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Corniche Kennedy : Vivre sa jeunesse intensément, passionnément, dangereusement à Marseille

Cette semaine dans son actu ciné, Lille La Nuit met en avant le nouveau film de Dominique Cabrera : Corniche Kennedy ! Loin des clichés véhiculés sur Marseille, la cinéaste porte son regard sur la jeunesse de la cité phocéenne. Corniche Kennedy mêle acteurs professionnels et amateurs, fiction avec un style parfois documentaire, chronique de la jeunesse et intrigue policière. Un film dans lequel la musique et les décors ont beaucoup d’importance. Critique de Corniche Kennedy par Lille La Nuit…

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Corniche Kennedy : Vivre sa jeunesse passionnément, dangereusement à Marseille.

 

Critique : Voilà vingt ans que Dominique Cabrera réalise des films ouverts sur le monde. Cette réalisatrice impose son regard en 1997, dès son premier long-métrage avec De l’autre côté de la mer - interprétés par Claude Brasseur, Roshdy Zem et Marthe Villalonga -. Le film laisse un souvenir fort aux spectateurs qui le découvrent au Festival de Cannes et lors de sa sortie dans les salles. Depuis, Dominique Cabrera poursuit une vie artistique discrète mais exigeante en signant des films comme Nadia et les hippopotames (2000), Le lait de la tendresse humaine (2001), Quand la ville mord (2009) ou Grandir (2013). La plupart des films de la réalisatrice sont largement récompensés dans les festivals de cinéma.

Avec Corniche Kennedy, Dominique Cabrera adapte Maylis De Kerangal (deuxième roman de l’écrivaine porté à l’écran en quelques mois, après Réparer les vivants de Katell Quillévéré).

Dominique Cabrera : « Depuis longtemps, je voulais faire un film à Marseille, qui est une ville que j’adore. J’y vais souvent et depuis longtemps. Je suis pied noir, je crois que c’est l’écho avec l’Algérie qui me touche dans cette ville, comme si elle était le miroir d’Alger, de l’autre côté de la Méditerranée. J’aime la grande ville populaire au bord de la mer, le brassage social, ethnique. À Marseille plus qu’ailleurs encore, je rêve à l’histoire des passants, comme si dans ses rues les mythes et les histoires se croisaient. J’ai donc cherché une histoire qui se passe là-bas, lu beaucoup de romans et Corniche Kennedy m’a happée. » *

Il y a quelques mois, nous vous parlions de Chouf ! le film de Karim Dridi. Le cinéaste imposait un regard dur, sans complaisance, des quartiers marseillais. Tout en livrant une déclaration d’amour à la ville et ses habitants.

Dominique Cabrera, avec Corniche Kennedy, n’occulte pas les aspects sombres de Marseille. Elle filme une intrigue policière parallèle sur fond de trafic de cocaïne. Osons le dire d’emblée, cette partie de Corniche Kennedy nous semble quelque peu artificielle. On a du mal à s’intéresser à elle. Et ce n’est pas la faute de l’excellente Aïssa Maïga (également à l’affiche cette semaine de la comédie de Lucien Jean-Baptiste : Il a déjà tes yeux) qui interprète Awa, la flic de l’histoire. Reconnaissons tout de même à cet aspect polar (très mince) d’illustrer l’aspect social du film et même, peut-être, une forme de déterminisme social implacable.

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Moussa Maaskri et Aïssa Maïga, flics dans Corniche Kennedy.

 

En revanche, ce qui est remarquable dans Corniche Kennedy, c’est le portrait que Dominique Cabrera fait de la jeunesse marseillaise. Elle ne la filme pas comme une entomologiste. Elle s’approche avec sensibilité et respect de ces jeunes issus de milieux populaires, comme le fait le personnage principal du film, Suzanne (magnifique Lola Creton) aux origines plus favorisées.

Comme Suzanne, Dominique Cabrera a dû se faire accepter par ces jeunes, devenus acteurs et co-auteurs (pour certains) de Corniche Kennedy :

Dominique Cabrera : « (…) Un jour, je vois de loin un petit groupe à l’endroit exact où je pensais que pouvait se passer le film. Je m’approche, je cherche à les photographier, ça ne leur plaît pas mais quelque chose se passe, des atomes crochus, je ne sais pas, et on se revoit. Je ne voulais pas de malentendus et je leur dis que ce n’est pas un casting déguisé. Je leur parle du roman, de ma recherche d’éléments justes et vrais. L’un d’eux me dit : « On a compris ce que tu veux, on va t’aider .» Et c’est ce qu’ils ont fait. Ils m’ont raconté des histoires, aidée à identifier des « spots » de plongée, à trouver les mots, donné leurs mots... Plus tard, ils ont lu le roman, j’ai partagé le scénario avec eux, on a travaillé sur les dialogues, les situations. Ils étaient quatre ou cinq, parmi lesquels Alain et Kamel, qui jouent Mehdi et Marco dans le film. » *

Il est là, l’intérêt de Corniche Kennedy ! C’est ce qui en fait un film précieux sur la jeunesse d’aujourd’hui. Dans le film, les minots marseillais ne trichent pas, « se donnent » à la cinéaste. Consciente du cadeau qu’ils lui offrent, Cabrera les filme bien. Elle saisit à la manière d’une peintre ces instants impressionnants, inquiétants et poétiques, où on les voit plonger des falaises de Cassis. Se jeter dans le vide pour vivre fort, dangereusement, intensément, au mépris du danger. Pour VIVRE ! L'avenir est si incertain.

L’histoire d’amour qui se noue dans le film entre Suzanne, Mehdi (Alain Demaria) et Marco (Kamel Kadri) émeut également. Cabrera filme bien les corps, les caresses, les regards, l’abandon. Il n’est pas interdit de voir dans cet amour à trois une variante moderne du Jules et Jim, réalisé par Truffaut en 1961.

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Alain Demaria, Lola Creton, Kamel Kadri sont magnifiques dans le film de Dominique Cabrera.

 

Un dernier mot pour signaler la belle photographie de Isabelle Razavet, et la B.O. de Corniche Kennedy qui alterne avec bonheur une musique de film dite « classique » avec du Rap.

Dominique Cabrera : « Comme pour tous mes autres films, j’ai retrouvé Béatrice Thiriet, une formidable musicienne. La musique originale de Corniche Kennedy célèbre notre belle collaboration. Béatrice Thiriet / Dominique Cabrera : 20 ans, presque l’âge des héros du film ! La musique est un mélange d’électro, de voix et de symphonie. On a eu la chance d’enregistrer avec un orchestre dont les cordes se mêlent parfois à des couplets de slam ou de rap, des mots de Kamel et de Dante. Des profondeurs de l’eau jaillissent des voix synthétiques, l’appel des sirènes, les rifs d’une trompette venus d’Orient accompagnent la ronde nocturne du personnage d’Aïssa Maïga, c’est une partition riche en diversités et en couleurs sonores. C’est une B.O. tour à tour joyeuse, mélancolique, sensuelle, mysté- rieuse qui laisse éclater les rimes des chansons : la magnifique N’sel k et la chanson de Kamel et Imhotep ou le slam de Dante. Sur le générique de fin on retrouve les voix des Saïan Supa Crew que nous avions rencontrés pour Nadia et les hippopotames. La musique porte, agrandit le film. Elle a été parfois légère, jazzy, urbaine mais aussi symphonique, savante, aspirant au large, à l’horizon immense. Ce que l’on peut dire aussi peut-être de l’écriture de Maylis de Kerangal. Ce n’est pas un hasard si je me trouve des atomes crochus avec Béatrice et elle. » *

On peut se demander si un film se déroulant à Marseille peut être un bon film si on n’y entend pas de musique(s)? A Lille La Nuit, et à la vision de Corniche Kennedy, on a plutôt tendance à penser que non.

Synopsis : Corniche Kennedy. Dans le bleu de la Méditerranée, au pied des luxueuses villas, les minots de Marseille défient les lois de la gravité.
Marco, Mehdi, Franck, Mélissa, Hamza, Mamaa, Julie : Filles et garçons plongent, s'envolent, prennent des risques pour vivre plus fort. Suzanne les dévore des yeux depuis sa villa chic. Leurs corps libres, leurs excès. Elle veut en être. Elle va en être.

Corniche Kennedy de DOMINIQUE CABRERA
d’après CORNICHE KENNEDY de MAYLIS DE KERANGAL Éditions Gallimard / Verticales, 2008
Avec AÏSSA MAÏGA LOLA CRÉTON ALAIN DEMARIA KAMEL KADRI
Image ISABELLE RAZAVET Ingénieur du son XAVIER GRIETTE Montage SOPHIE BRUNET Accessoiriste et décors CHRISTIAN ROUDIL

Durée : 1h34
Sortie le 18 janvier 2017

* Propos issus du dossier de presse et recueillis par Claire Vassé.
Affiche, photos, film-annonce © Jour2Fête

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