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Discount : Une comédie solidaire tournée dans le Nord et la métropole lilloise

Synopsis : Pour lutter contre la mise en place de caisses automatiques qui menacent leurs emplois, les employés d’un Hard Discount créent clandestinement leur propre « Discount alternatif », en récupérant des produits qui auraient dû être gaspillés.

SOLIDAIRES !

Discount : la comédie pour dénoncer les injustices de notre société de consommation.

 

Critique : Cette semaine, le choix ciné de Lille La Nuit se porte sur le premier long-métrage d’un tout jeune réalisateur : Discount ! Le film de Louis-Julien Petit, tourné dans le Nord et la métropole lilloise, est un sacré pari pour le réalisateur et sa camarade Liza Benguigui, qui signe sa première production avec sa société, Elemiah.

Il y a un mot qu’on entend durant toute la durée de Discount : « Solidaires » ! Il est d’ailleurs même reproduit sur l’affiche. Et plus qu’un mot, c’est réellement un slogan qui a accompagné le financement, la production et réalisation de Discount depuis les tous débuts du projet. Il est important que chaque lecteur de Lille la Nuit se rende bien compte des difficultés que connaissent de jeunes créateurs et producteurs pour faire du cinéma. On a beau avoir un peu d’expérience dans le « milieu », il est de plus en plus difficile de financer un film car le cinéma, en plus d’être un art, est bien évidemment une industrie avec toute une chaine : la production, les auteurs, techniciens, acteurs, distributeurs,  exploitants... Et au bout de cette chaine, les spectateurs qui décident d’aller voir ou non le film qui leur est proposé -pour info, 270 longs-métrages furent produits en France en 2013-.

Chaque projet lancé est un véritable pari, un risque pour les participants qui se lancent dans l’aventure d’un film. On connaît des projets promis à un avenir commercial radieux qui se sont pris une grosse tannée, et d’autres films qu’on ne voyaient pas forcément venir qui ont connu un succès stratosphérique.

Une campagne de financement participatif (crowdfunding) a été lancée afin de produire le film en partie. Elle a permis de récolter 25 400 euros et de compter 184 coproducteurs solidaires, qui se sont sentis touchés par le sujet et voulaient que Discount existe. En tout, il aura fallu que Louis-Julien Petit et Liza Benguigui se démènent durant cinq ans -oui, cinq ans !- pour faire exister le film ! Voilà, c’est ça la réalité pour de nombreux jeunes réalisateurs et même de cinéastes plus confirmés qui doivent  se battre afin que leurs rêves se concrétisent sur un tournage. Signalons tout de même que des structures importantes aidant la création ont décidé de devenir solidaires en se lançant dans l’aventure de Discount. Parmi elles, nous citerons Pictanovo (qui soutient financièrement et artistiquement la production de films, documentaires, œuvres numériques… dans le Nord-Pas-de-Calais).

Parlons maintenant du film. Discount est une comédie sociale qui aborde plusieurs sujets délicats pour ne pas dire scandaleux : la difficulté de travail pour les employés (notamment des caissières) de hard-discount, le gaspillage des denrées alimentaires par les hypermarchés, les méthodes sauvages  de la grande distribution, le chômage…

Là, ils sont abattus mais bientôt, ils vont se déchaîner: M’Barek Belkouk , Sara Succo et Olivier Barthelemy.

Ils sont abattus mais bientôt, ils vont se déchaîner : M’Barek Belkouk , Sarah Suco et Olivier Barthelemy.

 

Mais qui dit comédie sociale, dit comédie. Louis-Julien Petit aborde ces sujets avec foi, courage, sincérité, en évitant le pathos et la sinistrose, et en favorisant l'humour. Discount traite de sujets graves  mais avec une énergie positive, en disant qu’on peut s’en sortir si on reste groupés, qu’on peut affronter certaines difficultés de la crise économique si on se maintient les coudes, si on se relève les manches, si on s’écoute, si on se fait un peu confiance… Au risque parfois de verser quelque peu dans l’angélisme et de frôler la caricature. Certains personnages du film sont formidables, d’autres sont moins bien moins esquissés. Mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un premier long-métrage. Il est tout de même assez rare qu’un jeune réalisateur signe un chef-d’œuvre dès son premier galop d’essai. Et à Lille La Nuit, nous aimons soutenir les premiers films si ceux-ci ont de réelles qualités et portent, comme c’est le cas ici, un discours généreux.

Si certaines situations semblent un peu « forcées », nous sommes en revanche totalement convaincus par l’énergie communicative déployée par les acteurs du film : Pascal Demolon confirme un grand talent qu’on espère revoir très très vite, notre Corinne Masiero régionale fait des étincelles, l'adorable Sarah Suco est une belle révélation. On a également le grand plaisir de retrouver M’Barek Belkouk dont nous vous avions dit le plus grand bien dans notre critique du film La Marche. Quant à Olivier Barthelemy, il a l’assurance d’un Gérard Lanvin, au début de sa carrière. Et surtout, n'oublions pas la distribution d'acteurs amateurs de notre région et figurants recrutés sur les lieux de tournage, qui apportent une réelle justesse au film. Sur ce point, c’est un sans-faute : Louis-Julien Petit sait choisir ses acteurs et les diriger.

Lors de toutes les avant-premières, Corinne Masiero aura prononcé le mot-clé du film en soutien aux intermittents: Solidaires !

Lors de toutes les avant-premières, Corinne Masiero aura clamé le cri de ralliement du film : Solidaires !

 

D’un point de vue du cinéma, avouons que nous sommes tout de même  plus mitigés. Il est évident que le film marche dans les pas des comédies sociales de Ken Loach ou Stephen Frears, de films qui sont la grande spécialité des anglais. On pense forcément aux Virtuoses, à The Full Monty, Pride… Mais si Louis-Julien Petit n’a évidemment pas copié ces films, si les problèmes traités dans Discount sont bien français (mais la misère, hélas, est bien internationale), il manque au film la petite étincelle qui ferait qu’on en sorte totalement  convaincu. On sait que la comédie sociale est un genre que maîtrise beaucoup mieux que nous les anglo-saxons ou à une époque, les italiens qui savaient tourner des films avec des valeurs sociales et humaines fortes, tout en sachant manier la férocité (regardez Affreux, Sales et Méchants, si vous ne le connaissez pas. Vous nous en direz des nouvelles).

C’est peut-être ce qui manque au film de Louis-Julien Petit : un peu de férocité. La gentillesse, c’est bien. Mais au bout d’un moment, quand il y en a un peu trop, cela peu avoir un léger effet contre-productif. Limite, ça peut même agacer.

C’est notre point de vue, et pour être totalement honnête, ce n’est visiblement pas celui des spectateurs qui ont massivement assisté aux nombreuses avant-premières du film et lui ont réservé un triomphe –notamment au Arras Film Festival, où Discount fut le film de clôture, en novembre dernier-. Précisons aussi que Discount a reçu le Prix du Public au Festival du Film Francophone d'Angoulème.

Mais le cinéma, c’est aussi la mise en scène, le montage, un regard fort de cinéaste. Et nous trouvons qu'à ce niveau, le compte n’y est pas tout à fait pour totalement emporter l’adhésion. Pour résumer, Discount manque un peu de « CINÉMA ». Si on excepte ce formidable dernier plan du film qui dit beaucoup de choses et se montre d’une puissance qu’on aurait aimé retrouver durant toute la durée du métrage, malgré une assez belle photo et l'utilisation du format Scope.

Mais encore une fois, il s’agit d’une première œuvre, avec un discours plus que généreux et sympathique, auquel nous ne pouvons qu’être sensible. On préfère donc un film avec des faiblesses de style qui délivre un discours humaniste plutôt qu’un long-métrage porté par une mise en scène rigoureuse qui prônerait des idées nauséabondes. Cela va sans dire.

On vous incite donc à voir Discount, car il faut soutenir les jeunes cinéastes du cinéma français. Surtout lorsqu’ils ont le courage comme Louis-Julien Petit de filmer des sujets citoyens et engagés, pour la bonne cause.

Discount de Louis-Julien Petit, scénario : Louis-Julien Petit et Samuel Doux, sur une idée originale de Louis-Julien Petit, avec : Olivier Barthelemy, Corinne Masiero, Pascal Demolon, Sarah Suco, M'Barek Belkouk, Zabou Breitman... Durée : 1h45. Sortie le 21 janvier 2015.

Affiche et film-annonce © Wild Bunch Distribution
Photos © Michael Crotto

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