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« Gainsbourg, mon amour »

« Gainsbourg, mon amour », c'est en quelque sorte ce que doit se dire Joann Sfar, auteur reconnu de bandes dessinées, à propos de son idole. Dans Gainsbourg (vie héroïque), son premier film, l'auteur ne s'est pas contenté d'une simple biographie reconstituée pour le cinéma. Plus qu'un film, c'est une histoire qu'il nous raconte, à sa manière, avec ses excentricités et sa vision romancée de la vie du grand Serge. Car comme il est précisé dans le générique de début, c'est bien d'un conte qu'il s'agit (même si c'est Jane Birkin qui a voulu le sous-titre Un conte de Joann Sfar).

Comme il ne faut pas s'attendre à un biopic classique, précis et daté, il faut prendre quelques précautions pour l'apprécier à sa juste valeur :
1) si vous connaissez peu la vie de Gainsbourg, ce film ne vous parlera peut-être pas ; mais des petits éléments vous interpelleront et vous inciteront à en savoir plus sur son histoire
2) même si vous savez que Lucien Ginsburg est devenu Serge Gainsbourg avant d'être Gainsbarre, il sera quand même utile de réviser. Et parmi le large panel de sources possibles, on vous en conseille une : l'émission Un jour, un destin consacrée à Gainsbourg (rediffusée le 26 janvier). Ce n'est pas la source ultime, parfaite et totalement complète, mais elle éclairera certains passages du film. Ce n’est pas un film qu’on ne regarde qu’une seule fois, tant les détails sont nombreux. C’est quand même l’histoire de toute une vie tumultueuse résumée en "seulement" 2h10.

Une fois préparé, il est temps de plonger dans cette vie haute en couleurs. Et là, on est ébloui et conquis ! L'acteur principal, Éric Elmosnino, nous bluffe par son incarnation physique, vocale et charismatique de Gainsbourg. Plus on avance dans le film et plus la ressemblance est frappante, notamment pour la période entre Brigitte Bardot et la rupture avec Jane Birkin. Éric Elmosnino, qui ne s'intéressait pas à Gainsbourg au départ, interprète pourtant de manière magistrale les différentes facettes du rôle, que ce soit le jeune dandy épris de la muse Gréco, le compositeur devenu père ou encore l'artiste perdu et alcoolique.

Mais le film repose aussi sur les essentiels seconds rôles de la vie de l'artiste : Kacey Mottet Klein qui joue le petit Lucien ; Doug Jones (« La Gueule ») ; ou encore Philippe Katerine en brillant Boris Vian. Ce sont surtout les muses de Gainsbourg, toutes plus séduisantes et sexy les unes que les autres, qui marquent ce conte : Anna Mouglalis en impériale Juliette Gréco ; la convaincante Lætitia Casta en Brigitte Bardot enfantine et passionnée ; Lucy Gordon en remarquable Jane Birkin tour à tour perdue, amoureuse, indépendante, conquise puis inquiète * ; Mylène Jampanoï en fragile Bambou.

Joann Sfar fait l'impasse sur certains passages de la vie du chanteur et s'étale sur d'autres, notamment sur celui où Gainsbourg peint. Pour autant, le film est totalement cohérent, jusque dans sa bande-son chantée par les acteurs eux-mêmes. Certains fans de « l'homme à tête de chou » (comme il se surnomme lui-même) regretteront peut-être les titres qui n'apparaissent pas, mais le principal y est. Au pire, ils pourront se consoler à trouver les différentes personnalités qu'on reconnaît dans le film (saurez-vous les retrouver ?): Gonzales (qui interprète aussi « les mains » du Gainsbourg pianiste), Yolande Moreau, François Morel (Les Deschiens), Matthias Malzieu (Dionysos), Riad Sattouf (Les Beaux Gosses) et Joann Sfar lui-même en vrai sosie du célèbre « Georges B. ».

Au-delà de la performance époustouflante d'Éric Elmosnino, quatre scènes nous ont marqués :
- Quand Gainsbourg enchante sa Bardot « en drap » au lendemain d'une nuit d'insomnie et de composition ;
- Celle où l'artiste, accompagné par Jane et leur chien, présente, sûr de lui, son sulfureux "Je t'aime... Moi non plus" à son producteur (interprété par un Claude Chabrol hilarant)
- Lorsque le père de Gainsbourg (Razvan Vasilescu) apprend que son fils fréquente Brigitte Bardot. Sa joie est communicative.
- Et enfin, lorsque Gainsbourg met au garde-à-vous les para à Strasbourg et leur fait fièrement entonner La Marseillaise. Venu pour chanter sa Marseillaise, l'artiste émeut quand il prononce ces célèbres paroles : « Je suis un insoumis ! ». Une insoumission qui lui vaudra d'être (enfin) reconnu comme artiste à part entière. Le début d'une vie héroïque.

Une dernière scène doit être soulignée : quand Gainsbourg se trouve en Jamaïque. Les acteurs ont en fait tourné la scène à Berck-sur-Mer ! Amis Nordistes, l’illusion est parfaite ! (Cf photo ci-dessus)

* petite info qui rendra le film un peu plus touchant : Lucy Gordon qu'on avait remarquée dans le rôle de Celia Shelburn dans Les Poupées Russes, s'est suicidé le 20 mai 2009, quelques jours avant ses 29 ans et son départ pour le Festival de Cannes.

« Ce ne sont pas les vérités de Gainsbourg qui m'intéressent, mais ses mensonges… » Joann Sfar

Les scandales passent, la légende reste…

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