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« Rock the Casbah »: un « Full Metal Jacket » israélien

Synopsis : Au début de la 1ère Intifada, quatre jeunes israéliens, Tomer, Aki, Iliya, et Isaac, font partie d'une troupe de soldats envoyée à Gaza afin de “rétablir l'ordre”, comme le leur assure leur commandant. La guerre semble encore être un jeu qui va bientôt se finir, et chacun pourra alors rentrer chez soi.
Mais, alors qu'il poursuit un jeune palestinien, un des soldats de la troupe est tué. Assignés sur le toit d'une maison palestinienne pour surveiller le village, retrouver le responsable de la mort de leur camarade et prévenir tout nouveau trouble, les quatre infortunés se trouvent confrontés à la réalité d'une famille qui ne veut pas passer pour collaboratrice des forces occupantes, et à leur propre incapacité à gérer une situation qui va rapidement compliquer leur vie de jeunes soldats.

© Shellac Distribution

« Rock the Casbah » s’ouvre sur l’entrainement de jeunes soldats, plongés ensuite dans un conflit d’une violence inouïe, qu’ils ne comprennent pas. Cette histoire nous est racontée en voix off par Tomer, une jeune recrue qui sera en quelque sorte le regard du spectateur et, surtout, celui du cinéaste Yariv Horowitz. Il signe ici son premier long-métrage, à la forme classique. A la construction du récit qui l’est tout autant. Mais classicisme ne signifie pas académisme. Loin s’en faut. « Rock the Casbah » est tout sauf académique.

C’est un film qui confirme (s’il le faut encore) la vitalité et l’intelligence du jeune cinéma israélien. Il est vrai que le film de Yariv Horowitz ne révolutionne pas l’écriture du film de guerre. Voilà un genre exploré par des cinéastes venus de tous horizons. Et ce, depuis les origines du cinéma. Dans son écriture, « Rock the Casbah », évoque le   « Full Metal Jacket » de Kubrick sur la guerre du Vietnam. On peut également citer d’autres films comme « Les Boys de la Compagnie C », réalisation injustement méconnue de Sidney J. Furie.

On pense surtout aux films de guerre réalisés par Samuel Fuller (on vous conseille fortement «The Big Red One » traduit en français par « Au-Delà de la Gloire »). Comme Fuller, qui servit dans l’armée américaine durant la seconde guerre mondiale, Horowitz a vécu la guerre de l’intérieur. Il fut photographe pour l’armée israélienne. Il connaît donc très bien le conflit israélo-palestinien. « Rock the Casbah » n’est d’ailleurs pas le premier film qu’il consacre à ce sujet. Il l’a déjà abordé dans un documentaire très fort, « Aftershock », réalisé en 2002. Horowitz y recueillait la parole de soldats ayant vécu comme lui l’enfer de cette guerre.

Dix ans plus tard, il revient sur ce conflit sans fin. Mais cette fois, il le fait par le biais du cinéma de fiction. Horowitz a tourné son film à la « manière » d’un documentaire. Dans le dossier de presse de «Rock the Casbah », il dit : « Dans la plupart des séquences je ne dirigeais que les acteurs. Le chef opérateur ne savait pas précisément ce qui allait se passer. C’était la meilleure façon de donner au film l’aspect proche du documentaire qui fait sa dynamique, avec la volonté que l’on puisse penser être en face d’un bloc de réalité.
Par ailleurs, au regard du temps de tournage très court dont nous disposions, 22 jours, c’était, je pense, la seule option que nous avions. »

© Shellac Distribution

Grâce à ce dispositif, Horowitz place le spectateur de "Rock the Casbah" au cœur du conflit. Nous sommes en immersion. Un peu comme l’a fait Ridley Scott avec son film « La Chute du Faucon Noir » (ambigu, peut-être, mais d’une force cinématographique incontestable). Horowitz a un vrai sens de la mise en scène et de l’espace. Cela devient suffisamment rare pour être signalé. La relative courte durée de « Rock the Casbah » (88 mns) joue également pour beaucoup dans l’efficacité du film. Il emprunte au célèbre titre des Clash, son énergie viscérale. Voilà pour la forme.

En ce qui concerne le fond : « Rock the Casbah » n’est pas un film antimilitariste. Il est bien plus subtil que cela. « Rock the Casbah » n’est pas un film de propagande en faveur de l’armée israélienne. Évacuons tout de suite cette idée. La propagande, Horowitz la refuse en bloc. « Rock the Casbah » est tout sauf un film orienté politiquement. Le cinéaste filme avant tout, et de chaque côté du conflit des hommes, des femmes, des enfants. Dans son film, il n’y a pas les gentils et les salauds. Il n’y a pas d’héroïsme. Horowitz film juste des êtres humains. Avec leur force, leur courage, leurs lâchetés, leurs faiblesses, leurs doutes. Et leurs peurs, bien évidemment.

© Shellac Distribution

Surtout, Horowitz montre en une seule scène, absolument remarquable (celle où le soldat israélien monte le niveau sonore de la chanson rock pour couvrir l’appel à la prière), à quel point la plupart des protagonistes du film - et quel que soit le camp dans lequel ils se trouvent - ne peuvent plus s’écouter, se comprendre. Cette guerre dure depuis si longtemps. Les nerfs sont tellement à vif.

Le cinéaste résume également très bien l’absurdité de ce conflit en filmant de jeunes soldats israéliens dont la « mission » est de surveiller la terrasse d’une maison palestinienne. Si la situation n’était pas si tragique, on s’en amuserait presque.

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© Shellac Distribution

Mais ce qu’il y a de formidable (et sans verser dans angélisme béat ou nier les difficultés pour résoudre un conflit de plus en plus dur et qui s’enlise) c’est que le cinéma a permis aux israéliens et aux palestiniens de se réunir autour d’un beau projet, de travailler ensemble. Et de l’avis même du producteur Adam Leibovitz*, la collaboration sur le tournage du film s’est merveilleusement bien passée.

Certes, « Rock the Casbah » n’est pas la sortie ciné la plus médiatique de la semaine. Mais à Lille La Nuit, nous ne jugeons pas la valeur des films à la promotion dont ils bénéficient. Nous avons une farouche envie de défendre "Rock the Casbah". Ce film est un véritable coup de coeur. Et nous sommes prêts à parier que vous le partagerez avec nous.

Affiche et film-annonce © Shellac Distribution

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs.

* Adam Leibovitz était invité au dernier Arras Film Festival, où « Rock the Casbah » fut l’un des évènements.


« Rock the Casbah » a remporté le prix ART CINEMA AWARD dans la catégorie Panorama au dernier festival de Berlin.

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