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Paterson : le dernier film, poétique et planant, du cinéaste rock Jim Jarmusch

Pour la dernière Actu Ciné de cette année 2016, Lille La Nuit a choisi Paterson, le dernier long-métrage de Jim Jarmusch. Interprété par Adam Driver et Golshifteh Farahani, Paterson s’inscrit dans la lignée des réalisations précédentes du cinéaste américain. Pourtant, ce film ne ressemble à aucun aucun autre. Paterson est une œuvre poétique et planante, qui ne peut laisser personne indifférent...

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Adam Driver est magnifique dans le rôle de Paterson, chauffeur de bus poète qui vit... à Paterson.


Critique :
A 63 ans, Jim Jarmusch continue d'écrire et réaliser des films qui imposent leur petite musique  ! Pour les plus jeunes, on rappelle quelques titres de gloire du Monsieur : Stanger Than Paradise, Down by Law, Mistery Train, Night on Earth, Dead Man, Ghost Dog La Voie du Samouraï

Passionné de rock, et de musiques, Jim Jarmusch soigne toujours ses bandes originales. Pour Ghost Dog, il fait appel à RZA. Aujourd’hui, c’est Sqürl, le propre groupe de Jarmusch qui signe la musique de Paterson. Jarmusch aime tellement la musique qu’il a présenté en mai dernier – en même temps que PatersonGimme Danger un documentaire consacré à The Stooges : le groupe historique de Iggy Pop. En 1996, il réalise Year of the Horse, film retraçant une tournée de Neil Young et de son groupe The Crazy Horse (Jarmusch en est raide dingue).

Si l’on parle de musique, c’est parce qu’il s’agit d'une bonne porte d'entrée pour aborder l’œuvre de Jim Jarmusch.

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Paterson est le quatorzième long-métrage de Jim Jarmusch.


Dans la note d’intention rédigée pour Paterson, Jamusch écrit :

« PATERSON raconte une histoire tranquille, sans conflit dramatique à proprement parler. Sa structure est simple : il s’agit de suivre sept journées dans la vie de ses personnages. PATERSON rend hommage à la poésie des détails, des variations et échanges quotidiens. Le film se veut un antidote à la noirceur et à la lourdeur des films dramatiques et du cinéma d’action. C’est un film que le spectateur devrait laisser flotter sous ses yeux, comme des images qu’on voit par la fenêtre d’un bus qui glisse, comme une gondole, à travers les rues d’une petite ville oubliée. »

On pourrait tout autant dire comme un morceau un peu lent et triste (mais non dénué d’humour) d’un vieux groupe de rock, de soul ou de blues.

Paterson est un film qui prend son temps, rend hommage à la ville de Paterson (superbes décors naturels) tout comme au poète William Carlos Williams, originaire de cette ville des Etats-Unis.

On peut regarder Paterson comme on écouterait ou lirait de la poésie. Ou plus précisément, un haïku. Cette forme japonaise de poésie permettant de décrire des émotions, le temps qui passe. Pour apprécier Paterson, il faut accepter une narration qui va un peu à contre-courant des canons actuels d’un cinéma américain parfois bruyant et fatiguant. Il faut accepter de s'installer dans son fauteuil et de participer à une expérience qu'on qualifiera de planante.

Le film suit sur une semaine le quotidien d’un chauffeur de bus qui écrit de la poésie (mais veut-il réellement devenir poète ? Ou rêve-t-il sa vie ?), vit avec sa petite amie Laura et le bouledogue français de cette dernière : Marvin.

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Golshifteh Farahani et Adam Driver incarnent un couple qui vit à contre-courant du temps et des modes.


Le dernier Jarmusch n’offre pas d’enjeux dramatiques forts.
Si vous ne connaissez pas le travail du cinéaste, n'attendez pas d'y découvrir des péripéties mouvementées ou des moments de bravoure.

Pourquoi le cinéma devrait-il se contenter de ne proposer que des moments exceptionnels ? Jarmusch filme des tranches de vies souvent dérisoires, où alternent moments dramatiques, joyeux et comiques.

Paradoxalement, le film est dans un tel refus du spectaculaire qu’il en devient extraordinaire et singulier.

Ce n’est pas un hasard si le personnage de Paterson (il porte le même nom que sa ville) refuse d’avoir un téléphone portable… Mais comme Jarmusch a de l’humour, et qu’il n’est pas un affreux passéiste, il pointe aussi dans son film les limites d’un tel comportement dans une société qui souhaite des réponses et solutions immédiates.

On peut être désarçonné par le personnage de Laura. Elle passe le film à faire des cercles noirs sur des robes et rideaux blancs, ou cuisiner des cupcakes. Golshifteh Farahani - divinement belle - n’est-elle que décorative dans le film ? Ce serait fait injure à Jim Jarmusch de penser cela. Pourquoi le personnage de Laura n’aurait-il pas le droit, lui aussi, de vivre sa vie différemment ? A contre-courant du temps et des modes.

Paterson, quant à lui, semble ne pas appartenir à notre époque. Comme on l’a déjà dit, il n’a pas de téléphone portable. Il n’utilise pas non plus d’ordinateur. Il est un homme du XXème voire du XIXème siècle. Adam Driver - bien meilleur que dans l’épisode 7 de Star Wars : Le Réveil de la Force - apporte l’émotion, l’humour, le décalage, le romantisme, la mélancolie et nostalgie nécessaires au personnage.

Et puis, il y a ce bouledogue français irrésistible de drôlerie : Marvin ! Il est le personnage au cœur du film. Le chien ne cesse d'observer ses maîtres sur lesquels il semble régner comme un démiurge.

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Marvin le bouledogue français (en réalité une femelle prénommée Nellie) a obtenu la Palm Dog au dernier Festival de Cannes.

Si Paterson n’a pas obtenu de récompense au festival de Cannes, c’est peut-être tout simplement parce qu’il échappe à toutes catégories. Voilà un film libre qui ne se laisse pas emprisonner dans des cases. Et c’est ce qui fait tout le prix de cette œuvre magnifique.

Synopsis : Paterson vit à Paterson, New Jersey, cette ville des poètes  -  de William Carlos Williams à Allen Ginsberg – aujourd’hui en décrépitude. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura, qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte pas…

Paterson
Directeur de la photographie Frederick Elmes
Durée : 118 min
Sortie le 21 décembre 2016

Affiche, photos, film-annonce © Le Pacte

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