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La rétrospective Melville : Le Cercle rouge et autres films d’une légende

Synopsis : Un truand marseillais, un détenu en cavale et un ancien policier mettent au point le hold-up du siècle. Le commissaire Mattei, de la brigade criminelle, leur tend une souricière.

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Le Cercle Rouge (1970) : l'un des quatre films indispensables de cette rétrospective Melville.

 

A propos de Melville et du Cercle Rouge : Sophie Dulac Distribution et Studio Canal ressortent quatre films majeurs (en copies numériques restaurées) de l’un de nos plus grands cinéastes, Jean-Pierre Melville : Le DoulosL’Armée de Ombres - le meilleur film réalisé sur la Résistance, d’après le livre de Joseph Kessel et largement nourri des souvenirs de résistant du réalisateur -, Le Cercle Rouge et Un Flic. Evidemment, Lille La Nuit ne pouvait passer à côté de cet événement qui sera programmé dans toute la France et au Majestic de Lille par l’association Plan Séquence.

Melville, c’est un cas ! Homme peu aimable, solitaire, misanthrope (ne dit-il pas par l’intermédiaire de personnages du Cercle Rouge : « Tous coupables », « Le crime est à l’intérieur de tous, il suffit de le débusquer », « Ils viennent au monde innocents, mais ça ne dure pas » ?), dur, au look improbable de faux américain portant stetson et sunglasses. Mais surtout immense metteur en scène, fou de polar, de jazz, de cinéma. Au point de faire construire ses propres studios au 25 bis rue Jenner dans le XIII arrondissement de Paris (concernant Melville, on préfère dire : Paname) - qu’un incendie détruisirent en grande partie, le 29 juin 1967, lors du tournage de son film Le Samouraï - .

Né Jean-Pierre Grumbach le 20 octobre 1917, Melville (pseudonyme qu'il choisit comme un hommage à Herman Melville, l'auteur de Moby Dick) meurt le 2 août 1973, foudroyé  par une attaque cérébrale alors qu'il dîne dans un restaurant. On peut émettre l’hypothèse que l’échec commercial de son film Un Flic - pourtant somptueux, mais le public n’a pas toujours raison -  n’y est pas tout à fait étranger.

Melville est l’un des rares cinéastes français de l'époque qui fut épargné par les jeunes "turcs" des Cahiers du Cinéma et de la Nouvelle Vague - Truffaut, Chabrol ou Godard, qui le fait apparaître dans A Bout de Souffle, le considéraient un peu comme leur père spirituel - . Il est un phare dans le cinéma français, une pierre angulaire pour les cinéastes amateurs de polars secs, épurés, méthodiques (même s’il réalisa des films n’appartenant pas à ce genre comme Léon Morin Prêtre, avec Belmondo).

On ne compte plus le nombre de réalisateurs qui ont rendu hommage à Melville : Alain Corneau (Police Python 357, Le Choix des Armes, une nouvelle version du Deuxième Souffle), John Woo (The Killer), Jim Jarmusch (Ghost Dog) et beaucoup d’autres…

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La légende Jean-Pierre Melville dans le légendaire A Bout de Souffle (1960) de Godard.

 

Jean-Pierre Melville est l’auteur de longs-métrages qui appartiennent tous à l’histoire du 7ème Art - Le Silence de la Mer, L’Ainé des Ferchaux, Le Deuxième Souffle… - qu’il faut à tout prix découvrir, voir, revoir, (re)revoir… Mais nous avons décidé de nous pencher davantage sur l’un des films de la rétrospective qui vous est proposée : Le Cercle Rouge ! Pourquoi ce film ? Tout simplement parce qu'il s'agit d'une excellente porte d'entrée si on ne connaît pas l'univers de Melville.

Tout le style du cinéaste est dans Le Cercle Rouge. Le film est glacial - mais la glace chez Melville est brûlante -, quasi dénué du moindre sentiment (aucun homme n’en sortira grandi à part, et encore on n'en est pas sûr, le personnage interprété par Bourvil), le rythme est plutôt lent - mais c’est justement parce que Melville étire le temps que nous sommes rivés à notre fauteuil, en proie à un suspense redoutable -, la musique jazz signée Eric Demarsan rythme le tempo d’un film qui refuse tout compromis, sans pour autant négliger le sens du spectacle car le réalisateur était un fou furieux de cinéma américain. Il était impossible pour lui de laisser le spectateur sur le bord du chemin.

Le Cercle Rouge est une succession de morceaux de bravoure : Vogel, truand en cavale (incarné par l’immense Gian Maria Volonte) poursuivi par les flics, Bouvil - dans le rôle du commissaire Mattei - qui rentre nourrir ses chats dans son appartement suintant la solitude, Jansen incarné par Yves Montand - en pleine crise de delirium tremens - qui voit lézards, crabes, rats, ou serpents imaginaires rampant sur son lit; la rencontre dans un champs entre Volonte et Alain Delon (magnifique) qui renvoie aux westerns italiens, le cambriolage scientifique de la bijouterie; d'autres scènes inoubliables qui font intervenir deux grands acteurs habitués de Melville: François Périer et Paul Crauchet

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Gian Maria Volonte et Alain Delon dans l'un des morceaux de bravoure du Cercle Rouge.

 

Pourtant, on ose le dire, le script du Cercle Rouge n’est pas vraiment exceptionnel. On pourrait même trouver l’histoire assez banale, déjà vue. On peut même imaginer que sur le papier, elle ne décolle pas. Mais c’est là qu’intervient le génie absolu de Melville : car contrairement au vieil adage un peu sommaire prononcé par Gabin (« Un bon film c’est une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire »), nous pensons à Lille La Nuit que le cinéma, c’est surtout une affaire de mise en scène. Prenez le scénario le plus génial du monde et faites-le réaliser par un tâcheron : vous aurez une sombre merde !

Faites tourner un script très classique par un cinéaste comme Melville et vous aurez un chef-d’œuvre. Tout simplement car le bonhomme fait du PUR CINÉMA ! On peut même supposer qu’il savait que son script ne battait pas des records d’inventivité. Seulement voilà, étant tout à fait conscient de son art et de son immense talent (ce qui ne veut pas dire qu’il ne doutait pas), Jean-Pierre Melville savait qu’il allait transfigurer son scénario grâce aux décors, ses axes de caméras, son sens du découpage, du rythme, du casting …

Cette rétrospective incontournable nous rappelle qu’en France, à une époque un peu lointaine, on savait faire de grands films noirs (L'Armée des Ombres, en est un aussi, à sa façon) et qu’un polar comme Le Cercle Rouge - porté en triomphe par les spectateurs : 4 343 102 entrées France - en entrainait forcément un autre

Le cinéma policier, genre collectif, se nourrissait du film précédent. C’est hélas aujourd’hui un peu de l’histoire ancienne. Le polar français se cantonne souvent aux mauvaises séries de TF1 (une exception avec Engrenages sur Canal +), aux films involontairement parodiques de type La French ou aux polars atrophiés d’Olivier Marchal (sincère, cela dit, dans sa démarche contrairement à beaucoup d'autres).  La prochaine fois je viserai le coeur, L'Enquête ou L'Affaire SK1 nous font cependant espérer un réveil du genre...

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André Bourvil dans l'un de ses rôles les plus marquants : le commissaire Mattei du Cercle Rouge.

 

Un dernier mot : Si vous ne connaissez Bourvil que dans des comédies, où il excelle, comme Le Corniaud ou La Grande Vadrouille, vous allez être scotché par la performance tragique qu'il livre dans Le Cercle Rouge. La prestation de André Bourvil - c’est sous ce nom qu’il est crédité au générique  - est si impressionnante, qu'on considère souvent Le Cercle Rouge comme son dernier film (peut-être parce que le dernier long-métrage qu'il a tourné, Le Mur de L’Atlantique, est une réalisation très anecdotique lourdement inspirée de La Grande Vadrouille).

Au moment du tournage du Cercle Rouge, en 1970, Bourvil luttait contre un cancer - il en porte d’ailleurs les stigmates sur son visage - . Mais au bout de quelques minutes, on oublie le grand acteur pour ne plus voir qu'un très grand flic. Un homme parmi d’autres hommes. Humains. Trop humains. Tous poursuivis et rattrapés par le Fatum, la fatalité. Un peu comme Melville, en somme.

LE CERCLE ROUGE durée 2h21 / 1970
Production : Robert Dorfmann et Jacques Dorfmann Réalisation : Jean-Pierre Melville Scénario, adaptation et dialogues : Jean-Pierre Melville  Musique : Éric Demarsan Photographie : Henri Decaë Montage : Marie-Sophie Dubus et Jean-Pierre Melville

Affiche, film-annonce et photos © 1970 STUDIOCANAL - Fono Roma - Sophie Dulac Distribution

Séances et horaires Retrospective Melville Au Majestic de Lille jusqu'au 2 juin 2015.

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