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Seconds – L’Opération Diabolique : Un thriller révolutionnaire du cinéma américain !

Synopsis : Un banquier, marié, Arthur Hamilton déçu par son existence signe un pacte diabolique avec une organisation secrète qui peut lui offrir la vie dont il a toujours rêvé, lui offrir une seconde chance.

 © Paramount-Lost Films

© Paramount-Lost Films

 

Critique : John Frankenheimer, disparu le 6 juillet 2002 à Los Angeles, est désormais quasi oublié du public. Pourtant il s’agit de l’un des cinéastes les plus passionnants du cinéma américain de ces cinquante dernières années. On lui doit de nombreux grands films : Le Temps du Châtiment, Le Prisonnier d’Alcatraz, Un Crime dans la Tête (1ère version), Sept jours en Mai, Les Parachutistes arrivent, French Connection 2, Black Sunday, pour ne citer que les plus connus. Et bien évidemment, son film maudit, incompris à l’époque de sa sortie, rejeté massivement pas les spectateurs et la critique : Seconds - L’Opération Diabolique.

Heureuse initiative, donc, de pouvoir le (re)découvrir en sortie française et au Majestic de Lille dans le cadre du cycle de Plan Séquence Les Invisibles du Cinéma Américain, du 16 juillet au 12 août. L’occasion nous est donnée de remercier un jeune distributeur courageux et passionné, Marc Olry qui, avec sa société Lost Films, ressort le film de Frankenheimer en copie restaurée numérique. C'est le seul film qu'il a choisi de distribuer cette année. Saluons son initiative !

Alors, pourquoi faut-il voir absolument Seconds - L’Opération Diabolique ? Parce qu’il s’agit de l’un des films les plus impressionnants produits à Hollywood dans les sixties par un gros studio (en l’occurrence Paramount). Impressionnant de par les thèmes qui y sont développés et, aussi, d’un point de vue technique. Voilà un film totalement paranoïaque, réalisé en 1966. A l'époque, les Etats-Unis se fissurent de toutes parts. Nous sommes en pleine guerre du Vietnam. John F. Kennedy a été assassiné trois ans plus tôt à Dallas, le 22 novembre 1963. Les Etats-Unis sont orphelins de ce président dans lequel ils avaient placé tant d’espoirs. Autant dire que la nation a connu des jours plus fastes. Il faut savoir que Seconds - L’Opération Diabolique n’est d'ailleurs pas un galon d’essai pour Frankenheimer, en matière de thriller paranoïaque.

1962, juste un an avant l’assassinat de Kennedy, le réalisateur présente une véritable bombe : Un crime dans la Tête. Un thriller complètement dingue et visionnaire qui présente un américain conditionné pour assassiner le président des Etats-Unis ! Un Crime dans la Tête est réalisé un an après l’échec de l’opération de la Baie des Cochons et les Etats-Unis s’enlisent au Vietnam depuis sept ans. Voilà un film qui serait peut-être passé inaperçu (quoiqu’avec un tel sujet, on en doute). Mauvaise pioche : il est interprété par trois des plus grandes stars de l’époque : Frank Sinatra, Janet Leigh et Laurence Harvey. Difficile alors pour le public américain de passer à côté -Jonathan Demme en réalisera d’ailleurs un très bon remake prenant pour toile de fond la guerre du Golfe.

 © Paramount-Lost Films

© Paramount-Lost Films

 

En 1966, Frankenheimer récidive donc avec Seconds - L’Opération Diabolique. Mais là, plus personne ne suit. Le public ne vient pas voir le film (c’est un cruel échec commercial) et la critique voue aux gémonies cette dernière réalisation du cinéaste. Personne ne comprend ce film d’une noirceur quasi absolue, désespéré, qui met en scène un chouchou du cinéma hollywoodien, Rock Hudson : l'homme que de nombreuses ménagères rêvaient d’avoir comme époux et les parents comme gendre idéal. Surtout, Seconds - L’Opération Diabolique (adapté du roman de David Ely) est un véritable terrain d’expérimentation cinématographique pour Frankenheimer. Le film s’ouvre sur un générique anxiogène créé par le véritable génie du genre, Saul Bass, qui a travaillé pour Hitchcock (et dont l'une des fameuses légendes du cinéma dit qu'il a peut-être même réalisé la fameuse scène de la douche de Psychose).

Par la suite Frankenheimer, en véritable inventeur de forme, s’autorise les expériences les plus dingues : plans déformés, mini-caméras embarquées sur les acteurs du film, plans subjectifs ahurissants, photographie baroque signée par James Wong Howe, musique « expressionniste » de Jerry Goldsmith (qui préfigure de deux ans la composition expérimentale de La Planète des Singes première mouture). L'oeuvre est un croisement entre le thriller, le fantastique, le film noir, le drame et même, le film d’amour. Autant dire que la critique, qui déteste ne pas pouvoir cataloguer un film, vomit littéralement Seconds - L’Opération Diabolique. Le public n’aime pas cette histoire qui ressemble à un épisode de la Twillight Zone réalisé sous substances prohibées. Surtout, comment peut-on comprendre et admettre que la star du film, Rock Hudson, n’apparaisse qu’au bout de quarante minutes du métrage ? A l’époque c’est totalement dingue et c’est, de mémoire, du jamais vu !

 © Paramount-Lost Films

© Paramount-Lost Films

 

Mais alors pourquoi un tel rejet à l’époque ? Et pourquoi Seconds - L’Opération Diabolique peut-il être aujourd’hui considéré comme un grand, très grand film du cinéma américain ? Hé bien, tout simplement car il était en avance sur son temps. Même aujourd’hui, en le (re)voyant, on devine la folie, l’originalité, le courage, la force de l’entreprise. On comprend surtout, à quel point Frankenheimer a marqué, avec Seconds - L’Opération Diabolique, tout un pan du cinéma américain de ces dernières années. A quel point, il a redéfini l’écriture visuelle et la réalisation du thriller. De quelle manière il a préfiguré toute une série de grands films politiques US des seventies, ceux de Sidney Pollack ou Alan J. Pakula. Comment, aussi, il a influencé de manière très forte toute une génération cinéastes dont les plus fameux se nomment David Fincher (notamment sur The Game, pourtant loin d’être son meilleur film) et Michael Mann.

Souvenons-nous que Seconds - L’Opération Diabolique était le film préféré du regretté Rock Hudson. L’acteur y voyait de véritables échos à sa vie intime. Comment aurait-il pu refuser de tourner cette histoire d’un homme auquel on propose de changer d’identité et de peau ? Lui, qui dû mentir toute sa vie, cacher son homosexualité afin de satisfaire les studios qui l’employaient et ses nombreuses admiratrices. Lui, enfin, qui dût accepter (comme beaucoup de stars hollywoodienne) un mariage arrangé afin de ne pas faire peser de soupçons sur sa « virilité ». Rock Hudson est éblouissant dans le film, d’une gravité qu’il n’avait peut-être jamais pu explorer jusqu’alors. Son jeu est sobre, sec, dépouillé. Et pourtant, on ressent tout le désespoir et la solitude qui devaient être les siennes à cette époque.

 © Paramount-Lost Films

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Voir Seconds - L’Opération Diabolique aujourd’hui peut-être une bonne façon pour les jeunes générations  de commencer l’exploration de sa filmographie : les mélodrames flamboyants signés Douglas Sirk, Les Affameurs et, surtout, Géant qui réunit deux autres mythes du cinéma hollywoodien: James Dean et Elizabeth Taylor. Revoir les films de Hudson, c’est l’occasion de découvrir à quel point il fut un magnifique comédien, alors qu’on s’en souvient surtout aujourd’hui car il fut la première grande star à révéler sa séropositivité et à mourir du sida.

La reprise de Seconds - L’Opération Diabolique est à n’en point douter un véritable événement. Il s’agit du gros coup de cœur cinématographique de cet été pour Lille La Nuit. Voici un bijou noir et somptueux du cinéma américain, que nous tenons absolument à soutenir. Il est des films à réhabiliter d’urgence !

5×2 places + 5 affichettes du film à gagner sur Lille la Nuit

SECONDS L’OPÉRATION DIABOLIQUE (SECONDS) de John Frankenheimer
USA - 1966 – 1h47 - Noir & Blanc -
Compétition Festival de Cannes 1966 - Première sortie française : 22 février 1967

 - Rétrospectives et horaires Plan-Séquence.

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