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Chouf : Karim Dridi signe un polar à Marseille, avec la jeunesse de ses quartiers

Karim Dridi conclut (?) une série de longs-métrages consacrés à Marseille et ses habitants. Il y eut le bouleversant Bye-Bye, l’énergisant Khamsa. Aujourd’hui, il y a Chouf ! Un film qui fait s’entrecroiser cinéma de genre, polar, en dressant un portrait de la France, de ses quartiers et sa jeunesse. Critique de Chouf et rencontre avec Karim Dridi par Lille La Nuit !

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Chouf est le troisième film que Karim Dridi consacre à Marseille et sa jeunesse.


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regorge d’énergie ! Comme Karim Dridi. O
n sent que le cinéaste voulait à tout prix faire ce film ! Le projet fut retardé. D'ailleurs, peut-être s'est-il fait dans la douleur ? Peu importe : aujourd'hui Chouf existe !

Karim Dridi: « Je savais en finissant « Khamsa » que j’allais retourner à Marseille parce que j’avais rencontré des jeunes tellement incroyables. J’avais la possibilité de tourner dans ces quartiers. Et je voyais bien que les films français ne s’aventuraient pas dans ces quartiers, ne tournaient pas avec ces jeunes. Donc, je me disais il y a un déficit et il y a un film que j’aimerais voir au cinéma et que j’ai envie de faire. Après Khamsa, je savais que j’allais y retourner. C’est là que l’idée d’une trilogie est venue. Je me suis dit : je vais y retourner mais après ce film, il y aura une espèce de boucle qui sera bouclée sur un thème qui est une jeunesse sacrifiée. Une jeunesse laissée pour compte, abandonnée. Et une accentuation de la violence dans les trois films. Les deux premiers films sont plutôt des chroniques. Et le troisième film est un film de genre, c’est un thriller, un polar, un western urbain. »

Il n’exagère pas Dridi quand il parle de western urbain : son film est tourné en écran large (avant, on disait Cinémascope), ni quand il parle de l’accentuation de la violence du premier film, Bye-Bye, à celui qui sort aujourd’hui : Chouf !

Si ce dernier film bénéficie d’une image lumineuse qui rend justice à la lumière de Marseille, si l’humour est présent (les dialogues, souvent en argot, entre Sofiane et ses potes sont drôles), le ton du film est résolument noir, dur, violent, sans concessions.

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Dridi n’élude pas la violence des quartiers dans Chouf.

 

Karim Dridi : « Ce n’est pas la violence que je filme. Avant la violence, c’est l’injustice sociale. C’est la jeunesse sacrifiée. C’est le gâchis ! C’est ça qui amène cette violence. La plus grande des violences, c’est l’injustice ! Ce n’est pas ma vision qui est devenue plus violente. C’est le monde dans lequel je vis qui est devenu plus violent. C’est pas seulement Marseille qui est devenu plus violent. C’est toute la société. Et pas seulement française ! On a l’impression de s’être réveillé dans un cauchemar ! C’est hallucinant ! Alors, oui, il y a eu des attentats, une accentuation de la violence dans le monde avec tous ces réfugiés, tous ces morts, toutes ces guerres de partout, toute cette injustice ! Toute cette misère ! Je ne sais pas où va cette violence… Et effectivement, les quartiers de Marseille sont devenus de plus en plus pauvres et de plus en plus violents, oui ! »

Dridi n’élude pas la violence des quartiers dans Chouf. Il la désigne, la dénonce de sa caméra. Sans putasserie. D’ailleurs, si son film n’est jamais moralisateur, il est en revanche moral.

Karim Dridi : « Je déteste ce mot mais oui, il y a une morale quand même. C’est un mot que je n'aime pas. C’est comme honneur, fierté. Il y a plein de mots comme ça qui sont piégeants. Ce n’est pas un film immoral, en tous les cas. Je n’aurais pas pu me regarder dans une glace. Je ferais un film où le gars rentre dans le business de la drogue, tire dans le pied d’un gars, va assister à des meurtres, être complice de meurtres, et puis tranquillement, il va rentrer à Lyon, faire ses études et tout ça. Il y a certains films qui font ça. Le gars entre en prison et quand il sort, c’est devenu le gros Boss ! Et ÇA : pour MOI, c’est immoral ! En tous cas, c’est une morale à laquelle je n’adhère pas !»

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Karim Dridi : "Une meute. Une meute de mecs. Un gang. Un clan. Une bande."

 

Par ailleurs, si par définition un film de genre est souvent un film de « mecs », Dridi n’oublie pas les femmes.

Karim Dridi : « Elles sont tellement peu à l’écran. C’est vraiment un film de mecs. C’est une meute. Une meute de mecs. Un gang. Un clan. Une bande. Mais il y a au moins trois figures féminines : la mère, la fiancée (la copine) et la sœur. Les trois, pour moi sont des femmes ultra fortes ! La scène où la mère vient dans l’antre du dealer, dans le snack, et dit « Moi j’ai pas peur de toi, j’ai peur que de Dieu ! ». Elle le dit en arabe. On ne comprend peut-être pas quand on ne comprend pas l’arabe. Mais dans le contexte on voit bien qu’elle affronte, qu’elle tape contre le truc. Elle lui dit : « J’veux mon fils ! » et on entend les femmes du quartier dire « On en a marre de ça ! ». Et ça, je l’ai vu ! Je l’ai vécu ! Avant toute chose, je suis allé voir les femmes des quartiers car il y a beaucoup de femmes qui ont perdu des enfants dans ces guerres. Des jeunes femmes qui ont perdu leurs maris. Des sœurs qui ont perdu leurs frères. Vous vivez dans le même immeuble ; les enfants se connaissent dans le même immeuble. Ils s’entretuent. La mère de l’assassin reste sur le même palier que la mère de la victime. On ne la reloge pas ailleurs. Il n'y a pas une cellule psychologique. J’ai vu des mères qui ont eu des enfants brûlés. Elles sont allées à la morgue, elle ont juste reconnu la montre de leurs fils. Ces femmes qui sont prises entre la misère, la répression policière et une poignée de dealers qui profitent de cette misère en faisant fonctionner un système hyper capitaliste pour récolter l’argent de la drogue, ces mères à un moment, elles n’en peuvent plus. En allant parler avec elles, je me suis dit : si je veux tourner dans la cité, il faut que je sois accepté par ces mères ».

Chouf est un film engagé dans le bon sens du terme, qui rappellera à beaucoup le cinéma de Ken Loach - auquel Dridi a consacré un beau documentaire Citizen Ken Loach -. Chouf est surtout à l'image de Karim Dridi : intègre et sincère. D'ailleurs, on vous en apporte une preuve : Dridi a quitté Paris pour vivre à Marseille. Plutôt pas mal, non ?

Synopsis : Chouf, ça veut dire "regarde" en arabe. C'est le nom des guetteurs des réseaux de drogue de Marseille. Sofiane, 24 ans, brillant étudiant, intègre le business de son quartier après le meurtre de son frère, un caïd local. Pour retrouver les assassins, Sofiane est prêt à tout. Il abandonne famille, études et gravit rapidement les échelons. Aspiré par une violence qui le dépasse, Sofiane découvre la vérité et doit faire des choix.

Chouf de Karim Dridi
Avec : Sofian Khammes, Foued Nabba, Oussama Abdul Aal, Zine Dara
Durée : 1h48
Sortie le 5 octobre 2016

Affiche, photos et film-annonce © Pyramide Distribution

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