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Interview de Mouss de Mass Hysteria.

Interview de Mouss de Mass Hysteria.

Mouss Date de l’événement : 21/04/2007

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La veille des élections présidentielles.
Refaire le monde en tête à tête durant quarante minutes avec Mouss, au grand air de la Belgique, durant l'AthRock Festival… Un véritable kiff perso sur mon petit parcours journalistique !
Le concept de l’interview N°E515 a déjà fait ses preuves. Le front man de la Mass Hysteria ne déroge pas à la règle. Emotion et sincérité répondront une nouvelle fois présentes. Il ne pouvait en être autrement avec un homme aussi touchant.

En préparant cette interview, j’étais un peu fébrile. En effet, je vais être sacrément culotté. Je vais vous présenter une somme de détails –titre du dernier album en date- de ma vie et tenter de la mettre en relation avec votre univers. Voila pour le concept. On attaque de suite par les présentations.

• Je m’appelle Benoit Didier, Benoit, c’est le prénom. J’ai 29 ans et je veux devenir journaliste musical. Je crois en moi, ce qui me vaut d’être taxé de mégalo prétentieux. Je pense, moi aussi, que « ma vie rêvée dérange ». Croire en soi est une constante dans les textes de MASS HYSTERIA et fait partie d’une énergie positive stimulante. Cela dit, rien ne change pour moi sur le marché du travail. L’optimisme peut néanmoins renaître, « l’espoir fou que tout change » se joue demain dans les urnes, non ?

Oui, tout a fait. On se lève tôt demain pour aller voter. On prend cela très au sérieux. Les gens autour de nous également. L’espoir fou… Il y a de l’espoir dans les urnes. Et il y a un fou, même deux pour lesquels il ne faut pas voter. Mais Lepen ne passera jamais.

• « L’échec à motiver les hommes et leurs passions », n’est-ce pas une résultante de leur peur du qu’en dira t’on ? A quoi bon être créatif et se confronter au regard de l’autre, si c’est toujours pour se mettre à dos les sceptiques ? On parlait hors interview d’une altercation écrite entre Yann et un internaute mécontent de votre travail…

Oui, tu peux ne pas aimer la musique. Mais tu ne parles pas de moi. Tu ne me connais pas. Tu peux parler de ce que je fais, mais en aucun cas de ce que je suis. Moi-même, je ne suis pas certain de savoir qui je suis. Faire un travail sur soi, c’est déjà assez dur. Alors quand une personne croit m’avoir capté en me disant ceci ou cela, je lui dit qu’elle est vachement forte, mais j’accepte de parler avec elle. « Viens, on va se refaire le monde. » Les gens qui me détestent, ça me fascine. Cela dit, ça peut aussi permettre de me corriger. Peut être que mes potes ont absorbés mes défauts, et ne me contrarient pas...

• La confusion est partout de nos jours, François Bayrou surfe sur cette vague d’indécision. La dernière fois, j’avais voté à gauche, on s’est pris une belle déculottée. Est-ce que tu penses, comme moi, que si Sarkozy passe, cela sera la fin des initiatives personnelles et de la culture en France ?

Cela m’en mettrait un coup, oui. Sarko, c’est le candidat du CAC 40, de la haute bourgeoisie et des fous de droite. J’aimerai bien être apolitique. Je veux du social, de l’économie avec forcément un peu de capitalisme sinon c’est mort. Mais à droite, ils ne sont que capital et pseudo social. Et de l’autre côté, les socialistes ont un peu perdu leurs racines. Cela fait un bail qu’ils n’ont pas surpris avec un projet social à long terme. J’ai l’impression que cela ne changera jamais.

Il y a une espèce de pessimisme politique chez moi, mais je ne suis pas un pessimiste de la vie de tous les jours.
Je me dis que si Sarko passe, la culture va se renforcer. Tu vas devoir être plus radical, plus tranché. Il y aura un rock beaucoup plus créatif. C’est une musique de la rue, issue de la rébellion, qui a un vrai rôle à jouer. Si elle est opprimée, elle ressortira de façon beaucoup plus vive. Si Nicolas passe, ce serait plus ou moins, un mal pour un bien. La bonne vieille chanson française gentille avec ses problèmes existentiels de bobo, ce sera terminé. Cela n’aurait plus de sens. Passe encore aujourd’hui. Olivia Ruiz, ça ne fait pas de mal. Ma grand-mère et ma fille de huit ans adorent. Mais tout ça s’est destiné au même public que Sardou, des gens qui regardent TARATATA.

Cela ne me dérange pas qu’il y ait une telle musique, je ne suis en aucun cas fascisant. Tu n’es pas non plus obligé de mettre une grosse guitare saturée et de gueuler pour être féroce. Regarde Gare au gorille de Brassens…Il dit bien « nique la police » comme le faisait NTM. Mais aujourd’hui, on manque de groupes tranchés, et là, je ne parle pas de la musique, mais du contenu.

Donc, si Sarko passe, la musique sera, j’espère, plus réactionnaire, elle va prendre de la substance, comme il y a pu avoir THE CLASH ou RAGE AGAINST THE MACHINE. Merde, s’il est élu, il n’y aura plus d’intermittence ! Va falloir aller au charbon, faire des concerts, s’auto produire, s’associer en collectifs… Cela va faire une émulsion. Je n’ai pas peur, cela me fait juste chier car cela va être le bordel en France. Couvre feu et guerre civile…

• Est-ce que tu ressens l’énergie positive que tu prônes dans la musique du groupe dans les relations humaines ? Les rapports humains, c’est cela qui construit l’individu ? Je te parle de cela car j’ai la fâcheuse tendance à n’accorder que trop peu de crédits à mes nouvelles rencontres et suis davantage partisan du « allez tous vous faire foutre ».

-rires- On est tous un peu comme cela. Parfois, tu l’aimes ou tu le détestes le monde. Moi, c’est par période. Parfois tranché, parfois contrasté. Quand je ne suis pas de bonne compagnie, je ne sors pas, sinon je peux très vite être agaçant, voir con et sans discernement. Il me faut alors refaire l’introspection et signer un nouveau bail de bien être.

• La trentaine approche pour moi, et je n’ai pas encore l’impression d’avoir fait quelque chose de ma vie, hormis tisser des relations humaines. Mass Hysteria fête ses dix ans de carrière, le groupe est toujours en chantier et bâtit encore de nouvelles choses. La motivation est-elle intacte ou quand on voit que l’album éponyme a complètement foiré, on veut tout envoyer bouler, style Jospin « vous n’avez rien compris, je me casse » ?

On ne va pas s’arrêter à un mauvais album. Dans l’absolu, cela ne reste qu’un disque. Ce n’est pas ma chair, on ne m’a pas arraché un bras. J’ai fait un mauvais album pour certains, un bon album pour d’autres… Et un très bon album… pour très peu de personnes, mais j’imagine qu’il y en a quelques unes quand même.
–rires- C’est sûr que ce n’est pas ce qu’on a fait de mieux. Cela dit, je ne pense pas que l’album soit réellement mauvais. C’est surtout la façon dont on l’a joué. A l’époque notre humeur n’était pas au mieux. Entre nous, il n’y avait pas vraiment d’osmose…

• Et c’est l’époque du Europe 2 Campus Tour…

S’il y a un cauchemar dans MASS HYSTERIA, c’est bien celui là. On arrivait chez Wagram, et on nous a branché avec Europe 2.
« Accroche radio, clip, télé, etc. »
Le label venait de nous accueillir, on n’allait pas d’emblée le frustrer. On a dit OK.
« Mais par contre, faut faire le Europe 2 Campus Tour ! »
Oh non ! Qu’ils nous passent sur leurs ondes, soit. Mais la tournée…Quels sont les autres groupes ? A l’époque, on nous avait parlé de THE SERVANTS. On pensait que cela pouvait faire une belle affiche et ramenait du monde. Finalement, on s’est retrouvé avec MELATONINE et VEGASTAR… On avait signé, c’était trop tard. Cela reste un mauvais épisode. Par contre, on s’est bien marré, mais cela nous a porté préjudice.

• Pourtant dans les salles, cela se passait plutôt bien avec un bon accueil du public, pas forcément le votre d’ailleurs ?

Carrément. Le live en lui-même était bon. Tu sais, nous sur scène, on joue n’importe où. Même dans les kermesses. –rires- Si tu es sur les planches avec les conditions que tu veux, pourquoi refuser ? Mais là, on avait grincer des dents pour y aller et on l’avait fait à reculons tout en étant pas très sûrs de nous. C’était en demie teinte. Mais, c’est vrai que chaque soir, on prenait plaisir dans les salles et lors des fêtes d’après concerts avec Vegastar…

• « Retrouver le goût du premier baiser sur la bouche ». J’ai pas mal galéré pour en arriver là. Mais il est vrai que l’émotion est intacte. L’album est parsemé de souvenirs, d’images que l’on peut presque toucher. Grandir, vieillir, c’est toujours être nostalgique ?

Oui, c’est important cette espèce de mélancolie. Sur le morceau le plus énervé de l’album, j’écris « A cet instant, je touche du doigt l’existence. Tout me parle, tout à du goût, tout a un sens ». Il y a des journées éphémères comme ça où tu te lèves avec le soleil dans la chambre. L’impression que les individus dans la rue sont cools. Une petite piqûre de rappel de bien être.
Quand de nos jours, tout est intense, là, tu prends toute la beauté des choses au pied de la lettre. Sourire aux gens, on oublie trop souvent cela. C’est bateau ce que je dis, non ?

Quand j’étais gamin, j’habitais Brest, face à la mer, et je ne comprenais pas les vacanciers hallucinés qui débarquaient à la plage. A trop avoir été face à cette beauté, j’en avais oublié l’essentiel. Ces personnes s’en mettaient plein les veines, et moi je me détachais des alizés, du soleil et des embruns…Des fois, il faut repartir au plus simple.
Une belle journée peut te ramener à des madeleines de Proust. Le bon chocolat chaud qui te rappelle à ta grand-mère…La vie n’est faîte que de ces petites explosions de joie reliées par un chapelet. Entre cela, il y a des bas, bien sûr.

Tout cela, on le ressent aussi chez MASS HYSTERIA. On est conscient de toutes les belles choses accomplies. En ce moment, on bosse sur un DVD et on a ressorti de vieux souvenirs en vidéo. On hallucinait. Putain, dix ans de richesse et d’aventure humaine ! Ces piqûres de rappel sont importantes, savoir ce que tu as vécu de bon, te le réapproprier pour vivre encore mieux.

• Parlant des souvenirs, le set du Nouveau Casino débutait par un petit film où l’on regardait dans le rétroviseur. Moi, ce que je vois dans le mien n’est pas spécialement réjouissant. Faire abstraction du pire pour se concentrer sur le meilleur, c’est un effort de tous les jours. Penses tu que « Babylone » et « Zion » soient deux citadelles accessibles à tous ?

On va être manichéen là. « Babylone », c’est ce qui représente le vice et la violence. Il y a de la drogue, de l’alcool, de la débauche…Il y a également du bon là dedans. Dans le « Zion », tu peux vite te faire chier. –rires- Il faut essayer de concilier les deux. Moi, j’aime autant la tranquillité et la solitude que le bruit et le bordel.

Paradoxalement, le bonheur peut être tyrannique. A trop le chercher, tu tourmentes ton entourage et toi-même, et cela en devient presque obsessionnel. Il faut aussi prendre la vie comme elle vient, et essayer d’anticiper les choses. Même s’il faut se donner des objectifs et des échéances.
Si tu sèmes des choses, à la longue c’est payant.

Quand MASS HYSTERIA m’est arrivé dans la gueule, j’habitais Lyon, j’avais quitté ma Bretagne profonde. Je montais alors sur Paris, une nouvelle aventure. Quand ça a commencé à fonctionner un peu, j’ai eu l’impression que c’était quelque chose que j’avais semé il y a dix ans, alors que je jouais de la guitare à treize piges dans le garage des parents. Semer ses envies, ses rêves, cela n’éclot pas du jour au lendemain. Comme tu dis, abstraction du pire pour ne voir que le meilleur. C’est déjà une bonne philosophie de vie. Cela paiera un moment, mais ce n’est pas sans heurt. Je ne te balance pas un discours angélique. Tes repères, ta philosophie de vie sont tes béquilles. Mais peut être que tu es un gourmand comme moi et que nous ne nous contentons pas simplement de ce que l’on a. Mais, avant tout, fais ta petite cuisine philosophique et existentielle.

• J’ai un rapport particulier mais mesuré à l’alcool et à d’autres trucs plus planants. D’ailleurs, Yann m’a fait envie avec sa bouteille de Jack Daniel’s au Nouveau Casino. C’est une échappatoire aux soucis du quotidien, davantage que la musique peut l’être. La scène apporte t’elle encore les même décharges d’adrénaline et peut elle toujours être un exutoire ?

Absolument. De façon indéfectible, si j’étais éternel, je ne ferai que cela. C’est une dose d’énergie quasi mystique, une espèce de transe. Mais moi sur scène, je ne suis qu’un petit bout de chair humaine. J’ai quatre gaillards derrière qui font du bruit, des fans qui gueulent le nom du groupe, les lights, le décor, il y a tout un conditionnement. Mais moi là dedans, je ne reste qu’un petit bonhomme.
La scène nous maintient en vie. C’est aussi pour elle qu’on fait de la musique. Tu ne peux pas sortir d’un concert, drapé dans ton orgueil, style « laissez moi, en ce moment, ça ne va pas trop. » Attends, s’il y a bien un endroit où tu dois être le plus exemplaire et le plus heureux, c’est là. Il faut toujours faire attention à ce que l’on désire le plus, car on pourrait bien l’obtenir un jour… Mais une fois qu’on l’a, que reste t’il après ? Pense à Kurt Cobain.

• Voila pour l’un de mes instants noirs. Ceci dit, je n’ai pas qu’une vie de merde, et je crois moi aussi en l’amour. D’ailleurs, je me marie sous peu, mais pas à l’Eglise, faut pas déconner non plus… Le mariage, je le conçois comme la complète réalisation d’une union. Le concept de l’amour à sa quintessence. La recherche de l’essence même des choses, c’est un sujet qui te botte toujours autant?

Oui, bien sûr. Moi, je suis avec ma femme depuis très longtemps. J’ai deux enfants. Mais on n’est pas encore marié. Je ne suis pas pour, mais après toutes ces années, pourquoi pas faire une fête païenne ? Les potes, la famille, à bouffer, à boire et come on ! On célèbre l’union de deux personnes qui s’aiment. Mais l’Eglise, putain, qu’est ce que c’est chiant ! J’ai des amis qui avaient choisi la formule la plus longue, une heure et demie là dedans. Et ce que dit le curé, c’est effrayant ! Surréaliste ! Mais, félicitations à vous deux, j’espère que cela se passera bien !

• Tout à l’heure, nous parlions d’alcool. J’ai un pote pour qui son rapport à la boisson est beaucoup plus problématique. C’est assez effrayant de le voir se détruire à petit feu, et l’on se retrouve impuissant. Peut être une lâcheté de ma part. Mais c’est son « Zion » à lui. Les paradis artificiels titillent le démon de tout un chacun. La chienne de vie, c’est une idée que tu bannis totalement de ton esprit ?

Non, pas du tout ! Je le dis dans P4 : « hard life ». Et sur le refrain, en concert, j’ajoute souvent ce « chienne de vie ». C’est cru et vulgaire, mais la vie peut parfois l’être. Je ne vais pas te vendre une salade pas fraîche, où tout le monde est gentil. On n’est pas non plus des imbéciles heureux.
Moi, je n’ai que des preuves de bonheur. Mais je ne sais même pas si je suis réellement heureux. Il faut se raccrocher aux bonnes choses et préserver l’amour. Quand tes enfants viennent te voir dans la chambre le matin, avec un sourire jusqu’aux oreilles, pour que tu les prennes dans les bras, la messe est dîte. Je ne vais pas me plaindre, mais des fois je mets aussi des coups de poings dans les murs. –rires-

• La pochette de l’album appelle bien malgré moi un sentiment religieux très fort. Cette femme nue en plénitude exhume de vieux souvenirs de catéchisme en moins déshabillé. Plus jeune, on voulait faire de moi un petit curé, ce qui m’a valu une des plus belles honte de ma vie devant les amis. J’ai toujours eu un rapport spécial à la religion. Y croire, mais pas trop, tout en se rassurant que quelqu’un veille. « Supprimons la religion et voyons si c'est pire » comme tu le prônes, cela lance un débat intéressant. Est-ce l’homme le seul responsable de toutes les merdes qui lui arrive ?

La nature nous a fait humain avec une conscience. Et c’est ce qui nous dépasse et nous rend con. Là, l’homme s’auto détruit, à une vitesse incroyable. En moins d’un siècle, on a bousillé notre terre. Les premiers hommes qui ont vu notre petite boule bleue de l’espace, ils pleuraient devant tant de beauté. Moi avant de mourir, mon rêve c’est de la voir de là haut, regarder l’immensité du cosmos depuis mon petit œuf spatial. Ah ouais, me fracasser contre je ne sais quel météorite ou astéroïde…

• Petit rituel pour clore l’entretien. Je le garde ce concept ou je reviens aux interviews promo plus académiques ?

Tu le gardes, c’est bien. Cela va peut être te révéler des choses sur toi et sur les artistes. Tes questions teintées d’expériences personnelles ou de doutes, c’est peut être plus intelligent que d’autres interviews. Très bonne formule, en tous cas. Cela pourrait être ta petite spécificité. Travaille cela.

Merci à Mouss pour ce petit moment hors du temps, et pour cette belle philosophie de vie.

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