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Interview de Groundation

Interview de Groundation

Groundation Date de l’événement : 09/02/2007

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A 2h de leur 1ère date européenne au Splendid de Lille, Harrison Stafford & Marcus Urani, respectivement chanteur et clavieriste de Groundation, nous reçoivent avec le sourire et répondent généreusement à nos questions.

Les différents interviewers sont :

- Rosalynn Lee Heilker – Lillelanuit.com
- Djay – Lillelanuit.com
- David Baché
- Papakaf & CedrX – Kabar Dready - Radio PFM
- Arnaud – Eden - Radio Campus

Traduction de l’interview réalisée par Aurélie GAM – Lillelanuit.com

 

- Rosa : J'ai vu que beaucoup des concerts de votre tournée européenne ont lieu en France. Pouvez-vous expliquer pourquoi êtes-vous aussi populaires en France?

Harrison : Une grande partie de ce phénomène vient de Action Musique, des gens qui nous ont amené en Europe : ils ont de très grandes capacités pour amener la musique au public français, la faire découvrir au public. C'est plus difficile de faire découvrir notre musique dans des pays comme l'Angleterre car  ils sont plus spécialisés dans ce domaine. C'est sans doute l'une des raisons-clé qui explique que nous sommes si présents en France.

- Journaliste : Le livret de votre dernier album décrit un voyage Upon the Bridge, sorte de voyage introspectif. Qui a écrit ce texte ?

H : A l’origine c’est moi mais il a été relu et corrigé par mon père et un de nos amis David Olimo, des gens qui travaillent avec nous, une partie de la famille en Californie. .

-  J. : Et pouvez-vous nous rappeler les premiers mots de cette chanson dans laquelle l’homme dit qu’il est venu là il y a longtemps qu'il a parcouru un long chemin...est-ce le même esprit ou la même chose?

H : Hé bien tous les albums ont un lien entre eux: le voyage de ce Moi. De Young Tree, Each One Teach One, Hebron Gate, We Free Again à Upon the Bridge, c’est la même personne, c’est cette personne qui a vu ce pont et qui va maintenant le traverser, qui a déjà été dans tous ces endroits, tout a commencé avec ce rêve avec le nazarine dans la forêt, c’est lui qui a parlé au jeune homme de son avenir et de cet endroit. C’est de cet endroit que tout a commencé dans Young Tree.


- J. : Comment appelleriez-vous cet endroit?

H : Hé bien, cet endroit doit être défini: c’est le prochain album bien sûr. Le prochain album commence avec l’installation dans un nouvel espace, un nouveau monde, une nouvelle expérience... Ils essayent de se développer et de voir les possibilités qu’offre la vie.

- Rosa : L'année dernière, vous avez expliqué que votre prochain album essayerait de nous montrer ce que vous tentez d'accomplir. Est-ce que vous pensez avoir accompli ce que vous vouliez avec cet album?

H : Bien sûr, c'est un processus en cours mais nous n'avons sans aucun doute pas accompli ce que nous avons entrepris.

- Rosa : Quelle sera votre prochaine étape alors? Quel chemin suivrez-vous après le pont?

H : Nous en parlons de façon générale et nous définissons lentement ces idées. Ce sera peut-être quelque chose de très différent, bien sur ce sera typique de Groundation mais comme une renaissance si tu veux.

Marcus : Chaque chose est une part de voyage tu sais, nous avons commencé avec Young Tree, et nos idées et le reste ont évolué pour arriver au stade où nous en sommes maintenant. Nous avons un but mais il y en a plusieurs vers lesquels nous pouvons aller.

- Rosa : Vous n'avez donc pas de but bien défini?

M : Bien sur il y en a plusieurs, il y en a tellement: je pourrais rester assis là pendant les dix prochaines heures et tous te les dire si tu veux. Mais ce serait très profond, il y a beaucoup de choses que nous voulons faire, musicalement et verbalement. Ce que nous voulons dire aux gens, c'est que nous apprenons beaucoup chaque année quand on est en tournée, quand on rencontre des gens, quand on voyage, on parle, on entend d'autres musiques, sans cesse on mûrit et évolue: toute notre musique et nos albums sont nés comme çà. Donc, oui, il y a beaucoup de choses que nous voulons faire bien sûr. La dernière fois, nous avons réalisé beaucoup de choses pour essayer de composer celui-là. Et je ne pourrais pas vraiment définir la prochaine chose que nous allons faire parce que c'est toujours en train de grandir en nous pour le moment.

H : Ce n'est pas clairement défini jusqu'à présent. Oh nous allons faire ces choses. Nous sommes en train de le faire. Nous ne savons pas encore où nous allons, parce que nous apprenons tout le temps en chemin. Quand je parle à des gens comme avec toi, les choses évoluent différemment. Nous sommes assez ouverts dans notre creativité, dans notre langage musical. Nous commençons très généralement à décrire ce que nous essayons d'atteindre pour le prochain projet et au fur et à mesure on voit quel chemin prendre. Comme marcus le dit c'est lié à ce long type d'évolution si tu veux, à l'idée de cette évolution, pas seulement à l'esprit. Il n'y a pas de fin et nous espérons que quand notre voyage s'arrêtera, il y aura des musiciens, des jeunes gens talenteux qui prendront le relais.

M : Nous sommes juste une part de l'histoire, c’est notre métier de faire attention à ce qui se passe et d'essayer de le traduire en musique.

H : Nous essayons et nous nous y efforçons. Ce n'est pas comme si nous restions assis là à nous dire que notre album marche vraiment bien, que les gens aiment cet album, qu'on a juste à faire la même chose pour le prochain album, parce que le public aime ou parce qu’il se vend, non, nous ne le ferons jamais. La musique doit vraiment venir de notre fort intérieur. Elle ne peut pas venir d'une combine commerciale, elle doit venir de notre propre univers, on doit l'aimer. On ne l’aime pas parce qu’elle va rapporter de l'argent, on doit l'aimer parce qu'elle représente un état, soit les gens la respectent soit non. On doit la sortir comme une pensée unique pour continuer à toucher les gens et à les insprirer.

M : On doit grandir et se permettre de grandir, c'est difficile.

H : Il y a des choses dont nous parlons depuis un moment. Ça prend du temps parce que nous sommes  toujours sur la route en tournée, nous ne sommes pas chez nous pour parler de nos idées musicales et les développer. Nous avons fait un an sans tournée, juste pour jouer et développer nos idées. Certains des très vastes concepts que nous essayons de développer pourraient se réaliser, mais pour le moment comme on est en tournée, qu'on essaye de voir les gens, tout en faisant les albums, nous avons seulement quelques moments à nous quand nous sommes ensemble chez nous, tranquilles pour parler de musique, répéter ensemble. Sinon, nous sommes sur la route. Tout dépend toujours du temps qu'on a. C'est pas facile!

- J. : quelle sorte de choses essayez-vous pour ce nouvel album?

H : Il semble que des choses aient été mises en place à partir de l’évolution de nos albums. We Free Again, cet album, quand nous avons vu la réaction des gens, qu'ils l’aimaient vraiment. Nous nous sommes dit ok, nous pouvons vraiment faire ce qu'on veut, parce que cet album n’etait pas risqué, mais repoussait vraiment les limites de la musique, en ce qui concerne les rythmes polyphoniques et les structures harmoniques, c'est presque de l'avant-garde, vraiment, on pourrait même appeler ça comme ça, mais il s'agit avant tout de repousser les limites.  Nous recevons des réactions comme: “o c’est super”, “ok c’est beau”. Nous avons développé nos idées au maximum. Nous sommes actuellement en train de parler des choses basiques de ce prochain album. Nous avons le sentiment que nous pouvons mettre sur cet album des choses très différentes. Quand tu mets l’album et appuie sur “Play”, c’est Groundation. Il n’y a pas de surprise à propos de l’identité du groupe, tu sais que cette musique vient de lui. Nous voulons donc que le prochain album ait cette dimension, presque comme si ce n’était pas du Groundation. Mais bien sûr c’est Groundation, très différent de ce qu’ils ont déjà donné. Mais bien sûr, c'est toujours de là qu'on vient, il y a toujours ce truc.. En fait, il faut un peu se forcer à grandir, à évoluer, à changer.. On parle des instruments, et d'autres choses encore, des différents aspects de la musique qu'on a créée, on voit qu'on peut aller encore un peu plus loin, tiens on n'a jamais fait ça, on n'a jamais tenté ce genre de rythme, cette superposition de plusieurs rythmes, c'est peut-être une idée qu'on peut essayer de développer. En résumé, on a quelques idées pour faire de cet album quelque chose de, wow, complètement différent, mais qui reste du Groundation avant tout. Là est toute la difficulté. Ce qu'on ne veut pas, c'est avoir notre "truc", comme la plupart des groupes, on pratique, on arrête, on pratique encore, quelque chose qu'on sait bien faire, et on ne fait que ça. Chaque nouvel album n'est pas forcément une surprise, c'est avant tout de la bonne musique, mais nous voulons continuer à évoluer, à dépasser nos limites. Nous le devons absolument.

- Rosa : Vous venez juste de dire que cette idée comme l’homme de l’histoire, ressemble à un voyage pénible sur le pont avec beaucoup d’obstacles. Quels sont les votres?

M : L’argent, le temps. Le temps est un obstacle. Avant c'était l’argent, maintenant c'est le temps.

H : Pas assez de temps. Sans tournée, nous ne pouvons pas survivre financièrement.

M : C'est la même chose pour tout le monde, essayer de survivre, essayer de vivre.

H : Le temps et l'argent sont vraiment des pièges.

M : Toujours essayer d’être libre et créatif même si vous êtes piégé par ces choses. On doit prendre du recul et se dire que le monde est ainsi, pas seulement notre monde, le monde entier. Tu vois les gens lutter dans leur propre vie, dans leurs propres milieux sociaux, dans leurs propres pièges, avec leur gouvernement, les temps sont durs pour tout le monde. J'veux dire c'est pas facile, la vie n'est pas facile.

H : Et la musique de Groundation est censée être une célébration de la vie. Elle vient entièrement de nous, de nos réussites, de nos échecs. Elle représente vraiment un état à un moment donné. Et de We Free Again à cet album, il s'agit plutôt du moment futur, pas forcément du présent, Young Tree et Each One traitent d’un certain passé, Hebron Gate parle du moment présent, et We Free Again et Upon the Bridge continuent jusqu’au futur. Je parle des enfants et du genre de monde que nous pourrions voir. Et de la possibilité qu'on a, ici et maintenant, de prendre tel ou tel chemin, cela dépend comment on le sent. Et l'histoire de Young Tree au sujet du Moi, c'est la connaissance des individus par eux-mêmes. Et la capacité de façonner leur propre vie. Nous avons la capacité de former notre monde, si nous choisissons. Et il y a beaucoup d'obstacles, le temps et l’argent sont les chaînes de la vie.

- J. : Tu parles de la vie, maintenant et dans tes chansons, mais tu parles de la vie avec les univers Rasta, c'est quoi le lien, quand nous avons parlé il y a quelques jours, tu m’as dit que tu parlais avec Jah mais pas de la religion. Alors, pourquoi choisis-tu de parler avec des termes religieux?

H : Je ne sais pas si je choisi vraiment de parler avec des termes religieux. Toutes ces choses sont des méditations profondes qui viennent de moi et de mes propres expériences, que ce soit de la Bible, d’autres romans, de la littérature grecque, de gens géniaux, toutes ces choses. Si tu dois dire quelque chose, tu ne peux pas faire d’erreur, mais tu peux chanter en patwah tout en étant dans le Rasta. Ce n’est pas nécessairement la même chose.

- J : Je ne pensais pas que les mots étaient les mêmes...

H: Tu sais le Rasta parle de l’Ethiopie, la gloire de la foule de Medalec, la gloire de la foule du Rastapharisme, nous ne pouvons pas nécessairement faire de la musique sur ces sujets. Nous sommes plus tourné vers la spiritualité de la vie, pas définie dans une forme religieuse. Je ressens personnellement la musique ainsi. Quelqu’un peut toujours voir la musique très Rasta ainsi, c'est sa façon de penser, je ne la vois pas comme çà. Je pense que si tu prends les chansons, que tu lis les paroles, tu verras que ce serait très différent et pas forcément un texte Rasta. Quand je te parle de Jah et de tout çà, pour moi, Jah c’est la vie, l’énergie de la vie, l'énergie qui est en chacun de nous, Jah est le centre de notre être comme c’est le centre de notre univers. Et bien sûr Jah est Rasta, Jah est aussi biblique, la révélation devrait être appelée J A H, Jah.

- J : mais quand tu dis "un chapitre par jour" ...

H : c’est le super Don Carlos, c’est l’improvisation de Don Carlos, son univers. Je ne dirais jamais que je ne suis pas un Rasta, Don Carlos est un Rasta. Je ne dirais jamais que je ne suis pas un Rasta parce que le Rasta est une part de moi qui vient de mon éducation, de mon développement, et de tout ce qui fait ce que je suis. Mais Don Carlos est rasta. Un chapitre par jour est toujours une bonne base, nous avons chanté un chapitre par jour pendant longtemps, çà prend trois ans et demi pour lire la Bible : un chapitre par jour.

- J : Parle nous de ta rencontre avec la religion, avec Jah parce que tu n’es pas d’origine jamaicaine.

H : Dans ma famille, j’ai été élevé comme un juif, j’ai étudié la Torah, les cinq livres de Moïse, l’Exode. Je suis allée en Jamaïque dès mon plus jeune âge, le reggae et la musique rasta ont été une part de moi dès le début. Je me rappelle que mes premiers moments de musique, mes premiers moments dans ma jeunesse et dans cette expérience, c’était avec la musique Roots Reggae : Bob Marley, Israel Vibration, Burning Spear. Mon frère l’a écouté quand il était jeune comme toutes les autres musiques, mais quand j’ai entendu la musique reggae de mon frère, ha pour moi c’était la mienne, et depuis ce moment Burning Spear a ressuscité, c’était mon univers. Quand j’avais 7 ou 8 ans, les enfants riaient de la musique que j’écoutais mais quelques années après, ils se sont mis à aimer Bob Marley et ces choses, à aller en Jamaïque dès leur plus jeune âge, à voir ces Rastas plus âgés, et il n'y avait pas cette sorte de séparation avec les enfants blancs venant d’Amérique, non, c’était plutôt : il est des nôtres. Il est des tributs d’Israël, comme nous, il parle aussi notre patwah, de la Bible: il est là pour nous écouter. Quand j’avais dix ans, à la fin des années 80, mon père m’a emmené là. C’était mon père qui avait rencontré certaines personnes à Kingston avec lesquelles ils avait créé des liens et avec qui il se sentait bien. Je retourne là-bas seul depuis cette période de temps en temps. Chaque année, une ou deux fois par an je suis retourné là-bas, pendant un mois ou pour n’importe quelle durée, maintenant la baie de Saint Anne est comme une seconde maison pour moi. Beaucoup de mes amis qui ont le même âge vivent aux Etats-Unis maintenant, les opportunités sont faibles en Jamaïque. Nous partagions le même lit quand nous étions petit, donc ils ne me voient pas comme un étranger, il me voit comme un Jamaïcain de là-bas. Il semble que le lien entre la mussique reggae et moi soit toujours là-bas. Si tu es Rasta, tu l'as toujours été, cette graine était là depuis le début. Je crois que c’est vrai pour moi.

-J : Et vous Marcus, est-ce que vous avez le même état d’esprit?

M : J’ai appris des religions différentes, je ressens plus, j’ai grandi comme un chrétien à l’école catholique... Puis, j’ai commencé à connaître d’autres religions, le bouddhisme, le judaïsme... Nous avions un cours sur toutes ces religions différentes, c’était une véritable ouverture sur le monde pour moi, c’était super. Grâce à ce cours, je me suis rendu compte de ce qu’il y avait, l’opinion est beaucoup plus large, et j'ai pris des éléments dans différentes religions que j’aimais pour formuler la mienne. Quand j’ai rencontré Harrison, il m’a parlé de l’histoire des Rasta, c’est un vrai dictionnaire, il en sait vraiment beaucoup, et il pense beaucoup aussi à leur histoire, à comment cette religion s’est formée et comment la musique s’est faite. C’est super, je prends des éléments de çà aussi, j’y réfléchi et j'apprend.

-J : à propos des textes que vous avez récemment chanté, est-ce que vous partagez, tous,  tous les points de vue? Toi et les autres musiciens du groupe?

M : Nous faisons une table ronde et nous parlons de beaucoup de sujets, des choses que nous chantons, dont nous discutons, c’est un univers sérieux, çà ressemble beaucoup à une communauté parmi les membres de Groundation. Je pense que la spiritualité nous unit tous et la croyance : chaque personne, chaque religion, a le droit d’être. Si tu es une bonne personne, tu es une bonne personne. Ça m’est égal que tu veuilles appeler ta foi tel ou tel nom, de savoir d'où elle vient car c’est je crois la spiritualité qui nous unit tous. Bien sûr c’est la musique le plus important, la musique nous a lié, Dieu touche la vie de différentes manières. Il semble que la musique est une source fondamentale, je le ressens personnellement, c’est la raison pour laquelle quand nous sommes sur scène, tout le monde est rasta. Je ne sais pas si c’est parce que nous venons des Etats-Unis, mais nous devons vraiment tout connaître et tout respecter. Il n’y a pas une réponse pour deux personnes, il y a une réponse par personne. C’est beau qu’il y ait des religions qui guident, construisent et montrent le chemin que tu peux prendre, mais en réalité, tu peux te dire chrétien, mais tu peux seulement dire ces choses, chaque chrétien ne vit pas sa vie de la même manière. Ils peuvent se dire chrétien mais en réalité ils ne le sont pas. Ils se définissent très individuellement, tout comme nous sommes un groupe d’individus. Certaines personnes peuvent être comme moi et suivre un régime très stricte, ne pas manger certains aliments, et d'autres non, je ne dis pas que je suis mieux et qu’ils sont mauvais, je n’ai rien contre les gens qui sentent qu’ils devraient vivre leur vie à leur manière, si ce sont des gens biens, des gens charitables, c’est le début et la fin. J’espère qu’il n’y a pas çà dans la musique : Rasta est le chemin, le Rastafarisme est le chemin, tout le reste n’est pas bon. J’espère que ce n’est pas çà, parce que c'est censé être pour tout le monde. Parce que c'est en ça qu'on croit. Ce n’est pas une sorte de jeu qui continue, c’est la réalité de notre vie que nous pensons comme çà et c’est comme çà que nous jouons de la musique. C’est cette spiritualité.

-J : Vous vous êtes rencontrés à l'université de Jazz. Est-ce que vous jouiez du reggae avant de rencontrer Harrison? Ou est-ce votre faute?

M : Nous nous sommes rencontrés en jouant du jazz ensemble dans un groupe, une classe, on s'entraînait. Nous avons commencé à jouer du reggae après çà.

- J : Est-ce que vous jouez parfois juste du jazz sans reggae ?

H : Bien sûr, la plupart du temps en essayant de développer mes pensées et garder cette évolution en lisant, en apprenant au contact des gens et en voyageant. Paul, le batteur joue du jazz bien sûr, jouent du Funk. C’est très important: il n’y a pas une seule religion et évidemment pas une seule musique.

-J : Le surnom de Ryan Iron Newman vient de cette base ?

H : Oui bien sûr, c’est un homme solide. Ses sonds sont un petit peu funk. Sans aucun doute, Ryan est un musicien exceptionnel, il est même le plus exceptionnel. Ses capacités musicales, ses arrangements, ses capacités à entendre plusieurs voix... il est extrêmement talentueux, quand nous avons rencontré Ryan, c’était WOW : il connaît la musique, il est plus jeune que nous, et bien sûr tous les professeurs le voyaient ainsi. Je ne sais pas s'il est meilleur après 5 ans d’études ou pas mais il connaissait déjà toutes ces choses.

- J : Etais-tu jaloux parce qu’il était meilleur que toi?

H : Oui un petit peu

-J : Un point m’intéresse : tu parlais de l’évolution et du changement de ton style, sans jamais faire la même chose, tu es toujours un Rasta et vis dans le reggae, je vois beaucoup de Rasta et de musiciens reggae qui ont je ne dirais pas perdu leur voie mais d’une certaine manière leur musique est devenue un peu commerciale, est-ce que tu as ce genre de crainte?

H : Des gens sont venus me trouver et me demander de chanter sur leur rythme mais non. Nous avons quelque chose à accomplir dans cette vie. Cela n’a rien à voir avec la popularité qui fait qu’il y a des gens qu’on inspire et qui nous veulent. Je comprend ce que tu veux dire, il semble que nous ne jouons vraiment pas sur le même terrain. Je ressens la même chose au sujet de tous ces gens qui ont maintenant quitté la Jamaïque. Mais c'est comme ça. Avec mes amis qui sont des Rasta plus âgés, on parlait du mouvement lui-même, la musique s’est nettement diffusée mais donc s’est aussi perdue, de nouvelles  choses se sont installées, des anciennes ont disparu, des tribus sont partis à la guerre.

-J : des artistes essayent de changer leur style pour le rock par exemple. La seule chose qui est restée dans leur musique, c’est seulement la voix, le reste est vraiment quelque chose de nouveau et est-ce que tu penses que la Jamaïque est toujours ta référence pour la musique reggae?

H : Oui pour moi ceux qui portent la musique reggae sont passés et partis, des gens des années 70, des chanteurs incroyables, des gens qui viennent de Jamaïque, la musique des Iles Vierges est vraiment bonne, solide, une musique drop reggae, plus traditionnelle, de la musique reggae d'origine, qu'on entend peut-être plus dans les régions populaires de la Jamaïque. Si tu dois enlever le vocal, çà peut être un son pop, mais si on chante dessus c’est de la musique reggae.

-J : Bob Marley a commencé à faire de la musique commerciale ?

H : Je pense que Bob Marley n’avait pas changé sa musique parce qu’il voulait devenir plus populaire, je pense qu’il aimait ces choses, je pense qu’il l’a toujours gardée. Je pense qu’il avait besoin de l’essayer et de la diffuser, ces aspects de la musique lui plaisaient. Sans aucun doute lyriquement il n’avait pas changé, il chanterait des chansons d’amour, ce qu'il a toujours fait. Il était très focalisé sur ce en quoi il croyait.

- J : L’amour est un des thèmes majeurs du Rasta et du Reggae...

H : Tout à fait, l’amour profond. Toutes ces choses viennent du passé, nous parlons et jouons toujours de la batterie avec Horsemouth sur des drums, pendant un mois. Il y a toujours ce sujet au début chez les Jamaïcains, chez Marley, il y avait vraiment une confrontation qui se mettait en place. Maintenant tous les musiciens plus âgés comprennent ce que Bob essayait de faire, le ressentent sérieusement. Il était le premier à parcourir le monde et essayer de diffuser sa musique. Au début, on lui disait: hé qu'est-ce que tu fais? pourquoi tu montres notre musique de la Jamaïque à tous ces gens? Ils ne comprenaient pas ce qu’il faisait. Aujourd’hui, même Horsemouth dit j’avais l'habitude d'être un peu méchant au sujet de Bob Marley mais aujourd’hui je comprends et je remercie Bob Marley d’avoir fait ces choses. Les gens ne voyaient pas pourquoi, mais lui, si.

 

  1. M@>

    yes bonne interwiew les amis...sympa les tofs..MONTAGNARDS CREW

  2. Zikislife

    Sympa cette nouvelle rubrique !La classe Lillelanuit.com !1er interview et on commence par Groundation ! Cool, vivement la suite !

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