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White God : Un grand film qui vous transporte sur la planète des chiens !

Synopsis : Pour favoriser les chiens de race, le gouvernement inflige à la population une lourde taxe sur les bâtards. Leurs propriétaires s’en débarrassent, les refuges sont surpeuplés. Lili, 13 ans, adore son chien Hagen, mais son père l’abandonne dans la rue. Tandis que Lili le cherche dans toute la ville, Hagen, livré à lui-même, découvre la cruauté des hommes. Il rejoint une bande de chiens errants prêts à fomenter une révolte contre les hommes. Leur vengeance sera sans pitié. Lili est peut-être la seule à pouvoir arrêter cette guerre

White God

Quand l'homme maltraite ses plus fidèles amis, les chiens organisent la révolte.

 

Critique : Il y a des mots à utiliser avec précaution tant ils sont devenus galvaudés, ont perdu de leur signification à force d’être utilisés par tout le monde, pour tout et n’importe quoi. On nous sort le mot chef-d’oeuvre dès qu’un film qui sort un tant soit peu du lot montre le bout de son nez au milieu d’un océan de navets et nanars. Tant est si bien qu’au bout d’un moment il ne veut strictement plus rien dire.

Et pourtant, lorsque nous avons découvert White God au tout dernier Arras Film Festival, nous avons reçu un véritable uppercut. Bien sûr, nous étions déjà prévenus de l’excellente réputation du film, surtout depuis le prix, important, obtenu au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Mais bon, à force de voir des films précédés d’éloges qui s’avèrent souvent injustifiées, l’expérience fait qu’à Lille la Nuit nous ne nous emballons jamais trop à l’avance. Toujours voir le film pour se faire sa propre opinion afin de ne pas être déçu, éviter au maximum de se faire influencer par les films-annonces, échos entretenus par les professionnels de la profession et certains mauvais blogueurs qui, parfois, s’excitent pour un oui ou pour non.

Et alors ? White God ? On pénètre dans la salle, on s’assoit confortablement sur son fauteuil et on assiste à un véritable choc cinématographique. On pourrait s’arrêter ici et vous laisser enfiler manteau et écharpe afin de vous précipiter dans une salle qui projette le film. Mais développons un peu tout de même : après tout, c’est notre job et ça nous fait plaisir.

White God est le tout dernier long-métrage d’un jeune cinéaste ultra doué et talentueux, Kornél Mundruczó, né en Hongrie en 1975 et qui a déjà remporté des prix prestigieux avec des films comme Pleasant Days, son premier long qui a reçu le Léopard d’argent à Locarno en 2002 ou DELTA qui a obtenu le Prix FIPRESCI à Cannes en 2008.

Ultra doué Kornél Mundruczó, c’est vrai, mais dont les œuvres étaient jusqu’à présent quelque peu difficile d’accès, il faut bien le reconnaître. Mais avec White God, il change radicalement son fusil d’épaule. Non pas qu’il tire un trait sur la radicalité et l’exigence de son cinéma, loin s’en faut. Mais cette fois-ci, il semble qu’il ait eu l’envie d’embarquer le spectateur avec un film coup de poing, qui s’il traite de sujets graves et profonds, peut également se voir comme un véritable film de genre, prompt à rassembler des publics plus larges : celui en quête d’une véritable expérience cinématographique alliant recherche narrative et esthétique ; mais aussi le grand public, celui du samedi soir comme on disait avant, souvent demandeur de grand spectacle.

WG1

Lili et Hagen : une amitié que les adultes et la société ne peuvent pas comprendre.

 

Kornél Mundruczó réussit tout bonnement la fusion de deux cinémas à priori éloignés et prétendument incompatibles (du moins pour beaucoup d’esprits chagrins et ayatollahs du cinéma) : les films d’« auteurs » et de divertissement. White God est d’abord l’histoire d’amitié d’une petite fille et d’un chien. Le parcours de deux êtres dont le destin va s’avérer chaotique, riche en péripéties et souvent dur. Le film va nous attacher dans un premier temps à cette histoire entre Lili, 13 ans, et Hagen (interprété par deux chiens : l’un jouant la version « gentille » de Hagen, l’autre dressé pour l’incarner lorsqu’il devient agressif).

Mais cette complicité va vite virer au cauchemar lorsque Hagen sera séparé de sa jeune maîtresse et se retrouvera entre les mains « expertes » d’un dresseur de chiens de combats. Un autre film commence alors, qui vous réserve des scènes dures mais extrêmement impressionnantes.

D’un coup, White God devient une parabole des exclus de tous pays, continents ou frontières. Les sans-grades, SDF, pauvres, « moins que rien » ; ceux que notre société bien pensante rejette de peur d’affronter leur regard, par crainte, aussi, de faire partie un jour de ces « parias » dont elle a honte. Dans White Gog, les exclus sont les bâtards dont le gouvernement veut se débarrasser afin de favoriser l’adoption de chiens de races, plus "respectables".

On peut voir White God comme un film politique, engagé contre le racisme, la xénophobie, l’indifférence ; et qui s'oppose à cette nauséabonde envie de "pureté" dont rêvent les partis extrémistes. En voyant ces exclus dont la société cherche à tout prix à se débarrasser, on ne peut que penser aux réfugiés de Sangatte, aux Roms, … La Liste est longue, hélas. Quand on découvre dans le film ce dresseur malintentionné, on pense à tous ceux qui exploitent la misère du monde, comme ces abjects marchants de sommeil.

Mais attention : White God est un film engagé dans le sens noble du terme, jamais manichéen, en aucun cas donneur de leçons et qui, surtout, prend l’apparence d’un conte, d’une fable et d’un véritable film de cinéma.

Kornél Mundruczó hisse son White God vers les plus hautes cimes du cinéma d’action, d'anticipation, d’horreur, du thriller post-apocalyptique -quels décors !- et, aussi, du film catastrophe. Grâce à une mise en scène au cordeau, nous sommes sous tension durant les deux heures du métrage.

White God ou La Planète des Chiens.

White God ou La Planète des Chiens.

 

Jamais nous n’avons vu au cinéma une meute de 250 chiens, se réunissant en un véritable gang afin d’affronter leurs oppresseurs : les hommes ! Nous imaginons que cela vous rappelle un roman de Pierre Boulle, décliné en une longue et mythique série de films: La Planète des Singes. Bingo ! Impossible en effet de ne pas penser à César, le chef de la révolte des singes en voyant Hagen. Un animal d’abord ami des « humains », avant de se rebeller contre eux suite aux mauvais traitements infligés.

White God, c’est donc un peu La Planète des Chiens, mais avec un budget plus modeste que ceux attribués aux productions hollywoodiennes. Cela dit, le film de  Kornél Mundruczó  n’a rien à envier aux blockbusters US tant il se révèle d’une efficacité redoutable. On a peur en voyant cette meute de 250 chiens* courir dans des rues désertées par les humains -scène réalisée sans recours aux effets numériques-. Oui, on a peur et on pense. Beaucoup. Surtout après la sortie du film. Longtemps, très longtemps après. Il est de ces films qui vous hantent.

Voilà qui nous rassure, s’il le fallait, sur la bonne santé du cinéma mondial. Il y a de belles choses produites par les Majors au Etats-Unis, il y a aussi pas mal de navets ou joyeux nanars. Et c’est exactement la même chose un peu partout ailleurs : que ce soit en France, Italie, Inde, Europe de l’Est, ...

Mais lorsqu’un film vous obsède depuis une bonne quinzaine de jours, que vous repensez à sa construction narrative brillante, que vous vous demandez comment certaines scènes ont pu être tournées avec nos amis canins, que vous n’avez qu’une envie c’est de retourner le voir, on peut dire sans crainte -et sans que le terme soit dévalué-  que nous avons sans doute affaire à un chef-d’œuvre.

250 chiens passent à l'attaque: l'une des scènes les plus impressionnantes de White God, garantie sans trucages

250 chiens passent à l'attaque: l'une des scènes les plus impressionnantes de White God, garantie sans trucages numériques.

 

Bien sûr, il y a forcément une part de subjectivité dans la critique de cinéma. Dans la critique en général, d’ailleurs. Et cette subjectivité, nous la revendiquons. Mais faites nous confiance si vous souhaitez voir du cinéma qui remue les tripes, vous sort de votre quotidien durant deux bonnes heures, et vous offre une expérience sensorielle assez unique (les montages image et son, le mixage, l’utilisation des musiques comme la Rhapsodie hongroise n°2 de Liszt, la photographie de Marcell Rév sont exceptionnels) !

White God dont le titre renvoie au superbe film de Samuel Fuller, White Dog (Dressé pour Tuer, en français) -bien que Kornél Mundruczó s’en défende, tout en avouant cependant son admiration pour le grand cinéaste américain- fait partie de ces films qui resteront dans le cœur et la tête de ceux qui l’auront vu. N’est-ce pas, en définitive la plus belle définition des classiques ?

Le temps nous confirmera si tel est le cas, mais à Lille La Nuit, nous serons fiers si avons pu vous donner l’envie de découvrir White God, et de préférence dans une salle de cinéma.

Il serait dommage que vous passiez à côté de l'un des plus beaux films de l'année 2014. Retenez bien sont titre : White God ! Cette fois, c'est bon : vous pouvez vous saisir du manteau, de l'écharpe et prendre votre billet pour la planète des chiens. 

Affiches, photos et film-annonce  © Pyramide Distribution

* Tous les chiens qui venaient de refuges, ont trouvé un foyer d’adoption à la fin du tournage. Buddy, l’un des deux chiens qui interprète Hagen, a reçu la Palm Dog, remise par des journalistes anglais. Ce prix récompense le meilleur acteur canin des films de la sélection officielle cannoise.

Journal d'une sortie en salle : White God, par Eva Bettan sur France Inter.

White God (Fehér Isten) : Réalisation : Kornel Mundrunczo-Scénario : Kornel Mundrunczo, Kata Weber-Image : Marcell Rév, Avec Zsofia Psotta, Sandor Zsoter. Hongrie-1h59. Sortie le 3 décembre 2014. Film interdit aux moins de 12 ans. 

  1. fanfan

    Je me réjouis de voir ce film !

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