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« Quand nous étions sorcières » : Björk dans un film inédit inspiré d’un conte des frères Grimm

L’Actu Ciné de Lille La Nuit vous propose de découvrir Quand nous étions sorcières (1990). Si cette adaptation d’un conte des frères Grimm a retenu notre attention, outre ses évidentes qualités cinématographiques, c’est qu’elle est interprétée par Björk Guðmundsdóttir, plus connue sous le nom de Björk. La musicienne y montre un déjà remarquable talent d’actrice. Et ce, dix avant le film de Lars Von Trier, Dancer in The Dark, qui lui valut le prix d’interprétation féminine à Cannes.

Au moment du tournage, Björk n'a que 20 ans, et tient son premier rôle au cinéma.

Une découverte cinématographique

Nous ne connaissions pas Quand nous étions sorcières (The Juniper Tree, en vo), avant que Capricci Films et Les Bookmakers ne se décident à le sortir en salles.

Tourné dans des paysages volcaniques islandais en 1986-87 (pour des raisons de financement, le film ne sera montré pour la première fois en salle qu’en 1991), librement inspiré des frères Grimm, Quand nous étions sorcières est réalisé par la cinéaste américaine Nietzchka Keene, décédée en 2004.

« Le film est basé sur le conte des frères Grimm, Le conte du genévrier, c’était une de mes histoires préférées quand j’étais enfant. Il y avait quelque chose d’horrible qui me plaisait. Cependant, j’ai apporté plusieurs modifications à l’histoire originale. Les personnages principaux du conte étaient une mère, sa fille et son beau-fils. La mère reprochait à sa fille la mort du beau-fils et la contraignait à accepter sa culpabilité. Je m’intéressais davantage à la sorcellerie qui est un thème souterrain dans la plupart des contes de Grimm quand ils parlent des femmes. Je souhaitais le ramener sur le devant de la scène. J’ai gardé la jeune fille comme personnage principal car le récit se focalise sur son expérience du monde après qu’elle a fui. Mais j’ai transformé ce voyage initiatique en quête spirituelle plus profonde. »*

L'influence de Bergman

Quand nous étions sorcières frappe d’abord par sa beauté plastique, qui renvoie au cinéma d'Ingmar Bergman. Il est évident que la réalisatrice et son chef-opérateur, Randy Sellars, furent inspirés par Le Septième Sceau, chef-d’œuvre emblématique du cinéma mondial.

Quand nous étions sorcières frappe par sa beauté plastique, qui renvoie au cinéma du cinéaste suédois, Ingmar Bergman.

Comme dans le classique de Bergman, le noir et blanc est ombrageux. Nietzchka Keene fait s’entrechoquer fresque moyenâgeuse, fable fantastique, critique de l’obscurantisme.

Une mélancolie et une solitude feminines

Ce n’est pas un hasard si Nietzchka Keene met au coeur de son film le thème de la sorcellerie. La mère de la jeune Margit et de sa sœur Katla, a été brulée pour sorcellerie. Plus tard, le petit Jónas nourrit une haine profonde envers Katla, persuadé que la jeune femme a ensorcelé son père, Jóhann.

« Le film n’a aucun message à faire passer. Ce qui compte pour moi dans ce film, c’est sa mélancolie. Une mélancolie et une solitude féminines. Les contes des frères Grimm expriment pour la plupart une peur des femmes. Elles figurent souvent le mal ou représentent un danger pour les hommes. Dans mon adaptation, les femmes n’ont pas d’autre choix, après le châtiment de leur mère, que de fuir et de trouver la protection d’un homme. Sans cela, elles resteraient très vulnérables dans un monde dominé par les hommes. J’ignore l’efficacité de la sorcellerie, je la considère simplement comme le moyen pour ces femmes d’essayer de survivre et de maîtriser leur environnement et leur vie au même titre que la religion, la rationalité, la science ou d’autres croyances permettent aux êtres humains de donner un sens à leur existence et d’agir sur le monde. »*

A l’heure du Me Too, Quand nous étions sorcières prend une résonance toute à fait particulière.

Voir aujourd’hui, à l’heure du Me Too, Quand nous étions sorcières, prend une résonance toute à fait particulière. Le film n’a rien perdu de sa force, de sa beauté sauvage, de sa dureté. Les thèmes abordés sont, hélas, toujours d’actualité.

Le premier rôle de Björk au cinéma

Björk incarne la jeune Margit. Au moment du tournage, elle n'a que 20 ans, tient son premier rôle au cinéma, et n’est connue que par les aficionados du rock, qui l’ont repéré comme chanteuse du groupe The Sugarcubes. Surtout, Björk n’a pas encore enregistré Debut (1993), l’album qui va faire d'elle une star de renommée mondiale.

« Pour le rôle de Margit, j’avais d’abord casté une comédienne de 13 ans. Björk avait 19 ans et était enceinte au moment du casting, je ne l’avais donc pas sollicitée. Puis, je me suis rendu compte que mon premier choix n’était pas le bon, et Björk nous a rejoints. »*

Quand nous étions sorcières fut tourné dans de somptueux paysages volcaniques islandais.

Difficile de trouver un choix d’interprète plus judicieux que celui de Björk tant la chanteuse et musicienne représente aujourd’hui un modèle de femme libre et d'artiste exigeante. S’il est vrai que chaque comédien (Bryndis Petra Bragadóttir, Valdimar Örn Flygenring, le petit Geirlaug Sunna Þormar) se montre irréprochable, Björk se donne corps et âme pour un rôle qui semble la préparer inconsciemment au personnage de Selma ; de Dancer in the Dark. Pour ce film de Lars Von Trier, qui décrochera la Palme d'Or, Björk remportera en 2000 le Prix d'Interprétation Féminine au Festival de Cannes. On perçoit déjà chez l'artiste islandaise cette vérité, cette douleur et cette incandescence, qui la caractérisent.

On regrette amèrement que l’expérience avec Lars Von Trier fut à ce point douloureuse pour Björk (au point qu’elle abandonne définitivement le métier de comédienne) tant elle se montre digne des plus grandes interprètes.

Pour Björk, mais aussi le travail de la regrettée Nietzchka Keene, Quand nous étions sorcières - restauré en copie numérique 4K - mérite que vous fassiez le déplacement dans les salles obscures.

Les infos sur Quand nous étions sorcières

Synopsis : À la fin du Moyen-Âge, la jeune Margit et sa soeur aînée Katla fuient dans les montagnes après que leur mère a été brûlée pour sorcellerie. Elles trouvent refuge chez Jóhann, un paysan veuf qui élève son petit garçon Jónas. Tandis que Margit et Jónas se lient d’amitié, Katla entreprend de séduire Jóhann. Persuadé qu’elle a ensorcelé son père, Jónas nourrit une haine profonde envers Katla. Pendant ce temps, Margit a des visions de sa mère défunte et se réfugie peu à peu dans un monde imaginaire…Quand nous étions sorcières (1990) de Nietzchka Keene
avec Björk Guðmundsdóttir, Bryndis Petra Bragadóttir, Valdimar Örn Flygenring, Guðrún Gísladóttir, Geirlaug Sunna Þormar

Islande, États-Unis
Durée 79 MIN

Sortie le 8 mai 2019

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

* Propos de la réalisatrice issus du dossier de presse.
Affiche, photos, film-annonce © Capricci  - Les Bookmakers

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