« Game without frontiers » chantait Peter Gabriel en 1980. Ce jeu sans frontière, le VIA Festival le joue chaque année avec une classe et une grâce indéniables, celle-là même qui fait cruellement défaut à une histoire de douaniers actuellement sur grand écran. Au VIA, tout sera donc à déclarer. De Mons la Belge, qui se prépare à son label 2015 « capital européenne de la culture », à Maubeuge la Française, et ses satellites Jeumont et Feignies, le VIA virevoltera du 20 mars au 3 avril.
Didier Fusillier et Yves Vasseur ont présenté jeudi à Lille l’édition 2011, aux atouts toujours autant bipolaires, entre installations et spectacles. Le numérique, à nouveau, sera bien servi. L’an passé, le VIA avait donné son coup de pouce à la création théâtrale française. Cette année encore, le VIA sera un laboratoire, une éprouvette permettant de tester, expérimenter, développer, des créations culturelles appelées ensuite à essaimer dans le monde. En 2010, au moins 80 producteurs avaient fait leur marché dans le Nord, emportant leurs trouvailles à Sao Paulo, New York, San Francisco, Londres ou Berlin…
Didier Fusillier, lui-même, collectionne les miles en avion, toujours en quête de nouveauté. Homme orchestre, et homme passerelle entre Créteil et Lille ou Maubeuge, il est heureux d’annoncer la double subvention de 100 000 euros de la Région Nord – Pas de Calais et de 140 000 euros de la Région Ile-de-France, scellant la coproduction du VIA avec Créteil…
Le VIA, c’est aussi des parcours urbains, sous forme de spectacles déambulatoires, de performances participatives, de performances/installations mêlant danse, architecture et musique.
Ceux qui aiment le VIA prendront donc le train, par exemple en gare de Jeumont, la vieille gare (1855) du TransEurope Express étant transformée comme d’habitude en gare numérique…
Exposition
Regroupées sous le nom de Paranoïa, les 27 installations de l’Espace Sculfort de Maubeuge (24 mars – 3 avril) font dans le psy. Le portail de sécurité de Marnix de Nijs, où le visiteur se fait scanner le visage, transformé en une créature inquiétante, donne le ton. Des animaux transgéniques sous plastique, futurs jouets de nos enfants, augmentent le malaise (Genpets de Gregory Chatonsky). Et si rêve et poésie détendent un peu l’atmosphère (des sculptures de fumée, ou encore une mise en relief auditive de la communication entre poissons…), la tendance générale reste angoissante : le travail de Laurent Pernot, un artiste de 31 ans passé par le Fresnoy, évoquant les oiseaux de Hitchcock, ou celui d’Antoine Schmitt sur la surveillance par ordinateur, l’indiquent assez…
Théâtre
Les créations (par exemple Kolik, du Marseillais Hubert Colas, qui sera créée au VIA) ou confirmations récentes (Vestiges, de la Cie Cendres la Rouge, aura été créée juste avant au Grand Bleu) vont abonder. Renaud Cojo s’interroge sur les avatars, partant notamment à la recherche de ses doubles via Google. Dans une autre pièce, Electronic City, Cyril Teste réfléchit à l’ultramoderne solitude, à travers l’histoire d’amour d’un businessman voyageur et d’une employée d’aéroport. Théâtre, mais bien sûr vidéo et électro, sont la marque de fabrique VIA de cette pièce.
Chez le jeune metteur en scène Fabrice Murgia, dans Chronique d’une ville épuisée, le sujet est la communication, à travers le quotidien professionnel tristement routinier d’une jeune femme, dont la seule évasion est une deuxième existence sur second life, le soir chez elle.
Le mélange des genres est cultivé aussi par François Orsoni, qui reprend une pièce inachevée de Brecht, d’après un conte de Grimm : son Jean la Chance marie musiciens et acteurs, dont une Clotilde Hesme qui à elle seule pourrait décider des Lillois à « descendre » (ou « monter ») au théâtre du Manège à Maubeuge
Danse
Du travail sur l’art cinétique, signé Hiroaki Umeda (Holistic Strata), à la confrontation avec l’absurde vue par Shang Chi Sun (Je sans paroles), en passant par le conte policier à la manière de Nathalie Beasse, le VIA sortira aussi des sentiers battus.
