiqués par des pauvres (non, ce n’est pas un gros mot). A savoir que ces sportifs passionnés, dépensent sans compter pour s’investir dans un art qui ne leur rapporte que très peu d’argent.

Bodybuilder: Ce n'est pas de la boxe mais eux aussi ont l'oeil du tigre !

Bodybuilder : Ce n'est pas de la boxe mais eux aussi ont l’œil du tigre !

 

Bodybuilder se déroule en province (Saint-Etienne et sa banlieue), navigue dans de modestes salles d’entrainement, présente des personnages travailleurs, courageux, altruistes, humbles, qui subissent des coups durs, ont affaire à des types peu recommandables, font face à l’adversité… La structure narrative est classique, c’est vrai. Mais on sent, et on l’a appris de l’aveu même de Roschdy Zem, que de longues recherches furent nécessaires à l’élaboration du scénario pour dépeindre au mieux cet univers et élaborer des personnages crédibles. Si les caractères des personnages sont si justes, c’est aussi grâce à la qualité d’interprétation d’acteurs comme Vincent Rottiers, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Dominique Reymond (immense comédienne, de théâtre notamment).

Quant à Roschdy Zem, il interprète un personnage moins « viril », plus fragile qu’à l’accoutumée. Il a même confié à Lille La nuit qu’il s’agit d’une réelle volonté de sa part de partir vers des personnages moins monolithiques : « Jouer le personnage marmoréen, sûr de lui, avec une voix à suivre et que rien ne fera dérailler, à un moment ça me fatigue ! Moi ça me fatigue, mes enfants ça les fatigue, alors j’imagine le public ! Et puis surtout, c’est pas moi ! Je me sens plus proche du personnage de Vadim (son rôle dans Bodybuilder NDLR) ou du personnage du film d’Anne Le Ny (On a failli être amies) que tout ce que j’ai pu faire auparavant. Alors, j’ai aimé le faire, mais je vais avoir 50 ans et à un moment on a envie d’aller vers quelque chose de plus fragile, de plus vulnérable, de plus sensible».

Bodybuilder: Roschdy Zem incarne Vadim, le fidèle préparateur sportif.

Bodybuilder : Roschdy Zem incarne Vadim, ami fidèle et préparateur sportif de Vincent (Yolin François Gauvin).

 

Avec ce changement de registre, le comédien confirme une fois de plus son réel talent. En revanche, en ce qui concerne le choix de l’interprète principal du film, il y aurait pu y avoir un sacré hic : Roschdy Zem nous a confié que le premier acteur pressenti pour interpréter Vincent Morel, le bodybuilder, était Antoine de Caunes !!! Oui, vous avez bien lu. Ce dernier s’est même entrainé, investi, fait un travail de titan afin de prendre un maximum de masse musculaire. Evidemment, on ne devient pas un bodybuilder crédible en quelques mois de pratique et Roschdy Zem à dû renoncer à la participation de l’animateur du Grand Journal de Canal +.

Le cinéaste s’est alors tourné vers de vrais bodybuilders, exerçant cette discipline depuis de nombreuses années, et fait le choix de Yolin François Gauvin (trois fois champion de France, trois fois vice-champion du monde, champion du monde en 2013 de bodybuilding, tout de même), âgé de 58 ans. D’ailleurs, petite anecdote amusante, lorsque Zem est allé trouver Gauvin pour lui proposer le rôle, ce dernier l’a carrément envoyé sur les roses : en pleine compétition vétéran, il lui a dit que le cinéma ne l’intéressait pas. Heureusement, il est revenu sur sa décision ! Yolin François Gauvin est époustouflant -et on pèse nos mots- dans le rôle de ce bodybuilder qui voit un jour débarquer dans sa vie, un fils qu’il ne voyait plus. On pourrait dire que Gauvin joue en quelque sorte sa propre vie, n’incarne pas un personnage, se contente d’être lui-même, qu’il est une « nature ». Mais attendez de le découvrir sur un écran de cinéma ! Vous allez vous prendre une claque comme vous n’en n’avez par reçue depuis belle lurette concernant un acteur français. Gauvin est étonnant, drôle, massif, fragile, émouvant, toujours juste. Il rappelle les débuts d’un Lino Ventura. C’est simple, il crève l’écran !

Bodybuilder: Yolin François Gauvin, la révélation du film, sous la direction de Roschdy Zem.

Bodybuilder : Yolin François Gauvin, la révélation du film, sous la direction de Roschdy Zem.

 

Et ça, Roschdy Zem, l’a bien compris. Collant aux basques de son acteur principal, le filmant sous toutes les coutures, il lui offre de très belles répliques et un beau rôle. On espère avoir la chance de retrouver rapidement Yolin François Gauvin dans un film, et dans un autre rôle que celui d’un culturiste car nous sommes persuadés qu’il a une palette de jeu assez large. Il souhaite d'ailleurs poursuivre dans cette voie. A Lille La Nuit, on va suivre son parcours avec beaucoup d’intérêt… D’autant plus que le bonhomme est intelligent, réfléchi et sensible. L’inverse, en somme, des clichés que beaucoup ont dans la tête sur les bodybuilders.

Ce qui fait aussi la force de Bodybuilder, c’est qu’il ne s’agit pas uniquement d’une œuvre sur les sportifs. Le film raconte avant tout l’histoire d’un père et de son fils, de leurs différents, de leurs différences, confrontations, incompréhensions mais aussi de l’amour qu’ils se portent. Une fois de plus, nous sommes en terrain connu, mais Roschdy Zem –qui s’est considérablement amélioré du point de vue de la mise en scène- joue habilement avec les codes de ce type de cinéma. Bodybuilder, c’est du cinéma classique, certes. Mais c’est ce classicisme qui donne sa valeur au film. Voilà une œuvre modeste qui ne la ramène pas, tout en posant un regard juste, respectueux sur un univers souvent brocardé. Point de moquerie dans Bodybuilder, point de cynisme ! Ce qui n'empêche pas Roschdy Zem d'évoquer les sujets qui fâchent comme le dopage. 

De plus, le cinéaste a eu la très bonne idée de filmer des sportifs vétérans, ce qui apporte une émotion et un petit supplément d’âme à son film. Si Bodybuilder est peut-être un film mineur, il s’agit tout du moins d’une œuvre sincère, attachante et respectable. C’est déjà beaucoup par ces temps où l’on nous abreuve jusqu’à la lie de produits industriels, dénués de la moindre petite parcelle d’humanité.

*cinéaste injustement sous-estimé, et principalement connu pour ses films des années 50 à 70 abordant de lourds sujets sociétaux

Bodybuilder : Un film de Roschdy Zem - Scénario : Roschdy Zem et Julie Peyr - Casting : Yolin Francois Gauvin, Vincent Rottiers, Nicolas Duvauchelle, Marina Fois, Dominique Reymond, Roschdy Zem - Durée : 1h44 - Sortie : le 1er octobre 2014

Photos © Julian Torres / © Mars distribution - Affiche et film-annonce © Mars distribution

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