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« L’homme qui voulait vivre sa vie » d’Eric Lartigau

Eric Lartigau est un réalisateur habitué aux comédies («Mais qui a tué Pamela Rose ?» ; «Un ticket pour l’espace» ; «Prête moi ta main»). Ce nouveau film est donc son premier pas filmique dans le registre dramatique. Ajoutons à cela qu’il s’agit d’une adaptation du roman de Douglas Kennedy du même nom et le challenge à relever est total.

Servi par un solide casting, le film se focalise sur Paul (Romain Duris), avocat parisien qui jouit d’une situation confortable. En effet, Paul possède une belle maison au cœur de Paris, est marié à Sarah (Marina Fois), qui lui a donné deux beaux enfants. Une vie idyllique ? Tout du moins en apparence… car Paul a une passion qui le dévore : la photographie. A l’aide de son amie Anne (Catherine Deneuve) qui lui sert de mentor, il s’est construit une vie bien rangée, qui l’éloigne de jour en jour de son rêve de devenir photographe. Sa situation est de moins en moins enviable à mesure que sa femme prend ses distances vis-à-vis de lui, lui reprochant de ne pas avoir pris de risques, et donc de ne pas vivre sa vie. C’est alors qu’au cours d’un dîner entre amis, il découvre ce qu’il redoutait : sa femme le trompe. Peu de temps après cette découverte, un accident aussi tragique que soudain survient. C’est le déclic : Paul doit vivre sa vie, en assumant les conséquences de choix radicaux.

Raconter ce film sans dévoiler l’intrigue est un défi en soi, concentrons nous donc sur l’atmosphère générale. Tout au long du film, la caméra insiste pour capter le regard de Paul. Romain Duris construit habilement son jeu autour de cette question centrale qu’est la quête d’identité. Interprétant un personnage sympathique, loin des clichés de l’avocat parisien insupportable, il joue un mari aimant, un père présent et un homme cherchant à s’améliorer en faisant certains constats accablants sur son existence («Je passe ma vie à m’excuser»). Il glisse petit à petit vers un nouveau Paul, obligé de se remettre en question et de se confronter à toutes ses peurs, et ce grâce à la photographie, personnage à part entière du film. Sa rencontre avec le bourru Bartholomé (Niels Arestrup) dans sa nouvelle vie va lui permettre d’exister à travers cet art.

La photographie est donc un moteur pour Paul, dans ses deux vies : cela se traduit au niveau de la mise en scène par la transposition de l’objectif de la caméra puis de l’objectif de l’appareil photo au regard de Paul, qui capture les images de son ancienne vie en se tournant vers sa nouvelle. Après le fameux accident, il atteint un point de non-retour et prend des décisions conformes à un nouveau parcours. Cependant, devenir un autre, ou plutôt fuir son ancienne vie, a une conséquence non négligeable : distinguer les apparences de façade des faits authentiques s’avère complexe. La bande son, très ténue, cadre au plus près de cette ambiance intimiste et des sentiments intérieurs confus du personnage principal, interprété par un Romain Duris à la hauteur de ses meilleurs films dramatiques, comme le très césarisé «De battre mon cœur s’est arrêté».

Dans ce film, la photographie est le repère du personnage principal, qui agit sur lui comme un révélateur. Toutefois, notons quelques longueurs, à mettre sur le compte certainement de la transition entre les deux vies de Paul. L’histoire est très belle, dramatique à souhait, l’interprétation à retenir est celle de Romain Duris qui s’épanouit dans ce rôle, qui lui permet d’explorer une grande palette d’émotions. En ce qui concerne le reste du casting, Marina Fois reste très discrète, Catherine Deneuve transparente, et Niels Arestrup trop peu installé dans l’histoire.

En résumé, «L’homme qui voulait vivre sa vie» est un road movie en demi-teinte. Le film perd de son aura pour une raison évidente : l’identification à des faits si dramatiques est déjà un cheminement difficile pour le personnage, encore plus pour le spectateur, qui prend des distances et se laisse moins embarquer dans l’intrigue. Bien que le réalisateur ait pris des libertés vis-à-vis du roman, un conseil : lisez le livre de Douglas Kennedy car l’histoire dans son ensemble est touchante.

"L'homme qui voulait vivre sa vie" d'Eric Lartigau

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