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« Le Vénérable W » : Le documentaire choc de Barbet Schroeder sur Wirathu, moine bouddhiste extrémiste

Cette semaine, Lille La Nuit fait le choix du documentaire choc de Barbet Schroeder : Le Vénérable W. On connaît Barbet Schroeder pour ses films de fiction  - More  et La Vallée (dont les musiques furent confiées à Pink Floyd), Barfly, Le mystère Von Bülow, JF partagerait appartement, Kiss of Death, La vierge des tueurs… ou épisodes de séries qu'il a réalisés - Mad Men - . Il ne faut pas oublier que Schroeder est aussi un grand documentariste. Le Vénérable W. nous plonge en Birmanie au cœur d’un bouddhisme violent, intolérant et inhumain. Du cinéma documentaire éprouvant mais nécessaire...

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Le Vénérable W. de Barbet Schroeder : avec ce film, le cinéaste clôture sa fameuse « Trilogie du Mal ».


Critique :
Ainsi, avec Le Vénérable W., Barbet Schroeder clôture sa fameuse « Trilogie du Mal » démarrée en 1974 avec Général Idi Amin Dada - documentaire consacré au dictateur ougandais -. Trilogie poursuivie en 2007 avec L’Avocat de la terreur - qui s’intéressait au parcours du très médiatique autant que mystérieux Jacques Vergès (avocat notamment du nazi Klaus Barbie).

Barbet Schroeder : « L’idée de ce film a émergé après la relecture, il y a près de deux ans, de l’extraordinaire et incontournable Bouddha historique, de Hans Wolfgang Schumann, suivi par hasard du Rapport de la Faculté de Droit de l’Université de Yale, qui suppliait très officiellement les Nations Unies d’intervenir en Birmanie. Le texte énumérait tous les signes d’un début de génocide à l’encontre de la minorité musulmane des Rohingyas et incriminait plus précisément un mouvement de moines extrémistes. J’ai voulu en savoir plus. Je suis donc parti sur place, dans la ville la plus bouddhiste du monde, Mandalay, qui compte plus de 300 000 moines pour 1 million d’habitants. Ces moines sont répartis dans des centaines de monastères à travers la ville. Ils suivent tous la tradition du Theravada, qui est la plus proche du bouddhisme originel.»*

Ce qui sidère de prime abord quand on regarde Le Vénérable W., c’est de découvrir qu'en Birmanie, à Mandalay, le bouddhisme se trouve être à des années lumières d’une religion qui prône la tolérance et la compassion.

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Le Vénérable W. de Barbet Schroeder : l'objectif du moine bouddhiste Wirathu est d'exterminer la minorité musulmane des Rohingyas.

Dans Le Vénérable W., Barbet Schroeder fait le portrait de Wirathu, moine extrémiste dangereux (pléonasme). Avec beaucoup de finesse, d’intelligence et de ruse, Schroeder a su convaincre et approcher Wirathu :

« Il voulait savoir pourquoi je voulais faire ce film, je lui ai répondu que Marine Le Pen partageait beaucoup de ses idées, et que si elle arrivait au pouvoir elle ferait sans doute appliquer des lois semblables à celles qu’il venait d’arriver à faire voter dans son pays. En fait la réponse que j’avais donnée à Wirathu était assez proche de la vérité car c’était en effet des problèmes occidentaux dont je voulais aussi parler, en approchant un personnage dont le bouddhisme était en fait avant tout nationaliste et populiste. Une fois sur place j’ai donc compris que nous avions beaucoup à apprendre des bouddhistes extrémistes. Les “axes du mal” et les populismes n’ont pas de frontières... Je voulais comprendre comment ce genre de paroles provoquaient des passages à l’acte alors que ceux qui les prononçaient avaient souvent un discours de paix et d’harmonie. Toutes les religions ont une face claire qui prêche la paix et la bienveillance, mais la sagesse du Bouddhisme à cet égard est inégalable et augmente notre perplexité. »*

Dans le dossier de presse de Le Vénérable W., Barbet Schroeder donne sa définition du bouddhisme* :

« Je ne suis pas le seul à penser le bouddhisme comme l’un des derniers remparts de l’Occident, et pour moi sans doute la dernière illusion, la seule religion qui a jusqu’à présent su éviter le fanatisme et l’extrémisme. L’idée bouddhiste a d’ailleurs pénétré tout l’Occident, depuis la découverte de ses textes traditionnels par quelques penseurs au milieu du XIXème siècle, parmi lesquels Schopenhauer (qui fut l’un des premiers à les découvrir, en 1814 lors de son séjour à Weimar chez Goethe et son cercle d’amis). La réputation du bouddhisme s’est ensuite étendue en Europe, en s’accélérant jusqu’au délire au XXème siècle dans toute l’Amérique du Nord et le monde occidental. »

Le but du cinéaste n’est évidemment pas de critiquer le bouddhisme, mais de dénoncer les agissements de Wirathu qui a dévoyé cette religion pour réaliser son « rêve »  : exterminer la minorité musulmane des Rohingyas (les musulmans représentent 4 % de la population birmane). D’ailleurs, Barbet Schroeder fait intervenir une autre parole bouddhiste, à travers deux moines de la même génération que Wirathu, mais qui lui sont idéologiquement opposés.

Le Vénérable W. de Barbet Schroeder : le but du cinéaste n’est pas de critiquer le bouddhisme mais de dénoncer Wirathu, qui a dévoyé cette religion.

Le Vénérable W. est un film documentaire dont la construction est basée sur des images tournées par Barbet Schroeder lui-même (entretiens avec Wirathu, journalistes, images de manifestations…) et documents d’archives. En outre, deux voix off accompagnent le film (lues par Bulle Ogier, comédienne et compagne de Schroeder, et par le cinéaste en personne).

Le Vénérable W. est un film dur qui dénonce la violence physique et psychologique sans détourner la caméra. Avec le talent qu’on lui connaît, Schroeder livre une œuvre essentielle. Il prend parti (notamment contre Aung San Suu Kyi, loin d'être aussi irréprochable que le laisserait penser son Prix Nobel de la Paix 1991) mais ne signe pas une œuvre de propagande. Si le travail journalistique sur Le Vénérable W. est exemplaire, il en va de même pour la forme de ce long-métrage.

La violence de certaines images (souvent insoutenables, il faut le savoir : le film est interdit aux moins de douze ans) contraste avec la beauté de certains décors naturels et la façon dont Schroeder filme au ralenti personnages et moines sous la pluie. Sans doute peut-on voir dans cette opposition entre violence et quiétude une volonté pour Barbet Schroeder de demeurer équilibré et intellectuellement irréprochable du début à la fin du métrage. Critiquer et dénoncer : OUI ! Mais sans jamais céder à la démagogie et la caricature. Interroger aussi sur les mécanismes qui font que la religion puisse basculer du pacifisme à la violence la plus abjecte.

D'où vient la haine ? Comment naît le mal ?

Schroeder pose des questions mais n’apporte pas de réponses toutes faites. C’est ce qui fait la force de son documentaire. Au spectateur de se saisir des images et témoignages recueillis par le réalisateur pour Le Vénérable W. Au spectateur de donner écho et prolongement à un travail qui doit être reconnu d’utilité publique.

Interdit aux moins de douze ans

* Propos recueillis par Emilie Bickerton et issus du dossier de presse du film.

Synopsis : En Birmanie, le “Vénérable W.” est un moine bouddhiste très influent. Partir à sa rencontre, c’est se retrouver au coeur du racisme quotidien, et observer comment l’islamophobie et le discours haineux se transforment en violence et en destruction. Pourtant nous sommes dans un pays où 90% de la population est bouddhiste, religion fondée sur un mode de vie pacifique, tolérant et non-violent.

Le Vénérable W. de Barbet Schroeder
Scénario : Barbet Schroeder
Production : Margaret Menegoz (Les Films du Losange), Lionel Baier (Bande à Part)
Année de production : 2016
Nationalité France, Suisse
Durée : 1h40

Sortie en France 7 juin 2017

Affiche, photos et film-annonce © Les Films du Losange

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