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« Le Lac aux Oies Sauvages » : Finissons l’année avec un grand polar chinois, puissant et subversif

Pour cette dernière Actu Ciné de la saison, LillelaNuit fait le choix d’un polar : Le Lac aux Oies Sauvages. Réalisé par le prodige Diao Yinan, qui signe son troisième film - dont le multi-récompensé Black Coal -, Le Lac aux Oies Sauvages est une œuvre d’une grande force esthétique, qui s’inspire des  classiques du film noir, tout en créant sa propre mythologie.

Le Lac aux Oies Sauvages est digne des plus grands polars : violent et subversif.

Diao Yinan

En France, on connaît Diao Yinan pour Black Coal, qui voyait un flic enquêter sur un meurtre particulièrement sordide - un corps dispersé aux quatre coins de la Mandchourie -. Le film, sombre, radical, mais jamais complaisant, avait remporté l’Ours d’Argent du meilleur acteur pour Liao Fan, ainsi que l’Ours d’Or pour le cinéaste, à la Berlinale.

Avant de signer Black Coal, Diao Yinan réalise Uniform en 2003. Puis, en 2007, son deuxième long métrage Train de Nuit, sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Auparavant, il fut scénariste et comédien (après être sorti diplômé de l’Académie centrale d’art dramatique de Pékin). Parallèlement à sa carrière de cinéaste, Diao Yinan écrit des pièces de théâtre. Voilà pour le curriculum vitae du personnage.

Le Lac aux Oies Sauvages prend aussi des allures de road movie.

Noirceur et esthétisme

Ce qui frappe quand on découvre le travail de Diao Yinan, c’est sa noirceur tout autant que l’esthétisme travaillé de ses films. La lumière est somptueuse, la composition de ses plans, d’une grande force picturale. C’est ce qui permet, peut-être, au réalisateur d’aborder en Chine des thèmes durs, ou filmer des scènes violentes, quand elles ne sont pas crues, explicites sexuellement, subversives.

Pour sa dernière réalisation, Diao Yinan retrouve les deux interprètes principaux de Black Coal, Gwei Lun Mei et Liao Fan, auquel il adjoint Hu Ge. Si ses comédiens sont inconnus en France, ils vont vous marquer longtemps après avoir vu le film.

Le Lac aux Oies Sauvages, sélectionné au Festival de Cannes en compétition (la conférence de presse), nous plonge au cœur d'un monde interdit, dangereux, dans le milieu de la délinquance la plus minable. Plus précisément dans un gang de voleurs de motos. Un chef du gang abat des policiers. Il est vite pris en chasse par toute la police, alors qu’une prostituée (une « baigneuse »),  -  qui rêve de recouvrer sa liberté -  le rejoint. Ensemble, ils s’embarquent dans un périple dangereux.

Les ombres portées renvoient à l'expressionnisme allemand.

Hommage à l’expressionnisme allemand dans "Le Lac aux Oies Sauvages"

Sur un scénario des plus classiques, Diao Yinan s’amuse des codes du genre pour se les approprier. Son néo-polar, très esthétique (évoquant un certain cinéma américain des années 80, notamment celui des frères Scott, Ridley et le regretté Tony, mais aussi Wong Kar-wai), est également un vibrant au hommage à l’expressionnisme allemand (les ombres portées sur les murs renvoient à des œuvres comme M Le Maudit de Fritz Lang) et au film noir américain qui en découla (nombre de réalisateurs et techniciens durent fuir l’Allemagne nazie pour trouver refuge aux États-Unis).

Il est impossible de ne pas penser à certains grands classiques signés Samuel Fuller, Don Siegel ou Sam Peckinpah. Mais comme le firent ces grands anciens, Diao Yinan profite du genre pour filmer la déliquescence, la violence, l’abjection de toute une société. La Chine n’est pas épargnée dans Le Lac aux Oies Sauvages (elle ne l’était pas davantage dans Black Coal). Beaucoup de scènes sont d’une grande violence. Certes, cette violence est chorégraphiée - les gunfights et combats sont parmi les plus puissants vus dernièrement sur grand écran -, mais ne tombe jamais dans une glorification outrancière chère à Tarantino.

La lumière peut évoquer Wong Kar-wai mais, aussi, Ridley et Tony Scott.

Des marginaux comme héros

Non ! Le Lac aux Oies Sauvages n’est pas un film qui se la joue « cool ». La violence n’y est pas fascinante. On ressent physiquement les coups portés. Quand un personnage meurt, on a comme un goût de sang dans la bouche. Aucun jugement moral n’est porté. Le gangster et la prostituée sont d’ailleurs les personnages les plus « purs » du film. Du moins, les plus fréquentables.

En poursuivant dans la veine du cinéma policier, en creusant ce sillon, en faisant de marginaux ses héros (ce qui en fait une œuvre subversive), en imposant une « musique » personnelle, Diao Yinani s’affirme comme l’un des cinéastes asiatiques les plus passionnants en activité. Le Lac aux Oies Sauvages est un diamant noir.

Synopsis : Un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin.

Le Lac aux Oies Sauvages de Diao Yinan
Avec Hu Ge, Gwei Lun Mei et Liao Fan...

Durée : 1h50min
Sortie : 25 décembre 2019

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Photos et film-annonce © Memento Films Distribution

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