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L’Avenir : Une grande Isabelle Huppert chez Mia Hansen-Løve, réalisatrice de Eden

Synopsis : Nathalie est professeur de philosophie dans un lycée parisien. Passionnée par son travail, elle aime par-dessus tout transmettre son goût de la pensée. Mariée, deux enfants, elle partage sa vie entre sa famille, ses anciens élèves et sa mère, très possessive. Un jour, son mari lui annonce qu’il part vivre avec une autre femme. Confrontée à une liberté nouvelle, elle va réinventer sa vie.

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Dans L'Avenir, une femme pourrait s’enfoncer dans les ténèbres mais fait le choix de la lumière.


Critique :
A Lille La Nuit, on aime suivre le parcours de Mia Hansen-Løve. La scénariste-réalisatrice a le talent de saisir l’air du temps, sans pour autant livrer un cinéma sacrifiant à la mode.

Jeune cinéaste de 35 ans, Mia Hansen-Løve a déjà reçu le prix Louis-Delluc du premier film pour Tout est pardonné, le Prix Lumières du meilleur scénario pour Le père de mes enfants - beau film inspiré de la vie du grand producteur indépendant Humbert Balsan - et vient d’obtenir l’Ours d’Argent de la meilleure réalisatrice au dernier Festival de Berlin (excusez du peu) pour L’Avenir. Juste avant ce film, Mia Hansen-Løve aura signé Eden, sur la French Touch, pour lequel Lille La Nuit l’avait rencontrée.

Avec L’Avenir, la réalisatrice change radicalement d'univers. Elle propose, sur plusieurs années, le parcours d’une prof de philosophie, également éditrice. Elle s’appelle Nathalie, se fait quitter par son mari, renvoyer par sa maison d’édition, doit affronter une mère en souffrance très possessive, se rapproche d’un ancien élève (devenu un jeune auteur qu’elle publie), s’acclimate à cette nouvelle liberté forcée qui la pousse à trouver un nouveau chemin de vie.

D’une certaine façon, le film est un hommage que rend Mia Hansen-Løve à ses parents, tout deux profs de philo. Durant tout le film, et au travers du portrait de cette femme, la cinéaste déclare sa flamme, son amour au langage, à l’écriture, la philosophie, la littérature via de beaux dialogues qui ne semblent jamais écrits, joués par des comédiens d’une grande justesse - de la plus grande star au plus petit rôle -.

L’Avenir est un plaisir pour l’oreille. C’est assez rare pour être signalé tant les dialogues sont de plus en plus mal écrits au cinéma. Ici, on a le plaisir d’entendre une belle langue - moderne - et on ne va pas bouder notre plaisir. Evidemment, comme on l’a déjà un peu dit, ces dialogues ne seraient pas agréables à entendre s’ils n’étaient joués par de grands comédiens. Et lorsqu’ils sont servis par une Rolls-Royce comme Isabelle Huppert, c’est un grand bonheur.

Huppert est de quasi tous les plans de L'Avenir. Elle donne son énergie au film, son rythme, sa pulsation cardiaque. Dans L'Avenir, Huppert se montre vive, drôle, impertinente, légère, primesautière. Et se dévoile, une nouvelle fois, en grande actrice comique.

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Isabelle Huppert est de quasi tous les plans de L'Avenir de Mia Hansen-Løve. Et ça nous plait !

Tout est passionnant chez Huppert dans le film : on la regarde parler, s’énerver, bouger, fermer les yeux, tourner la tête… Et si nous émettions l’hypothèse que le cinéma de fiction peut se voir également comme un document sur ses acteurs à un moment de leur vie, de leur art ? C'est la question que nous avons posée à Mia Hansen-Løve.

Mia Hansen-Løve : "Je crois complètement à ça. Et c'est une des choses qui m'inspirent et me fascinent au cinéma. Je ne pense pas que tous les films représentent ça et apportent ça sur les comédiens. Mais c'est une chose qui est propre au cinéma et qu'on retrouve sur beaucoup de films. C'est une chose qui fait le trouble, l'originalité, la force du cinéma. Que ce soit souvent à la fois des fictions, des histoires dans lesquels les acteurs s'effacent au profit d'un récit, de personnages et en même temps ... alors on ne peut pas dire de documentaires mais d’instantanés, de traces de ce que sont les comédiens à ce moment-là. Et cette chose paradoxale qui fait qu'un grand comédien s'efface dans un rôle, incarne entièrement le rôle. Et plus il fait ça, plus le rôle révèle quelque chose de lui. Ce va et vient entre la fiction et la réalité me passionne et, d'ailleurs, est à l'image de la manière dont j'écris aussi. De ce dialogue que je fais constamment entre ma vie, les films que j'écris. Il y a quelque chose dans ce dialogue qui peut presque être un peu vertigineux. Et ce vertige m'intéresse beaucoup. Donc, oui, je pense que le film porte ça !"

Dans L'Avenir, on retrouve aussi Roman Kolinka (fils du batteur de Téléphone Richard Kolinka et de la regrettée Marie Trintignant) qui nous avait impressionné dans Eden avec son personnage de jeune homme torturé. Dans L’Avenir, il incarne un rôle beaucoup plus lumineux, aux antipodes de celui de Eden. On n’a pas fini de retrouver Roman Kolinka dans nos salles obscures. Vous pouvez nous faire confiance.

Edith Scob, grande actrice de théâtre et de cinéma agace autant qu’elle émeut en incarnant la mère. Que ceux qui ne connaissent pas Edith Scob se précipitent pour voir ce film et découvrir en DVD ou VOD le chef-d’œuvre du cinéma d'épouvante français (oui, oui !) : Les Yeux sans Visage de Monsieur Georges Franju !

Toujours du côté des acteurs, André Marcon interprète Heinz, l’époux d'Isabelle. Quand allons-nous rendre justice à ce comédien ? Il est l'un des acteurs français les plus talentueux en activité. Ce qu'il confirme une fois de plus avec brio dans le film de Mia Hansen-Løve.

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Aux côtés de Sarah Le Picard, André Marcon : l'un des acteurs français les plus brillants en activité !


La réalisation de L’Avenir - parlons-en puisque la cinéaste a reçu ce fameux prix à Berlin - est fine, précise, en accord avec son sujet.
De quoi parle L’Avenir ? D’une femme qui pourrait s’enfoncer dans les ténèbres mais décide d'aller vers la lumière - il est beaucoup question du libre-arbitre et de la question du choix dans le film -.

Ainsi Mia Hansen-Løve filme la ville, mais aussi d’autres décors comme des parcs, plages, mer, campagne, nature… (belle lumière de Denis Lenoir). La réalisation a quelque chose d’aérien - travellings, caméras épaules - qui va bien avec cette soudaine liberté dont veut jouir l’héroïne du film. Comment Mia Hansen-Løve a-t-elle fait ses choix de mise en scène pour ce film ?

Mia Hansen-Løve : "C'est difficile de le dire en quelques mots car la réflexion sur la mise en scène est tellement présente dans mon travail. Je veux dire dès l'écriture. La question de "comment filmer ? Quel rythme ? Quel cadre ?" c'est la question qui m'accompagne du début à la fin et qui m'intéresse le plus parce que c'est le lien entre le fond et la forme. Sur la question des décors: Oui, les décors sont extrêmement importants dans mes films ! C'est important de sentir de la vie dans les décors, la façon dont la lumière circule. Comment je vais pouvoir moi-même y circuler avec ma caméra ? Et c'est seulement à partir de ce moment-là que je vais savoir où je vais pouvoir mettre ma caméra. Et c'est pour cela que je ne répète pas avec les comédiens avant de tourner. Je ne trouve véritablement les scènes qu'une fois que je suis sur place. Parce que les scènes, je les trouve toujours en lien avec les déplacements, les temps, les mouvements. Et ça n'a pas grand sens pour moi de juste avoir une page de scénario, de lire des dialogues. Et ce qui va me permettre de trouver la vérité de la scène, c'est la manière dont ces dialogues vont épouser une vie dans un quotidien. Il y a un lien organique entre les décors, le jeu et la lumière. Ces trois choses là ne font qu'un ! Tout le travail de mise en scène, c'est justement de réussir à les relier. "

On aime L’Avenir car Mia Hansen-Løve fait le choix d’un film optimiste, là où d’autres de ses collègues se seraient sans doute laissés happer par une écriture et une réalisation plus dures, dictées par un sujet qu’ils auraient - peut-être - orienté vers davantage de noirceur.

On a encore de belles promesses à faire, des bonheurs à donner et recevoir quand on a dépassé un certain âge. On a des projets et de l’avenir. Et un beau présent à vivre, aussi ! Que Mia Hansen-Løve filme si joliment cette histoire, en dit long sur l'intelligence et la maturité artistique de cette jeune femme.

L'AVENIR Un film de Mia Hansen-Løve
Scénario Mia Hansen-Løve
Avec Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka, Edith Scob, Sarah Le Picard, Solal Forte
Durée 1h40
Sortie le 6 avril 2015

Affiche, photos, film-annonce © Les Films du Losange

 

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