Yves Saint Laurent : Le biopic évènement ! - Actualité

Synopsis : Paris, 1957. À tout juste 21 ans, Yves Saint Laurent est appelé à prendre en main les destinées de la prestigieuse maison de haute couture fondée par Christian Dior, récemment décédé. Lors de son premier défilé triomphal, il fait la connaissance de Pierre Bergé, rencontre qui va bouleverser sa vie. Amants et partenaires en affaires, les deux hommes s’associent trois ans plus tard pour créer la société Yves Saint Laurent. Malgré ses obsessions et ses démons intérieurs, Yves Saint Laurent s’apprête à révolutionner le monde de la mode avec son approche moderne et iconoclaste...

Critique : Pour commencer, tous nos voeux pour cette nouvelle année, ami(e)s de Lille La Nuit ! L’événement ciné de la semaine c’est la sortie de Yves Saint Laurent, réalisé par Jalil Lespert et librement insipré du livre de Laurence Benaïm.
Si l’on en croit le nombre de spectateurs présents à l’avant-première du cinéma UGC Ciné Cité Lille, on peut sans doute parier que le film sera un beau succès public. Ou tout du moins, fera se déplacer les amateurs du mythique Saint Laurent et de mode en général.
Le film est raconté en voix off par Pierre Bergé (Guillaume Gallienne), compagnon de Saint Laurent qui fonda avec l’artiste de génie sa célèbre maison de haute couture, supporta ses nombreux tourments, sa déchéance et l’épaula jusqu’à la fin de ses jours.

Commençons par les points forts du film. Yves Saint Laurent est de la belle ouvrage. Rien ne manque à la reconstitution de ce biopic. Aucun détail n’est sacrifié : les décors, le physique des acteurs (qui font très années 60-70), la qualité de la photographie. De plus, la totalité des tenues créées par Saint Laurent que l’on voit dans le film sont des pièces originales.

Et puis, il y a la prestation des deux acteurs principaux Pierre Niney et Guillaume Gallienne, Sociétaires de la Comédie Française. Niney est prodigieux en Saint Laurent ! Il a travaillé sa voix, ses attitudes, sa façon de se mouvoir, n’hésitant pas à se mettre à la cigarette pour rendre crédible un personnage qui évolue considérablement sur deux décennies. Voilà un vrai travail de comédien, qui échappe à la mauvaise imitation. Avec ce rôle, Niney fait une démonstration exceptionnelle de ce que le mot incarnation signifie. Certains devraient en prendre de la graine.

Guillaume Gallienne n’est pas en reste. Il impressionne dans le rôle de Pierre Bergé. Constamment juste, on se prend à ressentir plus d’une fois de la compassion pour un personnage qui, s’il est un homme d’affaires avisé, tentera par amour de protéger Saint Laurent de ses démons intérieurs et des nombreux malfaisants qui gravitaient autour de lui. C’est cette histoire d’amour entre deux êtres aux destins exceptionnels que Jalil Lespert réussit le mieux.

En revanche, on peut tout de même être quelque peu circonspect devant certains choix scénaristiques adoptés pour le film. Bien sûr, Yves Saint Laurent parle de mode, montre le créateur au travail, nous fait découvrir l’effervescence des défilés. Mais Jalil Lespert s’intéresse avant tout à la déchéance du personnage. On ne compte plus les scènes de débauche, de sexe, de drogue. Soyez rassurés, on ne joue pas les moralisateurs ou pères la pudeur à Lille La Nuit. Mais il nous semble qu’au bout d’un certain nombre de scènes de ce genre, on a un peu compris que Saint Laurent était fragile, autodestructeur et "décadent".
A vrai dire, on a un peu l’impression d’assister au "syndrome" La Môme. Dans son genre, le film d’Olivier Dahan était plutôt réussi. Mais il s’intéressait déjà plus à l’autodestruction d’Edith Piaf qu’à son travail créatif de chanteuse.
Peut-être est-ce le genre biopic qui veut que l’on se penche davantage sur les sombres tourments des personnages célèbres que sur leurs aspects lumineux ?

On peut également se poser légitimement quelques questions sur la façon dont Pierre Bergé est montré dans Yves Saint Laurent. On sait qu’il a adoubé le film après avoir été époustouflé à juste titre par la performance de Pierre Niney. Bergé s’est impliqué. Donnant l’autorisation de tourner dans de véritables lieux où vécut le célèbre couple. On n’ira pas jusqu’à dire qu’il a influencé l’image qu’on donne de lui dans le film. Mais on peut tout de même s'interroger tant Lespert donne une idée positive du personnage. Et même si Yves Saint Laurent n’élude pas les zones d’ombre du célèbre créateur, on en vient tout de même à se demander si on n’est pas en train de nous conter une histoire quelque peu "officielle".
On regrette également que la mise en scène de Lespert soit trop sage. Un comble lorsqu’on raconte le destin d’un personnage aussi romanesque et flamboyant. Le film souffre d’un manque de souffle et d’une véritable vision de cinéaste.

Cependant, en l’état, Yves Saint Laurent plait grâce au jeu de ses acteurs (n’oublions pas Charlotte Le Bon, pour la première fois réellement convaincante), à sa direction artistique. Et parce qu’il s’agit d’un film véritablement adulte. Ce qui s’est tout de même fait un peu rare ces dernières semaines dans nos salles obscures (si l'on excepte les sublimes A Touch of Sin, Le Loup de Wall Street et l'intéressant La Vie Rêvée de Walter Mitty).
A noter qu’un autre film consacré au célèbre couturier intitulé Saint Laurent (qui n'a pas reçu l'aval de Bergé et serait menacé d'un procès), réalisé par Bertrand Bonello et interprété par Gaspard Ulliel, sortira sur les écrans le 14 mai 2014. On murmure déjà qu’il pourrait faire partie de la prochaine sélection du Festival de Cannes.