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Un peu, beaucoup, aveuglément : Une comédie romantique signée Clovis Cornillac !

Synopsis : Lui est inventeur de casse-têtes. Investi corps et âme dans son travail, il ne peut se concentrer que dans le silence. Elle est une pianiste accomplie et ne peut vivre sans musique. Elle doit préparer un concours qui pourrait changer sa vie. Ils vont devoir cohabiter sans se voir...

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Un peu, beaucoup, aveuglément : Même devant la caméra, Cornillac garde son oeilleton de réalisateur.

 

Critique : Après deux semaines consacrées aux reprises de films de patrimoine, Lille La Nuit revient à l’actu ciné avec Un peu, beaucoup, aveuglément, le premier long-métrage d’un acteur talentueux et  sympathique : Clovis Cornillac !

Fils des acteurs Roger Cornillac et Myriam Boyer, Clovis Cornillac est un enfant de la balle qui quitte le domicile de ses parents à quatorze ans. En 1985, on le voit dans Hors-la-loi un film ambitieux - mais partiellement raté - de Robin Davis avant qu’il ne soit engagé par le grand metteur en scène de théâtre Peter Brook dans sa mythique adaptation théâtrale du Mahâbharata.

Depuis, on a vu Clovis Cornillac dans des films réussis (Karnaval ou Le Nouveau Protocole, tous deux de Thomas Vincent), totalement ratés (Les Chevaliers du Ciel, Astérix au Jeux Olympiques), quand ils ne sont pas carrément vulgaires (l’effrayant Protéger et Servir : vous pouvez passer votre chemin). En fait, Cornillac est un acteur populaire, qui a beaucoup tourné (sans doute trop à une époque) car c’est un bosseur. Un acteur qui se plait à évoluer d'un genre à un autre, dans le cinéma d’auteur, engagé, et/ou grand public.

Il ne lui manquait plus qu’une corde à son arc : la réalisation ! Sur le papier, on peut avoir peur, très peur, très très peur. Si on ne compte plus le nombre d’acteurs américains qui ont franchi avec bonheur le cap de la réalisation aux Etats-Unis (Eastwood, Redford, Beatty, Costner, Affleck…), on n’en dira pas forcément autant des comédiens français. Gros risque donc pour Cornillac de se « rater » comme bon nombre de ses collègues, d’autant plus qu’il fait le pari de se lancer pour son premier long-métrage dans la réalisation de l’un des genres les plus difficiles à maîtriser : la comédie !

Lille La Nuit a rencontré Clovis Cornillac et voulu savoir si la mise en scène de cinéma était le prolongement naturel de son travail d’acteur :

Clovis Cornillac : « Je ne crois pas. J’étais absolument convaincu du contraire. Pendant vingt-cinq ans j’ai dit le contraire. Il y a cinq ans ça a commencé à me travailler et j'ai commencé à en sentir l’envie. Mais sur l’envie je reste très prudent car j’ai trop de respect pour le cinéma et j’aime trop ça pour me dire : on fait un film parce qu’on en a envie ! Il fallait que ça soit nécessaire. S’il n’y a pas de nécessité à faire, à mon avis on reste un peu creux. On reste un petit peu en survol. Donc, le moment où c’est devenu nécessaire c’est au moment ou Lilou Fogli (ndr : épouse de Cornillac et coscénariste du film) m’a parlé de son idée. Je lui ai dit : Vas-y, écrit, car ton idée est vachement bien ! Attention : je ne lui ai pas dit que je voulais réaliser. Et au fur et à mesure de l’avancement du truc, je me suis dit : Ça ! Ça, je veux le faire ! » 1

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Un peu, beaucoup, aveuglément : Mélanie Bernier (Machine) et Lilou Fogli (Charlotte).

 

Et cette nécessité, cette envie de passer derrière l’autre côté de la caméra, on la sent dès les toutes premières minutes de Un peu, beaucoup, aveuglément. On ne sait pas pourquoi mais les comédies françaises de ces dernières années sont pour la plupart atteintes d’une drôle de maladie : le syndrome de l’image moche. En gros, l’image de ces films est terne, fade, la profondeur de champ est inexistante. Elles sont éclairées comme les pires téléfilms - peut-être parce qu’elle sont souvent destinées à remplir les cases du dimanche soir des chaines TV -. Sans doute aussi car on considère encore trop la comédie comme un genre mineur, dont le seul but est de faire se gondoler les spectateurs.

Cornillac a eu la bonne idée de prendre le contre-pied de beaucoup de réalisateurs de comédies françaises : il a soigné son film ! Peut-être s’est-il dit qu’il serait attendu au tournant, qu’il devait faire un film de cinéaste et non pas un film d’acteur. Et c’est tant mieux ! L’image de Un peu, beaucoup, aveuglément est belle, chaude, lumineuse (superbe travail du chef opérateur Thierry Pouget). On sent que Cornillac a un regard. Ce qui est d’ailleurs amusant, c’est qu’il utilise des techniques cinématographiques qu’on ne s’attend pas à retrouver dans une comédie, et encore moins dans une comédie romantique. Par exemple, il utilise le travelling compensé qu’on voit dans Vertigo de Hitchcock ou chez Spielberg dans Les Dents de la Mer. Et c’est sans doute parce qu’il réalise un peu sa comédie romantique comme un film à suspense, qu’elle fonctionne. La mise en scène est travaillée, soignée, sans être trop ostentatoire ou esthétisante.

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Mélanie Bernier délicieuse, décalée et rigolote comme tout dans le rôle de Machine.

 

La première projection test que j’ai eue avec Médiamétrie, c’était à Lille. Et ça restera pour toute ma vie. C’est mon premier film.

Clovis Cornillac, Un peu, beaucoup, aveuglément

Clovis Cornillac : « Ça me fait bien plaisir ce que vous me dîtes. Le projet initial dans ma tête était de faire un film de divertissement, c’est sûr ! La première projection test que j’ai eue avec Médiamétrie, c’était à Lille. Et ça restera pour toute ma vie. C’est mon premier film. Les gens ne savent pas qui vous êtes, ni rien du tout. Et les gens se marrent du début à la fin… AAAAAHHH ! Je ne peux pas vous dire la respiration que ça vous donne ! Je serai toujours amoureux de Lille. Mais, au-delà de ça : je me suis retrouvé comme public et comme acteur dans des comédies, dans des films de divertissement pas beaux ! C’est con à dire, mais y’a pas d’efforts ! Il n’y a pas une réflexion pour se dire qu’il pourrait y avoir une grammaire filmique particulière, des points de vues, une direction artistique qui soit un peu réfléchie, des envies. Un investissement à l’intérieur ! C’est à dire que c’est un genre traité de manière assez mineur dans sa globalité. Pas tout le temps ! Mais dans sa globalité. C’est pour ça que j’ai choisi le Scope, c’est pour ça que j’ai choisi le format du Western pour filmer les décors intérieurs. Quand j’ai fait le découpage, j’étais comme un dingue ! C’est un film dans lequel il n’y a pas une caméra à l’épaule. C’était pour moi impossible. A part une fois car je n’avais pas le choix. Mais concrètement c’était pour moi un film avec une caméra qui bouge tout doucement, comme une caresse. Comme la lumière : elle est très douce sur les personnages et en même temps on s’amuse. Je voulais qu’il y ait un aspect ludique dans le côté graphique. Le travelling compensé, c’est typiquement un truc de gamin : je suis né en 68 alors les films des années 70-80, que ce soit ceux de De Palma, l’inspiration d’Hitchcock, je trouvais ça très rigolo de s’en amuser… ».1

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On aurait aimé vous présenter une photo de C. Cornillac et M. Bernier ensemble. Seulement voilà: ils passent la majorité du film séparés par un mur.

 

En plus d’'être un technicien tout à fait honorable, Cornillac se révèle un fin cinéphile. L'histoire de Machine et Machin (ça ne s'invente pas), si elle manque un chouïa de finesse et tombe parfois dans la vulgarité (Cornillac aurait pu s’abstenir de faire roter à l’écran la délicieuse Mélanie Bernier) se rappelle au bon souvenir des grandes comédies romantiques américaines des années 40 et 50. Et plus particulièrement de la Screwball Comedy qui montrait - entre autres caractéristiques - des personnages masculins et féminins forts, à priori incompatibles, tomber amoureux l’un de l’autre, et devant franchir des embûches monumentales pour réussir à s’aimer. C’est typiquement le canevas qu’adopte Un peu, beaucoup, aveuglément avec cet inventeur misanthrope et cette pianiste « légèrement » névrosée qui vont apprendre à se découvrir sans se voir car séparés par le mur de leur appartement (belle idée). Si le film de Cornillac n’atteint évidemment pas le milliardième du génie des films de Hawks, Lubitsch, Preston Sturges ou Capra, il a au moins le courage de s’en inspirer et de proposer autre chose que le tout-venant de la comédie française en s’aventurant dans le loufoque.

Quant aux acteurs, ils sont parfaits : Cornillac et Bernier forment un beau couple de cinéma, notre Philippe Duquesne régional est excellent en bon copain lourdaud, et Lilou Fogli assure dans son rôle de bombe sexuelle, très portée sur la "chose", mais romantique en Diable !

Un peu, beaucoup, aveuglément n’est certes pas un chef-d’œuvre impérissable du cinéma mais il redonne un peu de sang neuf à une comédie française globalement sclérosée. Un peu à l’image de 9 Mois Ferme ou Elle l’Adore, le film de Cornillac ne se moque pas du spectateur et le respecte en lui offrant un divertissement joliment écrit, filmé et interprété. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer !  2

1- Propos recueillis à Lille le 13 avril 2015

2- Un peu, beaucoup, aveuglément a remporté le prix du public du Festival de COLCOA 2015 (Festival des films français à Hollywood)

Un peu, beaucoup, aveuglément de Clovis Cornillac
Avec Clovis Cornillac, Mélanie Bernier, Philippe Duquesne et Lilou Fogli
Genre : Comédie Durée : 1h30 Date de sortie : 6 mai 2015

Photos : Eric Caro © Cine Nomine - Film-annonce et affiche: © Paramount

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