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« Drone » : Le réalisateur Simon Bouisson et l’actrice Marion Barbeau

« Drone » : Le réalisateur Simon Bouisson et l’actrice Marion Barbeau

Simon Bouisson / Marion Barbeau Drone Style : Thriller Date de l’événement : 02/10/2024

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Cette semaine, l'entretien cinéma de LillelaNuit est consacré à Drone, premier long-métrage de Simon Bouisson. Dans ce thriller anxiogène aux frontières du fantastique, Emilie (Marion Barbeau), jeune étudiante architecte, est confrontée à l'omniprésence d'un drone. Est-il son allié ou son ennemi  ? Drone est réussi, prenant, prévient des dérives liées à l'utilisation des objets électroniques. Si l'on peut regretter une durée trop longue, on ne fera pas la fine bouche devant ce premier film à la mise en scène au cordeau. Rencontre avec Simon Bouisson et Marion Barbeau.

On ne voit pas le pilote du drone.

Simon Bouisson 

Dès le début du film vous nous mettez sous-tension. Aviez-vous envie de mettre sous tension le spectateur, de le secouer, de le sortir de sa zone de confort ?

Simon Bouisson : Oui, mais c'est une règle de film de genre d'ouvrir par un pré-générique, d'avoir une séquence contenant tous les éléments du récit thématique. Il est vrai que ce plan-séquence est un peu une relecture de Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock. Et en même temps c'est une promesse. Le film met un peu de temps à se déployer. J'aime l'idée que la question soit posée très clairement dès le début. Pour lancer le thriller, j'aime l'idée que le drone soit un masque.  La seule chose que l'on ne voit pas est le pilote. Celle ou celui qui regarde. Jouer avec ça dès début du film , être dans le point de vue du drone, était compliqué à réaliser. Comment faire un plan qui signifie "ce n'est pas un plan de cinéma mais une vision subjective du personnage antagoniste". Ou pas d'ailleurs. Il me fallait donner ce point de vue. Le titre prépare le spectateur, bien sûr.

Il ne fallait pas tomber dans le piège de l'exercice de style, du  film à effets, artificiel, gratuit.

Simon Bouisson : On a préparé le film pour que le spectateur puisse imaginer ce qu'il veut sur ce drone, mais aussi de nombreuses allégories, et métaphores. D'ailleurs, il y a des pistes dans le récit, notamment sur la folie du personnage. On se demande si le drone existe. On a développé cette idée. Il y a aussi toute une enquête policière qu'on a écrite, qu'on a développée dans le récit et qu'on a fini par retirer. Je l'ai même tournée, puis retirée au montage. L'exercice de style est intéressant  mais on devait garder une ligne claire sur le propos du récit. Ça a pris beaucoup de temps,  Faut-il donner des réponses ? Je me pose encore la question. donner une réponse. La question qui est posée, est celle du thriller, du whodunit (NDA : genre cinématographique consistant à faire deviner au spectateur le coupable),. Qui est derrière, qui me regarde ? Voilà la question qui revient sans cesse. Je peux être un spectateur qui n'aime pas obtenir de réponse(s), ou aimer en avoir. Mais je pense qu'un un film moderne, donne une réponse. On ne peut plus se complaire dans un truc un peu joueur, où on se dirait : "alors attends, si ça se trouve, cette machine n'existe pas. Si ça se trouve, c'est de la parano de sa part". J'adore le cinéma de Cronenberg, de De Palma, de Verhoeven, qui est assez libéré et ouvert, parce qu'il a été fait à une autre époque,  Je crois qu'aujourd'hui, on ne peut plus procéder ainsi… Je pense que les spectateurs fans de ces cinéastes sont peut-être un peu surpris de la fin très politique du film. Enfin politique, je ne sais pas,... Mais par la réponse très claire, que j'apporte, de qui est derrière tout ça. Ce sont des réflexions qu'on a beaucoup eues avec Samuel Doux, le coscénariste du film. Gilles Marchand (NDR : consultant au scénario et scénariste de La Nuit du 12, de Dominik Moll) a une vision très claire de ce que doit être un film. Le triangle thématique de Drone devait être le voyeurisme, la technologie, le regard masculin.  Les questions du "male gaze" (NDA: la manière dont le regard masculin s'approprie le corps féminin), et, même, la mise en abyme du cinéma. Nous avons trouvé ce triangle en écrivant avec Gilles. Ce sont les secrets,  les secrets, le côté mille-feuilles de l'écriture.

Le drone est un élément complexe dans le film. Quel était son véritable rôle ? Vouliez-vous lui donner une importance comme les réseaux sociaux,  avec un écran qui vous filme en permanence ? Ou plutôt un objet dévoilant un aspect caché, gênant, de la vie de la protagoniste?

Simon Bouisson : Le drone peut prendre plusieurs formes, mais je l'ai imaginé comme un Pharmakon (NDA:  en grec remède et poison), Au début, on le voit comme Marion (Emilie) : un remède. C'est un Coming of Age (NDA : la transition d'une jeune personne de l'enfance à l'âge adulte). C'est l'histoire d'une jeune femme qui cherche à devenir architecte. Elle est très coincée, même physiquement, donc elle a besoin de s'ouvrir. Donc, cette machine est un peu comme un ange gardien qui vient l'augmenter. Elle vient même lui montrer l'objet de ses désirs, qui est Mina (Eugénie Derouand). Et ce qui m'intéressait, c'est qu'à un moment, ce remède, prenne l'aspect d'un poison. Durant cette espèce de lente dérive, la machine est toujours là. En quelque sorte, Émilie lui offre sa vie. (...) Et là, on plonge dans la deuxième partie : celle du duel. Émilie doit stopper cette violence, essayer de convaincre les autres que cette violence existe. Je trouve ça très intéressant d'aborder les violences invisibles, et notamment celles faites aux femmes,. Souvent, tant qu'on apporte pas de preuves, on ne vous croit pas. Une autre étape est de se demander qui est derrière cette machine ? C'est amusant de tirer les fils narratif  Est-ce son prof d'archi, l'étudiant qui l'emmerde, peut-être même Mina, où ce môme qui lui vient en aide. C'est pour cette raison qu'il y a tous ces personnages plus ou moins toxiques autour d'elle.

Le drone devient un vrai personnage mais il n'est pas un acteur. Comment fait-on pour jouer avec un drone ?

Marion Barbeau : Je pense qu'il faut cultiver son imagination. Notamment pour croire à cette machine, à cette histoire. Mais j'ai été vraiment aidée, parce que, parfois, je jouais vraiment avec un drone, mais qui était piloté par un droneur, Il était avec un casque de réalité virtuelle. Et il manipulait son drone avec une petite manette. En fait, c'était très vivant comme manière de manipuler. Et donc parfois, je sentais vraiment, selon la vitesse, selon le parcours qu'il faisait avec son drone, que ça pouvait être séducteur, menaçant, mais très souvent, prédateur. Parce que, finalement, en voyant le film, c'est ce que je retiens le plus. Pour moi, c'est un prédateur sexuel, mais qui a presque la forme d'un oiseau. C'était très simple de s'imaginer ça. Au début, on met du temps à démarrer, mais finalement on s'apprivoise, exactement comme avec un comédien,. C'est une relation qu'on noue ensemble, qui n'appartient qu'à nous. Et puis, il y a le regard du drone sur moi, filmé par le chef-opérateur. C'est la première fois que j'avais autant d'intimité avec une personne qui me filme. Mais là, cette personne était comme un comédien.

On sait qu'elle fait du ClubSex. On sait qu'elle est dans cette école. Mais on ne sait pas grand-chose. C'est relativement hors-champ. Avez-vous construit une biographie à votre personnalité ?

Marion Barbeau : J'adore, ça me passionne. J'ai l'impression que toi aussi (Simon), on a eu la chance d'avoir un peu de temps pour en parler. Ça m'intéresse énormément de la connaître. De la connaître intimement.  Presque plus que le créateur, le réalisateur.

Ça me dissocie du personnage. Je peux me protéger de ce qu'elle vit.

Marion Barbeau

Avez-vous pris des notes ? Avez-vous écrit son histoire ?

Marion Barbeau : On fait plusieurs choses. On en parle beaucoup. Il y a des idées qui viennent au fur et à mesure des discussions qu'on a avec Simon. En parallèle, j'ai travaillé avec une coach. On fait des exercices que j'adore et qui sont très utiles pour moi. Presque de l'hypnose. On va aller visiter le personnage. C'est absolument génial. La première visite, c'est moi, Marion, qui vais visiter Émilie.  Je vais lui dire que je l'interprète. J'ai le droit de lui poser toutes les questions que je veux. Sauf si elle ne veut pas me répondre. C'est une sorte de construction de confiance et d'intimité avec le personnage.

Simon Bouisson : Elle arrivait le matin, elle me disait "Simon, il faut que je te dise un nouveau truc sur Émilie". Ça correspondait. On s'était donné des grandes lignes et des grands espaces. Ça matchait, mais tu entrais dans des détails très précis. Dans ses traumas, sa solitude, sa mère, son père absent. Des trucs ultra précis.

Marion Barbeau : Ça me dissocie du personnage. Je peux me protéger de ce qu'elle vit. Et en même temps, ça me connecte directement avec ses émotions. Comme quand on partage des souvenirs avec quelqu'un. On est en empathie et, émotionnellement, c'est parlant. En plus, cet exercice fait travailler l'imagination. C'est utile quand on joue en face d'un drone.

Synopsis : Une nuit, Émilie, une jeune étudiante, remarque qu'un drone silencieux l’observe à la fenêtre de son appartement. Les jours suivants, il la suit et scrute chacun de ses mouvements. D'abord protecteur, le drone devient inquiétant. Émilie se sent de plus en plus menacée.

Les Infos sur DRONE

DR(O)Ne de  Simon Bouisson

Avec Marion Barbeau, Eugénie Derouand, Cédric Kahn, Stefan Crepon, Bilel Chegrani.
Scénario : Simon Bouisson,  Fanny Burdino et Samuel Doux
Collaboration au scénario : Gilles Marchand
Distributeur : Haut et Court

Sortie : 2 octobre 2024
Durée : 110 min

Photos et film-annonce : Haut et Court

Entretien réalisé à Lille le 11 septembre 2024 par Grégory Marouzé et Ambre Labbe.
Retranscription de l'entretien par Ambre Labbe.
Remerciements : UGC Ciné Cité Lille

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