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« Exfiltrés » : Interview du comédien Swann Arlaud et du producteur Frédéric Brillion

« Exfiltrés » : Interview du comédien Swann Arlaud et du producteur Frédéric Brillion

Swann Arlaud Frédéric Brillion Exfiltrés Style : Cinéma Date de l’événement : 06/03/2019

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Cette semaine, l'actu ciné de LillelaNuit vous propose une interview de Swann Arlaud (César du meilleur acteur pour Petit Paysan, à l'affiche de Grâce à Dieu) et du producteur Frédéric Brillion (Numéro Une) pour Exfiltrés. Premier film de fiction du documentariste Emmanuel Hamon, Exfiltrés aborde une histoire forte et vraie ! Celle d'une jeune fille paumée qui fuit en Syrie, et se retrouve prisonnière d'extrémistes religieux. Son mari Sylvain (Swann Arlaud) et deux de ses amis, vont monter une opération pour l'exfiltrer. Swann Arlaud et Frédéric Brillion, ont raconté à LillelaNuit l'histoire de ce film réussi, courageux, qui refuse le schématisme.

Exfiltrés de Emmanuel Hamon :Kassem Al Khoja, Finnegan Odfield, Swann Arlaud.

Exfiltrés : un film sur l'engagement

Swann, après Petit Paysan et Grâce à Dieu, on vous retrouve aujourd’hui dans Exfiltrés. Ce sont des films aux sujets complexes. Voyez-vous entre ces films une forme de parenté ? Et pourquoi avez-vous décidé de jouer dans Exfiltrés ?

Swann Arlaud : Une forme de parenté ? Oui et non ! Oui parce qu’on peut dire que ce sont des films qui sont dans l’actualité, qui sont sur des sujets d’actualité, qui nous concernent et qui sont, pour certains un peu sensibles. Après, on me fait le coup de l’acteur engagé. Je ne crois pas du tout être un acteur engagé. Je n’ai pas du tout l’impression d’être engagé quand je fais un film ! Je suis content si le cinéma est engagé. Et si le cinéma fait de la politique ! Je suis ravi d’y participer. Mais, en fait, je lis simplement des scénarios. Et quand les scénarios me choppent, quand ils m’attrapent et que j’ai envie d’y aller : j’y vais !

Exfiltrés, c’était ça. Il y avait un scénario très, très fort. Haletant, donc il y avait tout ce qu’il fallait pour en faire un film de cinéma, de fiction. Et il y avait les sujets que ça touche. Je trouvais très très intéressant d’amener un peu de complexité là-dedans, dans une vision parfois un peu simpliste qui peut nous être donnée à la télévision ou dans les médias de masse. J’étais content de voir ces personnages abordés avec un peu de profondeur et de complexité. Notamment quelque chose qui me touche assez fort, en fait. Qui est de manière assez vaste la question de l’engagement. Je finis par me rendre compte que c’est quelque chose qui me touche dans les scénarios.

Dans Exfiltrés, on a une cartographie de la jeunesse sur des questions d’engagement. Une jeunesse syrienne, activiste, qui veut aider son pays à redevenir ce qu’il était.

Swann Arlaud

Dans Exfiltrés, on a une cartographie de la jeunesse sur des questions d’engagement. Une jeunesse syrienne, activiste, qui veut aider son pays à redevenir ce qu’il était. Un jeune Français, qui est parti s’engager, qui bosse dans une ONG, à Gaziantep. Et aussi, une Française qui a eu du mal à trouver sa place en France. Et qui d’une certaine manière, peu importe la naïveté qu’il y a derrière ce choix, essaye et pense être utile en trouvant une place quelque part. Ça, ça m’a particulièrement touché. C’est quelque chose dont on parle peu, mais il y a quand même certainement des gens qui partent là-bas simplement parce qu’il y a une forme d’utopie naïve. Mais ils pensent qu’ils vont servir à quelque chose. Et qu’ils vont aider. C’est là où je trouve que le film est intéressant.

C’est pas du tout une fille qui part faire le Djihad. On n’est pas du tout sur une question de fanatisme religieux ! Mais sur une fille qui, visiblement, a du mal à trouver sa place en France. Elle a une histoire de couple qui bat un peu de l’aile. Elle est peut-être vaguement amoureuse d’un garçon qu’elle a suivi, qui était de son quartier, qui est parti là-bas. Et surtout, elle pense qu’elle va aller travailler à la maternité ! Et, très vite, elle se rend compte que ça ne correspond pas à ce qu’elle attendait ! Mais moi, ça m’a permis de rentrer dans la complexité de ces sujets. Ça m’a permis aussi de rencontrer Kassem (Al Khoja), qui est donc le jeune Syrien qui a joué avec nous. Et, d’un coup, c’est très intéressant, on peut parler de la Syrie avec quelqu’un qui vient de là. On se rend compte qu’en fait, on est très très proches. Je ne sais pas si c’est internet, mais Kassem est vraiment comme nous ! Avec Finnegan (Oldfield) Kassem, on était une bande, que ce soit en France ou en Jordanie, là où on a tourné, on ne voyait pas de vraies différences entre nous. Et, aussi, de rencontrer Kassem qui parle de son pays, qui parle de cette histoire avec un point de vue qu’on n’a jamais nous… puisque nous on a un point de vue très français sur ces choses-là... C’était très enrichissant.

Exfiltrés de Emmanuel Hamon : Sylvain (Swann Arlaud) va tout tenter pour retrouver sa femme retenue prisonnière en Syrie.

se confronter au monde contemporain

Qu’est-ce qui vous donne l’envie de produire un tel film ? Il y en a quelques-uns, mais il n’y en a pas tant que ça. Surtout, dans le cinéma français !

Frédéric Brillion : Je vais vous dire ! D’abord, on a toujours eu un peu de mal dans le cinéma français à traiter le monde vraiment contemporain. Des choses proches ! Les Américains l’ont toujours fait ! Ça nous a toujours passionné quand ils le faisaient. Mais nous, on se l’est toujours un peu interdit. Et puis, quand on nous a raconté cette histoire, je me souviens, le premier témoin qui me l’a raconté, ça a duré une heure et demie ! Et quand on vous raconte une histoire pendant une heure et demie et qu’elle vous tient, et que votre métier c’est d’être producteur de cinéma, en bonne logique, vous vous dites il y a un film ! Voilà !

Swann Arlaud : Faut faire un truc, là ! (rires)

Frédéric Brillion : C’est un simple plaisir de simple spectateur en écoutant l’histoire. C’est aussi simple que ça. Et puis, c’est vrai qu’il y a des choses qui m’ont frappées. Par exemple, ce mélange de la jeunesse et du monde 2.0 la capacité de communication… Il y avait eu un article vers 2015 dans Le Monde où on apprenait que les plus grands cartographes du conflit syrien sont un jeune breton et un jeune des Pays-Bas, qui ont vingt balais, et qui font ce que fait le personnage de Finnegan Oldfield dans le film. Ils décryptaient toutes les vidéos qu’ils trouvaient sur internet. Et avec ça, ils reconstituaient les zones. Parce que c’était un merdier invraisemblable de sept ou huit blocs. Il y avait tout un décryptage très intéressant d’ une jeunesse, comme le disait Swann, sur l’engagement, et puis de cette génération qui a tous ces outils-là en main. C’était à la fois la notion d’engagement et d’adaptation à la modernité.

Exfiltrés de Emmanuel Hamon : Faustine (Jisca Kalvanda), et Sylvain (Swann Arlaud). Le début du cauchemar ...

traiter un sujet sensible

Quand on traite d’un sujet comme celui-là, aussi bien en tant que comédien, qu’en tant que producteur, que doit-on éviter ? Que que doit-on réussir ?

Frédéric Brillion : Je pense que, comme tout ce qu’on fait dans sa vie, il faut être en intégrité morale avec soi-même. On voulait parler de cette jeunesse-là, on voulait raconter cette histoire parce qu’on la trouvait palpitante ! On se disait qu’on devait pouvoir raconter dans le cinéma français des choses qui arrivent actuellement. Les pièges ? Ça aurait été de partir dans des caricatures ! C’est de garder l’équilibre de ces personnage avec ce qu’on raconte. Après, on a eu beaucoup d’états d’âme parce que, quand il y a eu les attentats, il y avait de vraies interrogations. On se demandait si on pouvait amener ça au cinéma ! Ce ne sont pas des pièges, mais ce sont de vrais questionnements ! En fait, ça passe plus par des questionnements que par des pièges ! C’est en permanence savoir, appréhender ce que ça peut amener comme réactions, et à partir d’où on risque de perdre notre propos et notre envie.

Swann Arlaud : Ce qu’on doit réussir, à mon avis, et qui était l’une des clés importantes dans le film, c’est qu’on puisse réussir à l’aimer, elle ! Et je pense que c’était l’un des gros enjeux du film. Même au moment du financement, des gens nous disaient « Mais vous ne pouvez pas faire de votre héros, une femme qui part à Raqqa ! » Ah bon ? Mais pourquoi ? Je pense que l’enjeu était là. Et à priori, c’est plutôt réussi.

Frédéric Brillion : Et puis, c’était aussi l’envie de producteur, dans un cinéma qui a tendance à s’aseptiser, à marcher avec des mécaniques assez répétitives, de s’autoriser un sujet qui était moins évident. Comment s’attacher à un tel personnage ? Comment faire pour qu’on arrive quand même à s’intéresser à son histoire ? C’est vrai que c’est un challenge qui est assez intéressant. C’est vrai qu’aujourd’hui, il y a des modalités de scénario assez répétitives dans le cinéma, qui à un moment me fatiguent un peu.

Les infos sur Exfiltrés

Synopsis : Rakka, Syrie, printemps 2015. Faustine ouvre les yeux sur l’enfer dans lequel elle s’est jetée avec son fils de 5 ans. À Paris, Gabriel et Adnan, deux jeunes activistes, sont émus par la détresse de Sylvain, le mari de Faustine. Ils vont ainsi monter une opération d’exfiltration à haut risque. Une histoire vraie de deux mondes et celle d’une génération…

Exfiltrés de Emmanuel Hamon
Avec Swann Arlaud, Finnegan Oldfield, Jisca Kalvanda, Kassem Al Khoja. Avec la participation de Charles Berling, Xavier Legrand.

Sortie le 6 mars 2019
Durée : 1h43

Entretien réalisé le 1er mars 2019 à Lille. Remerciements UGC Ciné Cité Lille.
Affiche et film-annonce 20th Century Fox France - Photos Pascal Chantier

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