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« Frantz » Pierre Niney et Paula Beer, révélation fascinante, dans le dernier Ozon

Avec Frantz, François Ozon nous plonge en Allemagne et en France juste après la première guerre mondiale. Frantz est porté par une belle distribution : Pierre Niney, et une révélation éclatante : la jeune actrice allemande Paula Beer. Lille la Nuit vous livre sa critique de Frantz et vous fait partager sa rencontre avec François Ozon et Pierre Niney !

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Pierre Niney et Paula Beer dans le nouveau film de François Ozon : Frantz


Ozon fut sacrément provocateur à ses débuts - au risque de se caricaturer parfois -. Mais il  a su affiner son écriture avec le temps
, sans renier son regard incisif sur les époques, milieux sociaux et personnages qu’il filme.

C’est également le cas avec Frantz qui, tout en abordant le thème délicat du mensonge, lui permet de raconter des histoires d’amour compliquées, empêchées voire interdites.

Dans Frantz, on trouve des couples de façon réelle ou métaphorique : Frantz et Anna, Anna et Adrien, Adrien et Fanny, Frantz et Adrien (la scène où Adrien vient se lover contre un Frantz mourant dans les tranchées est magnifique). Et même la France et l’Allemagne.

François Ozon : « Tiens, on ne me l’avait jamais dit, ça. Moi, ce qui m’a intéressé dans cette histoire, c’est qu’elle est extrêmement complexe. Qu’il y avait des relations multiples et, effectivement, plusieurs histoires d’amour. Au début, on part sur une fausse piste. On se rend compte que, peut-être, cette piste n’est pas la bonne au milieu du film. Et à la fin, on se dit que dans cette fausse piste, il y a peut-être une part de vérité. Derrière le mensonge d’Adrien, derrière son secret, il y a peut-être une vérité qui se cache. C’est ça qui m’intéressait, comme vous dites, tout ce réseau de relations complexes entre ces personnages ; qui sont tous un peu emprisonnés. Et la seule finalement qui, je trouve, arrive à s’extirper de tout ce malstrom de relations et de névroses, c'est Anna ».

Construit comme une enquête, Frantz joue habilement - et intelligemment - de différentes pistes scénaristiques. Si le film s’inspire ouvertement mais librement d’un film de Ernst Lubitsch (L’homme que j’ai tué, Broken Lullaby en VO -1932), Ozon semble davantage influencé par Hitchcock.

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François Ozon et Pierre Niney à Lille le 26 août 2016. Photo: Alexandre Marouzé/Studio AMView.

 

Comme dans Vertigo (Sueurs Froides - 1958), un personnage part à la recherche d’un être disparu. Comme dans Vertigo, un personnage tente de retrouver un amour perdu en une autre personne.

Pierre Niney : « Dans le scénario, je sentais déjà sur le suspens qu’il y avait quelque chose d’un peu hitchcockien. Maintenant que je vois le film,  je trouve qu’il a par instants des qualités qui me font penser à des films de Hitchcock. Et je trouve ça très fort ! Vous savez, moi j’ai grandi avec des films d’Hitchcock car mon père en est très fan. Mais François disait que c’était plus ou moins conscient… »

François Ozon : « Oui car j’ai été nourri à Hitchcock mais je n’y pense pas forcément tous les jours. Je pense qu’un film comme Vertigo est dans l’inconscient de tous les cinéastes. On l’a tous vu, on l’a analysé. Et puis Vertigo c’est un film sur le cinéma ! C’est un film sur un réalisateur qui construit une actrice ! Et qui crée une histoire. Ca parle de notre travail de réalisateur. Donc, quand un film parle de la fiction, on fait toujours quasiment référence à Vertigo ! »

Dans Frantz, Ozon construit lui aussi une actrice. Du moins, il la révèle. Paula Beer donne plus que le change face à Pierre Niney. Au fur et à mesure du film, cette jeune comédienne allemande (20 ans au moment du tournage) passe par tous les sentiments. Le spectateur a l’impression que Ozon filme un papillon en train de sortir de sa chrysalide. On le sent fasciné par son actrice.

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Ozon filme Paula Beer comme un papillon sortant de sa chrysalide.

 

Un dernier point : comme tous films d’époque réussis, on découvre dans Frantz un discours sur notre époque, une façon d’éclairer notre présent.

François Ozon : « Eclairer, je ne sais pas. En tout cas : interroger ! (…) Moi j’avais l’intuition que ça parlait aussi d’aujourd’hui. On a fait le film, juste après les attentats de Charlie où il y a eu ce mouvement où la France se ressoudait autour de La Marseillaise. On entendait partout La Marseillaise dans Paris. Je ne sais pas si c’était pareil ici ? Et on la chantait non pas comme un chant guerrier mais un chant de réconciliation, d’une certaine manière. Et je me suis dit : « Ce serait intéressant qu’on réécoute cette chanson dans son vrai visage, dans la cruauté de ses paroles, dans sa violence, dans le côté guerrier et sanguinolent qu’il y a dans ces paroles » Et qu'en plus, on entende cette chanson comme un chant nationaliste du point de vue d’une allemande. Et puis, en ce moment il y a la montée de beaucoup d’extrémismes. Il y a un nationalisme qui revient. La question de l’identité est au centre de la politique française (…). Beaucoup de gens demandent un retour aux frontières. Donc, je me suis dit « C’est intéressant. Toutes ces questions sont aussi en 1919. Et comme on sait que l’Histoire est tragique et qu’elle se répète, ça permet d’éclairer et de se poser des questions ». Après le film a un message pacifiste. Il renvoie dos à dos les nationalismes ! »

Quelques heures après la sortie de la salle, on se surprend à penser à Frantz, ses images (qui mêle le noir et blanc à quelques touches de couleurs), personnages, aux questions qu’il aborde. Quand un film vous accompagne bien après la fin de sa projection, c’est tout simplement qu’il est réussi. Chapeau Monsieur Ozon !

Frantz de François Ozon
Avec Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner, Marie Grüber, Yohann von Bülow, Anton von Lucke

Durée : 1h53
Sortie en salles le 7 septembre 2016

Film-annonce, photos et affiche du film © Mars Films

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