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Buck 65

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Buck 65 Date de l’événement : 08/02/2008

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Buck 65 (Ricardo Terfry) était de passage à l’Aéronef de Lille dans le cadre des Nuits de l’alligator. Nous avons évité « l’éternelle question sur les origines de [son] nom ». Dans sa biographie, il explique qu’il ignore pourquoi son père lui a donné ce surnom. « On me demande aussi régulièrement de décrire mon son » indique-t-il alors on ne l’a pas fait mais sachez qu’il fait du Hip Hop. Pour lui, « les racines du Hip Hop remontent jusqu’au Folk et au Blues ». Il envisage donc ce genre dans un sens très large. Son nouvel album « Situation » est sorti en 2007. Nous sommes donc allés droit au but : Thème, son, pochette de cet album, Buck 65 décrit sa manière de travailler. Il nous a aussi donné son avis sur la vie d’artiste et nous a dévoilé ses projets. Une manière de (re)découvrir cet artiste canadien amoureux de la France qui a promis une prochaine interview en français.

Aurélie : Dans ton album « Situation », tu évoques 1957, année charnière dans l’évolution du monde mais aussi de la musique. Pourquoi avoir choisi ce thème en particulier ?

Buck 65 : Cet album est sorti l’année dernière en 2007, 50 ans après cette date particulière. Il semble que les 50 ans sont une période propice pour fêter un anniversaire. Les gens deviennent particulièrement nostalgiques pour les 50 ans, les 100 ans et les nombres comme ça.

Tout a commencé quand j’ai lu Guy Debord et le mouvement situationniste. J’étais intéressé par l’idée de combiner la politique et l’art. Quand j’étudiais ça, je voulais comprendre ce qui se passait dans le monde à cette période.

Dans beaucoup d’endroits du monde mais particulièrement aux Etats-Unis, c’était la grande période du conservatisme. Les gens voulaient juste se sentir en sécurité, avoir une vie confortable et gagner de l’argent. Il y avait l’émergence des banlieues où les gens pouvaient quitter la ville, fonder une famille et avoir une belle vie. C’était une bonne idée mais les jeunes s’impatientaient et en même temps, le situationnisme émergeait curieusement.

Beaucoup de jeunes ressentaient la même chose et le Rock’N’Roll explosait en même temps. Les écrivains de la Beat Generation arrivait sur la scène et même si tu voyais quelqu’un comme Betty Page notamment, ce qui se passait aux Etats-Unis était très controversé tout comme ce genre de vie : l’expression de la liberté et de la sexualité était une idée nouvelle et effrayante pour l’Amérique du Nord, peut-être pas beaucoup pour l’Europe.

Ce fait était intéressant : beaucoup de figures du Punk Rock qui sont devenus célèbres 20 ans plus tard sont nées cette année là. Je pense que 1957 d’une certaine manière est la date exacte de la naissance du Punk Rock parce que la philosophie était là et beaucoup de figures du mouvement Punk Rock sont nés à cette période et ont vraiment commencé à travailler 20 ans plus tard. Je pensais juste que toutes ces idées étaient intéressantes et étaient une source d’inspiration. Donc, après avoir étudié ces points, j’ai commencé à écrire beaucoup de chansons très rapidement.

Aurélie : Est-ce ce retour dans le passé qui t’as incité à revenir à un Hip-Hop disons plus Old School ?

Buck 65 : Un petit peu. C’est vrai que c’était une décision consciente de ma part de revenir en quelque sorte à un album de Hip Hop basique. Je voulais faire un album où la musique était plus simple. C’est important de dire que cet album était une collaboration entre moi et mon ami Paul, DJ Hip Hop.

Rien d’original en commençant à travailler sur cet album avec lui, c’était vraiment juste pour s’amuser et nous n’avions pas d’objectifs particuliers. En fait, nous n’étions même pas sûr de le sortir et nous nous amusions juste en faisant de petites musiques. Vu que Paul est un DJ Hip Hop, il s’est bien sûr impliqué en mettant plus de sons Hip Hop. S’il avait été un jeune guitariste de Heavy Métal, peut-être que l’album aurait sonné comme un album de Heavy Métal. Vu qu’il est DJ Hip Hop, je voulais vraiment lui donner beaucoup de liberté pour qu’il s’exprime et qu’il apporte ses idées.

Aurélie : Tu travailles aussi souvent en collaboration avec des artistes que tu connais pour réaliser la pochette de tes albums. Tu peux nous parler de celle de « Situation » ?

Buck 65 : Je m’intéresse à toutes les sortes d’arts visuels, graphiques mais je n’ai aucun talent pour tout ça. Je connais en revanche beaucoup de gens qui sont très talentueux dans ce domaine et je pense que vu que j’ai un album produit par un gros label, j’ai la chance de créer des opportunités à d’autres gens. Pour moi, il est plus logique de donner ces opportunités à mes amis qui ont du talent. Pour cet album, j’en ai donc parlé à mon ami Félix qui est né en Allemagne mais vit à Toronto au Canada où je vis maintenant.

Je lui ai donné les grandes lignes de cet album mais je ne voulais pas lui en dire trop. Je lui ai dit ce à quoi je pensais un peu pour « 1957 » et je lui ai montré quelques livres d’Art Work de Russie et de Pologne. Je lui ai aussi parlé du situationnisme et de quelques sites Internet car il y a beaucoup d’art visuel associé à ce mouvement. Mais c’est tout ce que je voulais lui dire. Je ne voulais pas lui dire exactement ce qu’il devait faire. Il n’est pas seulement talentueux, c’est aussi un illustrateur compétent. Il a beaucoup d’idées créatives. Je voulais juste lui donner une page blanche et lui dire « fais juste ce que tu veux ». Je lui ai donné beaucoup de temps pour travailler et il a fait un travail étonnant. J’étais très très content de ce qu’il avait fait.

Je suis en réalité très excité car au Canada chaque année nous avons des Music Awards appelé Juno Awards qui ont de nombreuses cartégories dont une pour « CD Artwork Design of the year ». Félic a été nommé pour son travail sur la pochette. J’étais très content car je crois vraiment en son talent et il est reconnu. Cela m’a aussi fait plaisir car comme je l’ai dit au début mon but était de donner une opportunité à mes amis qui avaient du talent et que personne ne connaît.

Aurélie : J’ai lu que tu avais cherché un boulot il y a quelque temps car c’était dur de joindre les deux bouts. Tu disais que le combat contre le téléchargement illégal était perdu. Penses-tu toujours la même chose ? Que penses-tu de la démarche inédite de Radiohead avec son album « In Rainbows » ?

Buck 65 : Je ne dirai jamais que j'aurai toujours la même opinion sur un sujet parce que c’est une manière très arrogante de vivre, de prendre une décision. C’est la grosse erreur de Georges Bush selon moi ! Il a une idée et il ne la lâche jamais. Je ne veux pas penser de cette manière et mon ego n’est pas assez gros pour penser comme ça. J’ai au fond deux opinions au sujet du marché de la musique et la manière dont ça évolue. Tout ce qui est téléchargé m’incite à penser que le combat est perdu et je m’inquiète parfois au sujet de l’avenir pas de la musique mais des musiciens.

Mon expérience personnelle avec Warner a été en fait très positive. Ils m’ont beaucoup soutenu, pour moi, c’est un vrai signe d’espoir qu’une grande major comme ça donne une chance à quelqu’un comme moi qui fait de la musique différente, pas commerciale. Je ne pense pas que le label attende de moi que je vende un million de disques. Personnellement, je ne peux pas me plaindre de ma situation car je pense qu'elle est parfaite. Mais le marché est en difficulté, c’est sûr. Il y a un besoin très fort de nouveautés et j’ai entendu des gens parler de différentes idées, j’espère qu’elles seront exploitées.

Je pense que ce que Radiohead a fait est très fascinant mais il faut souligner un point très important : Ils ont finalement vendu leur album en janvier. Il s’est très bien vendu, ce qui est incroyable. Il était disponible gratuitement sur Internet mais les gens voulaient aussi aller l’acheter au magasin.

Cette idée est intéressante même si on s’y perd un peu. Je ne vois pas quelle conclusion solide je pourrais donner de cette expérience mais je pense que si j’essayais la même chose le résultat serait très différent. Si je le fais personne ne le remarquera, ma musique serait disponible sur mon site et je ne demanderais pas d’argent du tout. J’espère un jour avoir une maison, fonder une famille… Je n’ai pas besoin d’être riche mais j’ai envie de gagner de l’argent autrement donc sur mon site Internet, j’ai annoncé l’été dernier que je cherchais un job et j’ai eu de nombreuses réactions à ce sujet.

Beaucoup de gens étaient très bouleversé, ce qui me prouve qu’il y a beaucoup de malentendus au sujet du marché de la musique et de la vie d’artiste. Les autres réponses intéressantes étaient des offres d’emploi. J’en ai accepté une avec une radio canadienne. Je fais de la programmation à la radio, je présente... « Bonjour, nous allons maintenant écouter une chanson de Radiohead… » J’aime ce job qui est très souple. Je peux partir en tournée assez longtemps. J’espère garder ce job parce qu’il est amusant et je gagne ma vie. Ce job m'apporte un avantage plus important, celui d'avoir une couverture sociale pour le dentiste ou le médecin, quelque chose d'innaccessible lorsque l'on est musicien. Je suis donc très heureux d’avoir ce job.

Aurélie : Sur la « Love Letters » de ton site Internet tu parles d’un album en préparation, peux-tu nous en dire plus ou c’est encore secret ?

Buck 65 : Je travaille actuellement sur deux nouveaux albums. Le premier est une autre collaboration entre une femme de Bruxelles et moi. Il sortira sous le nom « Bike for three ». Ce n’est pas Buck 65, ce n’est pas son nom, nous avons pris un nouveau nom pour travailler ensemble. Nous avons une page Myspace sur laquelle il y a de la musique. Cet album est presque fini et j’aimerai qu’il sorte avant l’été. Il est très différent de ce que j’ai fait avant. Je suis très excité et je pense que c’est un très bel album.

Je travaille sur le second en ce moment. Il s’appellera probablement « Letters Songs ». Je travaille principalement seul avec mon ordinateur mais je fais quelques collaborations avec quelques musiciens avec qui j’ai déjà travaillé. Je suis en fait très inspirée grâce à elle. [Son amie est juste à côté de nous] Cet album lui sera dédicacé et évoquera la communication entre nous. Le titre « Letters Songs » vient des lettres que nous nous sommes écrites et ne parle pas seulement de nous et de l’amour car au début de notre relation, nous vivions très loin l’un de l’autre et nous nous écrivions chaque jour une lettre. Dedans, nous parlions de notre journée, de politique, d’un film intéressant… J’étais juste inspiré par cette vie et par cet art. J’avais donc envie de créer un album sur cette personne intéressante et créative. J’ai déjà travaillé sur quelques morceaux que je peux te faire écouter. Tu seras la première à les entendre ! [Ecoute des morceaux en exclusivité !] Voilà c'est le début, j’écris chaque jour mes idées dans un petit carnet. Cet album est plus personnel. Je travaille tous les jours. Deux albums vont donc sortir prochainement.

Photos du concert à l'Aéronef

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