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« Coldwater »: Dans l’enfer des camps de redressement pour mineurs aux Etats-Unis

Synopsis : Brad est un adolescent impliqué dans plusieurs petits délits. Ses parents décident de le faire emmener de force dans le camp de redressement pour mineurs très isolé de Coldwater. Les jeunes détenus sont coupés du monde extérieur, subissent des violences tant physiques que psychologiques et n’ont d’autre choix que de survivre ou de s’échapper.

© KMBO

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Critique : Il y a des films dont vous ne sortez pas totalement satisfait, qui ne vous ont pas entièrement convaincu. Certains ont des problèmes de rythme, d’écriture, de jeu. D’autres expriment des choses très fortes, dénoncent courageusement de véritables ignominies, tout en cumulant les maladresses. Devant ces longs-métrages, le critique de cinéma a tendance à laisser de côté certaines de ses réserves. Notamment en ce qui concerne la forme du film car il se dit qu’on ne doit pas trop faire la fine bouche quand un cinéaste s’attaque à un sujet épineux, surtout lorsqu'il s'agit d'un premier long-métrage.

Autant le dire tout de suite, Coldwater n’est pas parfait. Souvent, il agace. Le premier film de Vincent Grashaw, déjà producteur du très bon Bellflower, ne fait pas toujours dans la finesse. C’est le moins que l’on puisse dire. Il n’évite pas le manichéisme dans la caractérisation de ses personnages, ni l’écriture de son scénario. Sa mise en scène, parfois lourdement démonstrative -au bout d’un moment on arrête de compter les ralentis qui parsèment le film- pourra rebuter les plus exigeants et cinéphiles d’entre vous.

Mais voilà, à Lille La Nuit, nous avons tout de même l’envie de vous conseiller Coldwater car il nous semble que Vincent Grashaw, au-delà des défauts qui parsème son film (un premier long, ne l'oublions pas), est un jeune cinéaste à suivre. Lorsque le réalisateur originaire de Los Angeles est venu à Lille pour présenter Coldwater au public et à la presse, nous avons été impressionné par la simplicité, l'intelligence et l’abnégation de ce jeune auteur de 33 ans.

Vincent Grashaw le 4 juillet à Lille. Photo © Alex Marouzé-AMView

Vincent Grashaw le 4 juillet à Lille. Photo © Alex Marouzé-AMview

 

Rendez-vous compte, il aura fallu treize ans à Vincent Grashaw pour mettre sur pied la production de Coldwater. Cela en dit long sur les difficultés que peuvent rencontrer aujourd’hui de jeunes cinéastes lorsqu’ils veulent traiter de sujets qui sortent des sentiers battus. Surtout lorsque ceux-ci abordent des thèmes sociaux et politiques.

Le sujet de Coldwater, justement, venons-y : certains d’entre vous ont certainement vu à la télévision des reportages sur ces terrifiants camps de redressement pour jeunes délinquants, aux Etats-Unis. Hé bien, c’est de la gnognotte comparé à ce que nous fait découvrir le film de Vincent Grashaw : brimades, tortures psychologiques et physiques, agressions nocturnes, violence en tous genres (la scène de l’arrachage de l’ongle marquera pour longtemps les spectateurs). La tension et la violence de Coldwater montent crescendo jusqu’à être filmées de la manière la plus graphique qui soit, presque comme dans le cinéma d’horreur*. Mais après tout, on peut aussi dénoncer sincèrement la violence en la filmant de manière frontale, sans filtre, ni hypocrisie.

A la fin du long-métrage, un carton indique que de nombreux jeunes américains sont morts dans des conditions atroces à l’intérieur de ces camps qui étaient sensés les faire sortir de la délinquance et disons le tout net, les « reprogrammer ».

A la sortie du film on est révolté, car Vincent Grashaw  nous a fait découvrir tout un système organisé comme une véritable industrie, pour faire du fric sur le dos d’adolescents en rupture avec la société américaine. Evidemment, tout cela coûtait très cher aux parents qui, de bonne foi, pensant aider leurs gamins, les envoyaient dans ces camps. Le film révolte car il montre l’incapacité d'une nation à venir en aide à sa jeunesse la plus fragile. Quand un pays en arrive à traiter ses citoyens d’une telle manière, à lui faire subir les pires sévices, on se dit que, décidément, quelque chose ne tourne pas rond.

Lors de sa conférence, Vincent Grashaw nous a signalé que ces camps n’existent heureusement plus sous cette forme. Les plaintes furent tellement nombreuses suite aux décès et disparitions d'adolescents, qu’ils ont dû fermer. A certains qui pourraient être sceptiques à la vision du film, pensant que tout ceci est sans doute un peu exagéré, on répondra que le cinéaste connaît son sujet sur le bout des doigts puisqu’il a enquêté durant plus de dix années.

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Et ne pensez pas que les jeunes envoyés dans ces camps de redressement étaient tous de la « graine de violence ». On pouvait y être admis pour de tous petits larcins. Ce qui en dit long sur une «sélection» qui, une fois de plus, se faisait avant tout pour des raisons de business.

Au-delà de ce monde en vase clos que nous décrit Coldwater, on peut bien sûr voir le film de Vincent Grashaw comme une parabole qui évoque les Etats-Unis d’une manière plus globale. Car cette nation, ne l'oublions pas, s’est grandement bâtie sur la violence, la libre circulation des armes, le droit -inscrit dans la constitution américaine- qu’a chaque citoyen d'en posséder une, afin d’assurer sa propre défense…

En voyant les bourreaux de Coldwater, on pense au génocide des indiens, aux pionniers exécutés pour de simples lopins de terre comme dans La Porte du Paradis, à la guerre du Vietnam, au massacre de Columbine, à Guantánamo,  ... Même si, on ne peut uniquement réduire les Etats-Unis, qui sont aussi une grande démocratie, à cette culture de la violence. Ce serait schématique et stupide.

Ce qui fait la force du cinéma américain, c'est qu'il parle -depuis toujours- de manière souvent implacable de son histoire la plus récente. Les français, trop frileux, en ont presque toujours été incapables. A quand un film sérieux sur la tragique situation du surpeuplement dans nos prisons ? On peut toujours rêver… Combien de films avons-nous tourné sur la guerre d’Indochine ou d’Algérie ? Qui l’a fait en France à part Yves Boisset (R.A.S. en 1973) et deux ou trois autres cinéastes ?

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Une fois de plus, on peut trouver que Vincent Grashaw y va fort au niveau du montage et des effets. Mais n’oublions pas qu’il s’inscrit dans un genre cinématographique qui, s’il ne fait pas toujours dans la dentelle, a au moins le mérite d'exister. En cela Coldwater, s’inscrit dans la tradition des premiers longs-métrages d’Oliver Stone et de certains Costa-Gavras. Des oeuvres parfois maladroites mais si courageuses et sincères qu'elles en deviennent incontournables !

Interdit aux -12 ans + Avertissement : Les nombreuses scènes de maltraitance sur des jeunes que comporte ce film sont de nature à heurter fortement un jeune public.

Coldwater de Vincent Grashaw Scénario : Vincent Grashaw et Mark Penney Avec : P.J. Boudousqué James C. Burns Chris Petrovski Octavius J. Johnson, … Date de sortie : 9 juillet 2014 Pays : Etats Unis Année : 2013  Durée : 104 minutes

Coldwater a remporté le prix du meilleur réalisateur pour Vincent Grashaw et celui du meilleur acteur pour P.J. Boudousqué au Festival du Film de Las Vegas.

* Vincent Grashaw nous a confié que sa prochaine réalisation serait justement un film d'horreur psychologique, marqué par l'influence de The Shining de Stanley Kubrick.

- Rétrospectives et horaires Plan-Séquence.

  1. GREGORY MAROUZE

    Merci pour votre commentaire chaleureux. Bel été à vous !

  2. Seb92

    Excellente critique. Un film un peu balourd mais qui fait réfléchir, secoue et donne des émotions. C est personnellement ce que j attends du cinéma et que ne m a pas apporté l ennuyeux jersey boys vu juste avant.

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