Championne du box-office comme scénariste et dialoguiste des films de son père Gérard Oury (La Grande Vadrouille, La Folie des Grandeurs…), de films cultes générationnels (La Boum et La Boum 2), Danièle Thompson n’a pas seulement écrit de grandes comédies populaires : elle fut notamment scénariste de La Reine Margot pour Patrice Chéreau. Puis vint le temps de la réalisation avec La Bûche, Fauteuils d’Orchestre… Aujourd’hui Thompson change de registre en signant un long métrage au croisement du biopic et du film historique. Cézanne et moi, interprété par Guillaume Canet et Guillaume Gallienne, retrace l’amitié compliquée entre Emile Zola et Paul Cezanne. Lille La Nuit livre sa critique de Cézanne et moi…
Guillaume Gallienne est Paul Cézanne. Guillaume Canet est Emile Zola.
Critique : Le grand plaisir de Cézanne et moi, c’est sa distribution. On craint d’abord de voir deux comédiens se livrer à un épuisant numéro de cabotinage. Qui de Canet - interprète de Emile Zola - ou de Gallienne - interprète de Paul Cézanne - va tirer la couverture à lui ? La réponse est rassurante : aucun des deux !
Si Guillaume Gallienne pouvait tomber à plusieurs reprises dans les multiples outrances du caractère de son personnage (Cézanne est colérique, facétieux, tourmenté, bagarreur…), il incarne une partition subtile. Toujours sur le fil du rasoir, la corde raide, Gallienne est suffisamment grand acteur pour jamais céder à la caricature. On lui est très reconnaissant, par exemple, de ne pas forcer sur l’accent du Sud. Souvent, les acteurs parisiens sont mauvais quand ils se piquent de jouer avec l’accent chantant du Midi. C’en est insupportable ! Gallienne évite ce travers. Il joue l’émotion, la cruauté, la tendresse, le rire, avec le talent des plus grands !
Quant à Guillaume Canet, s’il n’a pas toujours joué juste, ou montré une palette parfois peu étendue, il s’affirme aujourd’hui comme un acteur qui compte. Il suffit de se souvenir de son interprétation de tueur en série dans La Prochaine fois, je viserai le cœur. Canet est brillant dans le rôle de Zola. Aussi tourmenté que son ami Cézanne, mais moins exubérant, intériorisant ses démons, faisant monter en crescendo une colère qui vient de ses origines sociales modestes. Colère qu’il transforme en une œuvre littéraire forte avec des romans comme Germinal, ou de grands articles pamphlétaires comme le J’accuse ! (consacré à L’Affaire Dreyfus).
Avec leur interprétation, Canet et Gallienne rendent justice à deux monuments de la culture française.
On voit que les deux comédiens ont pris à bras le corps leurs personnages, voulant rendre justice à ces deux monuments de la culture française. Ils jouent ensemble et non pas l’un contre l’autre. Du coup, on croit à cette belle amitié tourmentée.
Côté dialogues, Danièle Thompson livre un sans faute. Cézanne et moi est un film remarquablement écrit, dans le sens où il n’est pas « surécrit ». Il y a bien quelques bons mots d’auteurs mais qui ne parasitent jamais le récit.
La construction du scénario nous paraît plus déséquilibrée. Le script semble avoir du mal à jongler avec les époques. Les flashbacks utilisés pour raconter l'histoire des deux hommes sont bien artificiels. Plus grave: l'aspect politique de l'époque est totalement occulté !
En ce qui concerne Danièle Thompson, réalisatrice : dès le début du film, elle ne nous évite pas la Provence de carte postale. La photo est belle, c’est vrai (Jean-Marie Dreujou, chef op de Jean-Jacques Annaud signe un beau travail sur la lumière). Mais on ne sent jamais de prise de risques. Parfois, on est ébloui par une image : un ruisseau, une montagne… Mais la réalisation est trop appliquée, lisse, scolaire. La réalisation se voudrait classique. Elle n’est qu’académisme. C’est bien dommage quand on signe un film sur deux génies de cette ampleur. Cézanne et Zola aurait mérité une mise en scène avec davantage de fièvre, d’intensité, d’audace. C’est du "Cinéma de Papa", comme on disait avant. Du coup, le film se traîne.
Danièle Thompson sur le tournage de Cézanne et moi.
Un moment sort pourtant du lot : un regard caméra de Gallienne-Cézanne, qui provoque le trouble chez le spectateur. Lille La Nuit aurait aimé plus de folie, à l’image de cette séquence.
Si on est indulgent, Cézanne et moi se regarde sans déplaisir. Dommage que du côté du cinéma, on n’y trouve vraiment pas grand chose…
Cézanne et moi un film de Danièle Thompson
Avec : Guillaume Canet, Guillaume Gallienne, Alice Pol, Déborah François, Sabine Azéma, Gérard Meylan, Laurent Stocker, Isabelle Candelier et Freya Mavor
Durée : 1h54
Sortie le : 21 septembre 2016
Affiche, photos, film-annonce © Pathé Distribution
