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Le coup de gueule du cinéaste François Dupeyron !

Synopsis : Frédi perd sa mère. Cette dernière lui a transmis un don. Il ne veut pas en entendre parler mais il est contraint, forcé de reconnaître que ses mains guérissent... il s’interroge. D’où vient ce don ? Qu’importe, il l’accepte.

Droits Réservés Alfama Films 2013

Il y a des cinéastes qu’on a très envie de défendre à Lille La Nuit.Com. François Dupeyron est de ceux-là. Il y a des films qu’on a envie d’aider peut-être un peu plus que les autres. Et tant pis s’ils ont des petits défauts, ne sont pas totalement aboutis. Car un petit quelque chose en plus les font sortir du lot de la production cinématographique lambda. « Mon Âme par toi Guérie » (adapté du propre roman de Dupeyron)  appartient à cette catégorie de films.

Il y a quelques semaines, Lille la Nuit a rencontré François Dupeyron. Le grand François Dupeyron. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Mais vous connaissez sans doute ses films : « Drôle d’Endroit pour une Rencontre » avec Depardieu et Deneuve, « La Machine », "C'est quoi la Vie?", « La Chambre des Officiers », « Monsieur Ibrahim et Les Fleurs du Coran » (César du meilleur acteur pour Omar Sharif ), « Aide-Toi le Ciel t’Aidera », … Dupeyron a aussi mis en scène une grande partie de « Ensemble c’est Tout », avec Audrey Tautou et Guillaume Canet, car Claude Berri connaissait de gros problèmes de santé au moment de la réalisation du film. Dupeyron ne vient pas du ghota. Il n'est pas issu du sérail. Ce n'est pas un "fils de". Ses parents étaient agriculteurs.

Dupeyron, c’est un vrai cinéaste. Un artiste. On entend par là quelqu’un qui a une réelle sensibilité. Un humaniste. Le genre de type qui s’excuse presque d’avoir monopolisé la parole durant 90 minutes de sa conférence et qui vous demande : « Et vous ? C’est quoi votre histoire ? ».

C’est peut-être pour ça, au fond qu’il n’intéresse plus grand monde aujourd’hui. On veut bien sûr parler des médias, des producteurs, des chaines de télé. Humain, trop humain le Dupeyron ! Pas assez malléable. Trop singulier. Sensible. Avec un vrai univers. Aujourd’hui, dans un cinéma français et mondial de plus en plus formaté, ça fait presque tâche !

François Dupeyron à Lille - 10 septembre 2013. Photo © Alex Marouzé / AMview

Alors Dupeyron en a marre et a décidé d’ouvrir sa « gueule » ! Lui qui reconnaît avoir longtemps essayé de mettre un peu d’eau dans son vin. Mais là, il ne peut plus. Il parle. Il demande de l’aide. Il appelle au secours.

Aujourd’hui, il fait partie de ces cinéastes qui n’arrivent plus à financer leurs projets. Il dénonce ces producteurs dits indépendants mais qui dépendent totalement de la télévision. Il explique : « J’ai eu deux rendez-vous, dans la même semaine, avec deux producteurs, pour deux projets. Le mercredi avec l’un, pour l’histoire du type qui a un don. Il a relu le scénario et il a coché les gros mots. Oui, les gros mots !... Il a tourné les pages et il m’a demandé, « ça, on peut l’enlever ? » Oui... j’ai dit oui à tout. Des gros mots ! Comme si soudain avec l’andropause, je m’étais mis à écrire des gros mots. Je suis devenu incontinent, ça m’échappe... Tu trouves que dans mes films ça parle gras, ordurier, mal à propos ? Le lendemain, j’ai rendez-vous avec l’autre producteur, l’histoire du déserteur, en 14... Rebelote, il a tourné les pages lui aussi. « Ça, on peut l’enlever ? » Oui... encore les gros mots ! Un type qui boit du matin au soir, au front, en 14 !... Et tout ça parce que tu présentes un scénario à la 2 ou la 3 avec un gros mot qui traîne, oh malheur ! Tu dégages... Ils ont un tel pouvoir que règne une petite terreur. Voilà toute mon année. J’ai enlevé des gros mots. Dix ans qu’on me refuse tout et maintenant les gros mots... J’arrive à 62 ans pour enlever des gros mots ! Alors j’arrête, c’est plus pour moi... Je suis peut-être à côté de la plaque, mais je marche plus. »*

François Dupeyron à Lille - 10 septembre 2013. Photo © Alex Marouzé / AMview

Il est là le problème : Les chaines de télévision sont devenues les principales productrices de films. Dupeyron dit même : « Des producteurs, il n’y en a qu’un, la Télé, le Parti. On est dans un système qui porte un nom, un putain de gros mot, « totalitaire », pas creux pas vide, qui fait son sale boulot. On ne serait pas en démocratie, on dirait censure. Je serais le seul à subir ce régime, je fermerais ma gueule ».*   "Ce système rend les gens idiots".

Alors, évidemment cette télévision veut principalement du cinéma sage. Des produits formatés et familiaux qui puissent passer à 20h50. Dur ! Et inquiétant ! Notre production a plus que besoin de diversité si elle ne veut pas mourir comme le cinéma italien ou anglais.

Il est quand même très grave qu’aujourd’hui un cinéaste comme Dupeyron ne puisse plus trouver de financements en provenance des chaines de télé alors que des réalisateurs qui n’ont strictement rien à dire, raconter et filmer (on ne citera pas de noms, il y en a trop) n’ont qu’un coup de fil à passer auprès de leurs potes pour être soutenus.
Loin d’être abattu, toujours combatif, Dupeyron dit tout de même : « J’ai une faveur à vous demander, vous, les journalistes, la Presse. Aidez-nous ! (... ) Aidez-nous ! On a besoin de vous pour retrouver un minimum de liberté, et de dignité. Prenez le relais pour que ceux qui sont en charge d’un pouvoir, petit ou grand, pour quelques jours ou quelques années, sachent et cessent de faire n’importe quoi. »*

Lorsque l’actrice Céline Sallette a présenté le scénario de "Mon Âme par toi Guérie" à une productrice, celle-ci lui a renvoyé à la gueule. « Qu’est-ce que c’est cette merde ? »* lui a-t-elle balancé. On n’est pas loin du scandale !

Droits Réservés Alfama Films 2013

Alors oui, on a envie de le soutenir, François (excusez-nous ce trop plein de familiarité). On est heureux qu’un producteur courageux, Paulo Branco, spécialiste des entreprises difficiles se soit lancé dans l’aventure. Dupeyron est également soutenu part des techniciens qui ont accepté d’être moins rémunérés, par le chef-opérateur Yves Angelo (la photo de « Tous les Matins du Monde », du grand Corneau, c’est lui) et de sacrés acteurs comme Céline Sallette (éblouissante), Grégory Gadebois et Jean-Pierre Darroussin.

On vous demande de voir « Mon Âme par toi Guérie » car ce film a besoin de votre aide. Sans vous, spectateurs, le dernier Dupeyron aura beaucoup de peine à dépasser deux semaines dans les salles. Et encore, on est optimistes ! Comment un tel film peut-il exister aujourd’hui face à dix-huit autres sorties (on a vérifié) ? « Mon Âme par toi Guérie » a donc besoin que nous nous mobilisions !

D’autant plus qu’il s’agit d’une belle histoire d’amour, forte, qui vous transporte. Avec des personnages singuliers et attachants. Une peinture sociale qui sait éviter clichés et sentiers battus. On aime particulièrement la mise en scène de Dupeyron faite de plans-séquences/caméra-épaule (bravo Yves Angelo pour le cadre !). Une réalisation dictée par la minceur du budget et le faible temps de tournage. Dupeyron reconnaît: "Ne pas avoir d'argent pousse à être radical !". Et tant pis si le film connaît quelques petits baisses de rythme, s’il est un chouïa trop long. Au moins, il s’agit de vrai cinéma, avec une vraie pulsation. Un cœur qui bat.

Bande annonce et affiche @ Copyright. Alfama Films 2013.

* Propos issus du dossier de presse.
Les reprises de Plan Séquence.

Les autres sorties de la semaine.

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