Industrial Complex

Industrial Complex

Nitzer Ebb Industrial Complex Style : Major Records / Alfa Matrix Sortie : 12/02/2010

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Le problème des come-back est assez simple : plus un groupe tarde à le faire et plus son public attend de lui. Le retour de Nitzer Ebb en studio étant resté un fantasme durant près de dix-quinze ans, les espoirs ont eu le temps de se fâner et les esprits d'imaginer un peu tous les scénarios possibles. Petite mise au point au cas où : Nitzer Ebb est un groupe de l'Essex qui, suivant le bon exemple de Front 242, est devenu rapidement pionnier de l'EBM, soit l'electronic body music, mélange d'electro et d'indus où on croise allègrement martial et pop à l'occasion. 

Après des années de silence et de projets personnels (dont le fantastique duo Fixmer/McCarthy), Bon Harris et Douglas McCarthy ont d'abord testé le retour à la scène, y ont visiblement retrouvé leurs marques : si les concerts de 2007 étaient jouissifs mais moyens, ceux de 2008 avaient retrouvé le charme d'antan. Puis vint l'idée de l'album, les premières rumeurs. Big Hit n'avait pas laissé un souvenir très marquant, surtout comparé à l'extraordinaire Ebbhead qui l'avait précédé. C'est donc avec un plaisir non dissimulé qu'on a appris le retour de Flood à la production et le retour de Jason Payne à la batterie. Choc électrique, sourire idiot aux lèvres. Prenez de bons ingrédients, secouez, savourez.

Deux premiers extraits d'abord, les seuls pendant des mois du fait d'un départ avec fracas de la major EMI : il a fallu trouver un nouveau label. Néanmoins, Promises et Payroll, soit deux collaborations pour des bandes originales : NCIS pour le premier, Saw IV pour le second. De l'EBM classique, brutale, jouissive. Un chant presque putassier sans l'atteindre, marque de fabrique de Doug. Retour aux origines côté paroles, et Promises ne ferait pas mauvais genre au milieu de That Total Age. Le type même de chanson qu'on veut bien reprendre en dessert mais qui ne révolutionne pas le genre. Et après presque un an d'attente et des préviews en concert pour les plus chanceux, voici Industrial Complex.

Eh bien, surprise ! Industrial Complex est certes muni d'un titre ambigu pour un album dont les auteurs n'ont pourtant pas à rougir. Il s'agit simplement de l'un des disques les plus passionnants, ravageurs de ces dix dernières années, de quoi placer la barre très haut pour 2010. Ne reste qu'à s'incliner devant les maîtres - et c'est du premier degré. Payroll se révèle être le titre le plus faible de l'album, et vu le bien qu'on en avait pensé en première écoute, cela vous laisse présager de la qualité du reste. Si certains titres restent dans la lignée de ces classiques, ils n'en restent pas moins absolument addictifs dès la première écoute. C'est ainsi que se cachent des bombes absolues comme Never Known, vocalement impressionnant et à l'atmosphère grondante, Down On Your Knees, prête à exploser en live comme sur CD, ou encore Hit You Back. Hit You Back précisément ou l'évolution du son Nitzer Ebb, plus fin : mid tempo et paroles cyniques. Et apparaît surtout la qualité du chant, travaillé à l'envi. Un gouffre s'est établi entre les Violent Playground et autre Alarm et Nitzer Ebb 2010. Entre deux, des collaborations, d'autres envies et le groupe en est sorti non pas abimé mais grandi. Oubliez Join In The Chant, place au chant soigné. Les pionniers réinventent leur propre genre. C'est ainsi qu'au coeur de l'album se niche Going Away, véritable ballade où la voix de Doug se mue, se chargeant d'émotion :

"Ooh all roads lead away / Away, from me, today / It's not difficult to see / You're going away from me"

Jamais Nitzer Ebb ne s'était fait aussi mélodieux, et aussi touchant dans les textes :

"I heard this story of a man like me / Too blind to see, too weak to flee (...) She said : 'I'm not in love with you, No matter what you do' " (Hit You Back)

Ce côté bluesy n'est d'ailleurs pas sans rappeler un autre groupe de l'Essex, Depeche Mode, avec qui Nitzer Ebb partage l'affiche pour leur tournée européenne 2010. Si la comparaison s'arrête (globalement) là, le groupe s'offre au passage une collaboration classieuse sous la forme de choeurs de Martin Gore sur Once You Say. On regrettera tout de même que la production très travaillée* fasse quasiment disparaître ces lignes de chant. Le mixage se révèle par contre particulièrement réussi sur I Am Undone**, dont le refrain fait juste frissonner. Ce disque, en somme, est probablement celui qui présente la palette de genres la plus variée de toute la carrière de Nitzer Ebb, et leur electro s'éloigne juste ce qu'il faut de l'EBM pour rendre leur son délicieusement neuf.

Et puisque Nitzer Ebb est un groupe rigolo, contrairement à ce qu'on pourrait croire en examinant quatre-vingt-dix pour cent de leurs mimiques live, ils offrent un petit Kiss Kiss Bang Bang avant le plus méditatif mais mouvant Traveling.

 * Si vos souvenirs de Songs Of Faith And Devotion - Depeche Mode - ou Ebbhead - même époque et toujours Flood/Wilder - remontent un peu, il suffit d'examiner ce que Flood a fait avec 30 Seconds To Mars récemment pour comprendre le sens du mot "travaillé" - même avec un groupe de ce style -.

** Jetez néanmoins une oreille sur l'extraordinaire remix d'Alan Wilder - ex-Depeche Mode, oui, je sais... -, présent sur la version belge de l'album et dont un extrait est disponible sur Shunt.

 

http://www.nitzerebbicp.com / http://www.nitzer-ebb.de / http://www.myspace.com/nitzerebbmusic  

Retrouvez les photos de Nitzer Ebb en première partie de Depeche Mode à Liévin.

Nitzer Ebb sera également en concert au Bus Palladium à Paris le 10 mars 2010.

  1. fidelio31

    Tres bel article et hommage , sur ce groupe passionnant et incontournable ! Leur concert à Paris (bus palladium) a ete a l image de l album :sublime et captivant!

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