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« Shedding Skin » de Ghostpoet

« Shedding Skin » de Ghostpoet

Ghostpoet Shedding Skin Style : Soul urbaine Sortie : 02/03/2015

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Du haut d’un immeuble so British, le disque semble contempler une aube indécise, encore grise des sons de la nuit, un coup d’œil vers les quartiers riches, un vers les quartiers pauvres, le tarmac luisant des ondées nocturnes dans la mire, une sirène au loin. England.

Se pose doucement la voix du Ghostpoet, un fantastique mix entre les voix les plus classieuses et les plus intelligentes de cette soul élégante et urbaine que déclinent sous toutes ses nuances des gens aussi fins qu’Anthony Joseph, MeShell N’Degeocello ou feu Gil-Scott Heron, notamment celui dont l’espace sonore avait été redessiné par Jamie XX. C’est dire le niveau de ce disque, sensuel et profondément organique. Le son et le sens de l’espace que l’on trouve dans ce troisième disque de Obaro Ejimiwe, à peine 31 ans, sont fantastiques : cristallin, pur, profond, souple, soul, félin, urbain, lunaire et solaire, ce disque est tout ça à la fois. Une batterie agile rend le disque très dynamique, une basse ronde et pleine lui donne une chaleur très intense, une couleur très humaine, guitares réverbérées au loin, quelques touches synthétiques, diction ciselée pour porter les textes comme So slangin' slammin' screams just bounce round the living room (Dial Tones). Élégant et sobre, complètement joué, l'album promet un excellent rendu live le mardi 12 mai au Grand Mix. A chaque titre sa dynamique propre, l’insistance lente et progressive du motif répété de One day at the time, évoqué, doublé, bouclé enfin. Un jour à la fois, puis deux, puis tous les jours. C’est parfait. Ici et là des salves et des déflagrations de guitares urbaines, explosives et vite rentrées, comme des colères contenues.

Même les duos, mariant souvent des voix qui jurent sous toutes leurs coutures musicales, sont ici parfaitement réussis, intégrés au projet d’ensemble (Lucy Rose, Nadine Shah, Etta Bond, Melanie De Biasio, Paul Smith). C’est d’ailleurs ce qui frappe à l’écoute répétée du disque, sa cohérence générale, sa densité, le changement de dimension par rapport aux deux premiers, le cap franchi. On pensera encore, pour l’élégance verbale, à Linton Kwesi Johnson, la touche jamaïcaine en moins, au Trip-hop sombre avant de se dire qu’heureusement, ces étiquettes ne permettent que de situer rapidement une mouvance, une coloration, mais en aucun cas de réduire le disque. On le collerait bien à Bristol pour la filiation mais il est de Coventry… On évoquerait bien Massive Attack ou Tricky mais il jure n’en avoir jamais écouté.

On ne sait pas, au fond, ce qu’est exactement ce bijou mat aux facettes sombres mais la persistance de son éclat ne fait aucun doute. Tous les maîtres évoqués précédemment peuvent se fendre d’un fin sourire : il est des leurs. Un disque terrassant. Le disque de l'année ?

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