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« Suprêmes » : le biopic sur NTM, c’est de la bombe, bébé !

« Suprêmes » : le biopic sur NTM, c’est de la bombe, bébé !

LillelaNuit se devait de parler de Suprêmes, à l’affiche des cinémas depuis le 24 novembre 2021. Le film d’Audrey Estrougo retrace les débuts fracassants de Didier Morville et Bruno Lopes, alias JoeyStarr et Kool Shen, du groupe Suprême NTM. On pouvait craindre le pire du biopic : de la complaisance, de l’hagiographie, une reconstitution toc des débuts du hip-hop en France… A l’arrivée : une réussite !

La réalisatrice Audrey Estrougo

Si Suprêmes surprend dans le bons sens du terme, on le doit d’abord à sa réalisatrice. Audrey Estrougo connaît son sujet. Dès le début de sa carrière, la jeune cinéaste, née en 1982, s’intéresse au rap et aux banlieues. En 2007, elle réalise Regarde-moi, dans lequel elle filme, déjà, la cité. Elle signe notamment Encore un Printemps, documentaire sur IAM, le groupe « rival » de NTM. Par la suite, elle réalise La Taularde, tentative moins réussie de plonger le spectateur dans l’univers carcéral féminin (peu filmé dans le cinéma français), incarné par Sophie Marceau. Pour Suprêmes, des producteurs ont eu l’intelligence de suivre Audrey Estrougo et son projet personnel.

Suprêmes : les débuts de l'histoire...

Sous la bénédiction de NTM

On pouvait tout de même craindre le pire. D’abord l’hagiographie, puisque le scénario de Suprêmes s’est écrit avec la collaboration (tout du moins la bénédiction) de JoeyStarr et Kool Shen. On peut les comprendre : comment auraient-ils pu laisser tourner un film sur leur aventure (ils ont refusé de nombreux projets sur leur histoire), sans y jeter le moindre regard ? JoeyStarr et Kool Shen ont eu l’intelligence de ne pas tout contrôler, de refuser d'idéaliser leurs débuts (les problèmes de drogue, et autres addictions de JoeyStarr sont clairement abordés), leurs amitiés parfois toxiques avec leurs potes de Saint-Denis, la petite délinquance. Dès le début du métrage, Audrey Estrougo tient les rênes de son histoire (scénarisée avec Marcia Romano, co-autrice des scripts du poignant de Son Vivant, et de l’uppercut L’Evènement) qu’elle mixe intelligemment avec la grande Histoire (le meurtre, par la police française, de Malik Oussékine, et les émeutes qui s’en suivirent dans les cités).

Suprêmes : la déflagration NTM.

Efficacité, crédibilité

Bien sûr, Suprêmes suit les codes et sentiers classiques du biopic (nous ne sommes pas dans une réinvention, une déconstruction du genre comme l’avait fait Todd Haynes dans I’m not there, sur Bob Dylan). Le film retrace l’histoire de deux petits mecs mal barrés dans la vie, qui vont connaître une destinée fulgurante et éclatante ! On part d’un point A pour arriver au point Z, de façon linéaire. La différence avec des films qui ressemblent à des produits marketing sans aspérité (comme Get on up, sur James Brown), c’est qu’on y croit. Tout simplement parce que Suprêmes est une œuvre sincère. La France des années 80 est parfaitement reconstituée, les battles dans les MJC de quartiers sont convaincantes, les rapports avec le business de la musique sentent le vécu, tous les seconds rôles sont choisis avec grande méticulosité (il n'y aucun mauvais acteur dans le film), les dialogues sont finement ciselés. Enfin, le scénario ne ressemble pas à une mauvaise compilation de passages obligés. Les concerts, répétitions, affrontements entre JoeyStarr et un père impitoyable, qui ne lui donnera jamais l’amour qu’il réclame (des scènes qui  permettent de comprendre la personnalité, souvent ombrageuse, de l’artiste) ont un aspect naturaliste, vériste, qui fait beaucoup pour la crédibilité du film. Même si une part de fiction est clairement revendiquée par la réalisatrice dans les rapports entre JoeyStarr et Kool Shen. Par ailleurs, la bande-son du film (outre celle de NTM), signée Cut Killer est une déflagration sonore qui ferait bouger les plus réfractaires à la musique rap.

Suprêmes : Théo Christine et Sandor Funtek sont NTM !

Théo Christine et Sandor Funtek

Mais le plus grand danger résidait dans le choix des deux têtes d’affiches. Si les comédiens choisis pour incarner les membres de NTM à l’écran n’avaient pas été convaincants, le film se serait écroulé. On ne peut que s’incliner devant les compositions de Théo Christine (déjà vu dans Garçon Chiffon, il est sidérant en JoeyStarr) et Sandor Funtek (sa prestation confine à un mimétisme quasi parfait avec le plus effacé Kool Shen). On risque bien d’entendre parler de ces deux-là sous peu. Drôle, émouvant, vivant, énergique, épatant, Suprêmes est une réussite du genre. C'est de la bombe, bébé !

Synopsis :1989. Dans les cités déshéritées du 93, une bande de copains trouve un moyen d’expression grâce au mouvement hip-hop tout juste arrivé en France. Après la danse et le graff, JoeyStarr et Kool Shen se mettent à écrire des textes de rap imprégnés par la colère qui couve dans les banlieues. Leurs rythmes enfiévrés et leurs textes révoltés ne tardent pas à galvaniser les foules et … à se heurter aux autorités. Mais peu importe, le Suprême NTM est né et avec lui le rap français fait des débuts fracassants

Suprêmes de Audrey Estrougo
Scénario Audrey Estrougo, Marcia Romano avec la collaboration de JoeyStarr, Kool Shen & DJ S
Avec Théo Christine, Sandor Funtek, Vini Vivarelli, César Chouraqui, Félix Lefebvre

Musique originale Cut Killer
Durée : 1h52

A l’affiche depuis le 24 novembre 2021

Photos © Gianni Giardinelli / Sony Pictures Entertainment France
Film-annonce et affiche : © Sony Pictures Entertainment France

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