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« Hacker » : le cyber-thriller de Michael Mann débarque en vidéo !

Synopsis : Hacker vous plonge dans le monde de la cybercriminalité mondiale. Le hacking du Chicago Board of Trade provoque une réaction en chaîne dans le monde qui plombe les marchés boursiers internationaux. Le code informatique utilisé a été écrit par un pirate informatique qui purge, actuellement une peine de prison… Ce dernier, Nicholas Hathaway, est donc libéré s’il accepte de collaborer avec le FBI et le gouvernement chinois pour démasquer le coupable de cette attaque informatique.

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Tang Wei et Chris Hemsworth dans une scène vertigineuse de Hacker.

 

Critique : Une fois n’est pas coutume, nous parlons cette semaine sur Lille La Nuit d’une sortie vidéo avec la parution chez Universal du dernier film du cinéaste américain Michael Mann : Hacker (dont on peut préférer le titre original, Blackhat, moins cliché et daté) !

Il nous semble essentiel de revenir sur ce long-métrage qui a connu un échec retentissant en salles. Essentiel car il s’agit de l’un des films les plus passionnants de cette année 2015. Sans doute aussi l’un des meilleurs. Réalisé avec un budget de 70 millions de $, Hacker n’a, à titre d’exemple, fait déplacer que 144.413 spectateurs en France. Et on ne parle même pas de la carrière du film aux Etats-Unis. Un bide assez incroyable pour le réalisateur de Heat, Révélations, Collateral, Miami Vice, Public Enemies

Le rédacteur de ces lignes, amateur du travail de Michael Mann depuis toujours, avoue trouver l’insuccès du film injuste pour ne pas dire révoltant. D’autant plus que, s’il tente de nouvelles formes de mises en scène, Mann ne laisse pas le spectateur sur le bord de la route. Hacker, est bel est bien un grand thriller qui comporte son lot de scènes à suspense, spectaculaires ; de gunfights renversants, courses poursuites échevelées, de séquences d’action à faire pâlir tous les James Bond de la terre, dans le cadre de somptueux décors exotiques !

On peut tout de même tenter une hypothèse en se disant que la noirceur du film et de sa fin - que nous ne dévoilerons pas - a peut-être déstabilisé les spectateurs amateurs de blockbusters et de cinéma mainstream. A moins que le sujet du piratage informatique, assez peu sexy sur le papier, n’ait rebuté un nombreux public potentiel. Cessons d’avancer des explications pour comprendre l’échec d’un film qui, de toute façon, demeure tout de même étonnant pour ne pas dire ésotérique.

L’important est que Hacker puisse être vu aujourd’hui par le plus grand nombre en VOD, Blu-Ray et DVD. Ce qui frappe tout d’abord, c’est la qualité exceptionnelle de l’image (bravo à Stuart Dryburgh !). Michael Mann, grand défenseur depuis plusieurs années du numérique n’a pas dérogé à la règle en tournant Hacker.

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Chris Hemsworth dont l'interprétation dans Hacker est faussement transparente.

 

L'image numérique rappelle forcément le look visuel de quelques-unes des œuvres les plus emblématiques du cinéaste (Collateral ou Miami Vice) avec la récurrence des couleurs froides - vertes et bleues -. Mais elle offre également à Mann la possibilité de travailler sur d’autres teintes (les rouges sont flamboyants) et de créer un tout nouvel univers. On soupçonne Mann d'accentuer l'aspect vidéo des images de son film afin que le public sente "physiquement" que Hacker n'est pas tourné en 35 mm - pour sans doute légèrement le déstabiliser et le plonger en immersion -. Ce qui est assez amusant à l'heure où la différence d'image entre les deux formats est devenue avec l'évolution de la technologie quasi insoupçonnable - à moins d'avoir un oeil très exercé -.

L’image numérique donne ainsi l'occasion à Mann d’être totalement en accord avec le sujet de son film : les hackers sont les acteurs d’un monde virtuel, numérique, froid, désincarné. Ils évoluent dans un autre espace temps que le nôtre. Surtout, la photographie de Hacker  peut rappeler à plusieurs reprises l'image vidéo des caméras de surveillance et moniteurs auxquels, ni le héros du film, ni les citoyens du monde, ne peuvent désormais plus échapper.

Du côté de l'interprétation, on pourrait reprocher le choix de Chris Hemsworth, dont la prestation peut sembler fade et transparente. Si on pense cela, nous nous arrêtons à la surface des choses. On trouve peu d'erreurs de casting chez Mann. Tout juste peut-on rechigner sur Will Smith bien trop "léger" et manquant singulièrement de charisme pour incarner le magnétique Mohamed Ali -. Mais quel acteur populaire aurait pu rendre ce film possible au moment de sa production, en 2002 ?

Il faut comprendre que Hemsworth interprète avant tout un « technicien », qui doit mener une mission, et de la façon la plus professionnelle qui soit. Les états d’âme ont peu de place dans la vie et le parcours de son personnage, Hathaway. De plus, Michael Mann, a laissé semble-t-il un indice aux spectateurs de Hacker : le pseudonyme de Hathaway est "Ghostman". Cet homme ne s’est-il pas totalement mis au service de son « art », au point de s’effacer, n’être plus lui-même qu’un fantôme du cybermonde ?

Mais comme Mann, paradoxalement, est un cinéaste des sentiments en plus d’être un grand formaliste, il casse forcément la ligne de conduite que s’est fixé Hattaway en lui faisant croiser le chemin d’une femme, dont il tombera amoureux - superbes scènes d’amour -. Comme dans ses autres films, et peut-être plus encore dans Hacker, Michael Mann se plait à briser les règles narratives du film d'action, les clichés, les schémas. Il s‘amuse à alterner thriller technologique et film d’action mais ne dédaigne pas pour autant s’aventurer dans le romanesque et la romance.

On pourrait faire le reproche à Hacker de traiter d’une histoire convenue, tenant quasi sur un ticket de métro. En fait, on pourrait porter ce grief envers d’autres films du cinéaste - on pense particulièrement à Miami Vice -. Ce serait oublier un peu vite que Michael Mann, fait depuis toujours le pari de mettre en scène du « pur cinéma ».

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Dans Hacker, Michael Mann confronte univers technologique et traditionnel.

 

Une bonne fois pour toutes, enterrons cette phrase assez crétine de Gabin qui veut qu’un bon film « c’est d’abord une histoire, une histoire, une histoire ». La formule pouvait peut-être faire illusion dans les années 60-70 - Et encore ! - On sait bien que le meilleur des scripts donnera le pire des films si le cinéaste ou technicien derrière la caméra se révèle incapable de mettre en images l’histoire qu’il doit nous raconter.

A contrario, un grand réalisateur saura vous émerveiller, vous stimuler, en proposant un univers inédit dont le scénario pourra sembler minimaliste. Dernier exemple en date: le très conceptuel Mad Max Fury Road de George Miller (encore que le film contienne des allusions extrêmement fortes à l'écologie, au féminisme et à Daech).

C’est ce qui se passe avec Hacker : Mann ose un récit d'apparence minimaliste car, en tant qu'artiste, il fait le pari d’émotions qui naîtront du geste d’un comédien, d’un plan, d’un point de montage. C’est tout de même sacrément gonflé à l’heure où l’on continue de nous bassiner avec ce vieux principe du cinéma de récit - ce qui ne veut pas dire que Mann se désintéresse de la crédibilité de ce qu’il raconte : il a passé des mois à enquêter sur les Blackhats - .

Autant dire que Mann, à l’âge de 72 ans est tout sauf un cinéaste réactionnaire. Il tente, expérimente et poursuit sa quête d’interagir avec le spectateur en lui proposant des expériences inédites de mises en scène. A ce titre, deux scènes de Hacker sont renversantes : celle où Hathaway se trouve au milieu d’une cérémonie réunissant plus de 3 000 figurants (en une séquence d’une maestria absolue, Mann confronte univers technologique et traditionnel).

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Avec cette scène de gunfights autour de quelques blocs de bétons, Mann réinvente le film d'action.

 

Et une autre où il réinvente totalement le cinéma de gunfights avec une fusillade d’une beauté graphique saisissante. Il lui suffit pour cela de planter quelques blocs de bétons dans le sol et de chorégraphier autour d’eux une fusillade. Et nous voilà embarqués pour un moment d’anthologie du cinéma d’action, qui fera date.

Mann est un cinéaste visionnaire et un esthète: son cinéma renvoie tout autant à l'architecture, qu'au design, la peinture ou la sculpture. Voilà un artiste complet qui réinvente le film d’action, brisant les conventions d’un genre hélas de plus en plus infantile et infantilisant comme c'est le cas chez les productions Marvel (c'est assez ironique quand on sait que Hemsworth incarne Thor au cinéma). Espérons juste que les majors et grands argentiers du cinéma américain sauront encore lui faire confiance à l’avenir. Qu'ils seront les mécènes d’un artiste qui a encore beaucoup à proposer et inventer.

Au fond, peut-être que Hacker n’a pas trouvé son public car il était quelque peu en avance ? Forcément les spectateurs le découvriront un jour et sauront lui rendre justice. Alors pourquoi attendre puisque la sortie vidéo vous en donne d'emblée l’occasion ?

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

© Universal Pictures International France

Hacker (Blackhat)
de Michael Mann
Écrit par Morgan Davis Foehl et Michael Mann.
Avec Chris Hemsworth, Viola Davis, Tang Wei et Wang Leehom.
2h13 - Sortie Blu-Ray / DVD le 28 juillet 2015
Bonus du Blu-Ray: "La cyber-menace", "Sur les lieux du tournage", "Créer la réalité".

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