Cette semaine Lille La Nuit a un vrai coup de cœur pour un film d'animation qui ne ressemble à aucun autre. Ma vie de Courgette - inspiré du roman de Gilles Paris Autobiographie d’une Courgette - réussit le tour de force d'aborder un sujet délicat, douloureux, avec beaucoup de pudeur et en s'adressant à tous les publics. On vous en dit plus sur ce film qui récolte les prix dans tous les festivals où il est sélectionné...
Ma vie de Courgette est l'histoire d'un vaillant petit garçon.
Critique : Entrons dans le vif du sujet ! Ma vie de Courgette - réalisé par Claude Barras - traite de la maltraitance des enfants. Ne fuyez pas ! Il est vrai que le thème abordé peut faire peur. Mais il l’est avec tant de finesse, d’humour (oui, oui) et de tendresse qu’on est immédiatement sous le charme de ce film dont la courte durée (1H06) est spécialement adaptée aux plus jeunes des spectateurs.
Comme Claude Barras a raison : pourquoi devrait-on réserver cette thématique au public adulte, alors qu’elle concerne en premier chef les enfants ?
Aidé dans son entreprise par la scénariste Céline Sciamma - réalisatrice de Naissance des pieuvres, Tomboy, Bande de Filles -, Barras laisse la violence physique hors champ (exception faite d'une bagarre entre le petit Courgette et son futur copain Simon). Pour autant, il prend son histoire à bras-le-corps et ne traite pas le sujet à moitié.
Chaque petit personnage de Ma vie de Courgette a une histoire que vous allez découvrir.
La dureté du propos est adoucie par les choix esthétiques et de narration du réalisateur.
Les décors, bouilles des personnages, leur façon de se mouvoir, la photographie, les couleurs, le rythme des séquences, la musique de Sophie Hunger, sont autant d’éléments qui concourent à la poésie de Ma vie de Courgette.
Pour autant, les spectateurs - qu’ils soient enfants ou adultes – ne sont jamais pris en otage d’un manichéisme hélas encore assez présent dans le cinéma d’animation (souvent américain, il est vrai).
Raymond le policier - dont la voix est celle de l’acteur Michel Vuillermoz - n’est pas un Représentant de l’Ordre caricatural, comme on en voit trop souvent au cinéma. On découvre un homme qui n’a plus de contacts avec son fils, souffrant d’une grande solitude et toujours à l’écoute des bambins qu’il doit protéger.
Cette profondeur est présente chez chaque personnage. Aucun adulte travaillant dans le foyer pour enfants n’est représenté de manière binaire. Les adultes maltraitants ne sont pas d’ignobles personnages. Leurs comportements ne sont pas défendus (loin de là !) mais ils sont suffisamment développés pour qu’on ne les regarde pas comme des vampires assoiffés de sang. Barras et Sciamma n’oublient pas qu’ils sont des être humains avant tout, avec leurs cruautés et faiblesses. Ce qui contribue à la crédibilité des personnages. Ainsi, on découvre que l’alcoolisme de la mère de Courgette, est sans doute le fait de l’abandon de son compagnon.
Ma vie de Courgette évoque aussi les premiers émois amoureux et l'amitié.
Laissons le dernier mot sur la prouesse technique que représente ce film à Claude Barras :
"Le stop-motion est une aventure artisanale, à la croisée de la fiction et de l’animation, proche des valeurs que le film veut transmettre. C’est avant tout le partage des savoir-faire et l’élaboration d’objectifs communs à tous les départements dans un esprit collaboratif qui fondent la réussite de ce genre d’entreprise. Il a fallu fabriquer et peindre une soixantaine de décors et cinquante-quatre marionnettes dans trois déclinaisons de costumes. Nous avons ensuite, durant huit mois, tourné soixante-dix minutes de film, répartis sur quinze plateaux de tournage, à raison de trois secondes par jour et par animateur. Huit mois supplémentaires ont été nécessaires pour sonoriser le film et assembler toutes les prises sur fond vert avec les premiers-plans, les arrière-plans, les ciels, les nuages ainsi que les autres fonds de décors créés par ordinateurs. Bien que la fabrication et le tournage furent un marathon de deux ans de travail acharné impliquant plus de cent cinquante «artisans», nous avons tenu et réussi, grâce une équipe très efficace, à mettre en place et maintenir un système de production à échelle humaine tout au long du tournage".*
Lille La Nuit aime quand le cinéma est porté par tant de passion. Et d'autant plus, lorsqu'il est réalisé par des artistes qui sont avant tout des artisans.
SYNOPSIS : Courgette n’a rien d’un légume, c’est un vaillant petit garçon. Il croit qu’il est seul au monde quand il perd sa mère. Mais c’est sans compter sur les rencontres qu’il va faire dans sa nouvelle vie au foyer pour enfants. Simon, Ahmed, Jujube, Alice et Béatrice : ils ont tous leurs histoires et elles sont aussi dures qu’ils sont tendres. Et puis il y a cette fille, Camille. Quand on a 10 ans, avoir une bande de copains, tomber amoureux, il y en a des choses à découvrir et à apprendre. Et pourquoi pas, même, être heureux…
* Propos issus du dossier de presse.
Ma vie de Courgette de Claude Barras
Inspiré du roman de Gilles Paris Autobiographie d’une Courgette édition PLON-PARIS
Avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz Sociétaire de la Comédie Français, Raul Ribera, Estelle Hennard, Elliot Sanchez, Lou Wick, Brigitte Rosse, Monica Budde, Adrien Barazzone, Véronique Montel
Musique originale de Sophie Hunger
Sortie le 19 octobre 2016.
Ma vie de Courgette - qui peut être vu à partir de l’âge de 8 ans - a remporté le Cristal du Long Métrage et le Prix du Public du Festival du Film d'Animation d'Annecy 2016 ainsi que le prix du meilleur film au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Affiche, photos et film-annonce © Gebeka Films
