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Interview de Pleymo

Interview de Pleymo

PLEYMO alphabet prison Date de l’événement : 17/03/2007

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L'interview N°E515.

Je pars d’un postulat gonflé. Les questions, on vous les a toutes posées. Les réponses ont toutes été données. Votre parcours, vous l’avez exposé à maintes reprises et vous en avez peut être assez de donner des interviews qui se ressemblent toutes. Peut être que vous aussi vous aimeriez en savoir plus sur le type qui vous interroge. C’est vrai qu’après tout, c’est tout le temps les mêmes qui se mettent à nu. J’ai donc pensé à un nouveau type d’entrevue où je pourrai mettre en relation votre univers avec le mien. Parler de moi, tout en parlant de vous. Parler de Pleymo, tout en parlant de Noesis. Un truc psy bien barré, quoi…

C’est une première, donc j’espère que ça va fonctionner et que cela plaira. 

Je m’appelle donc Benoit Didier. Didier c’est le nom. Mais je me fais surtout appeler Noesis. Un pseudo pour cacher je ne sais trop quoi. Lorsque dans la presse, on parle encore de B1 ou de Burns, on ne perd pas un peu de son identité ?

* FRED : C’est marrant, cette question. J’ai arrêté d’avoir un pseudo. Depuis peu, je ne veux plus qu’on m’appelle Burns. Je ne sais pas du tout à quoi c’est dû.

* BENOIT : On a commencé les pseudos dès le 1er album. A l’époque, on trouvait ça cool et on calmé le truc à partir de Rock. On avait envie d’être juste nous même et de ne plus se cacher derrière un personnage. L’entité, c’est PLEYMO. On ne cherche pas à créer des caractères au sein du groupe.

Je vais avoir 30 ans. Ce n’est pas quelque chose qui me chagrine, mais j’y songe souvent. Parmi vous, certains ont passé le cap, d’autres y arrivent doucement. Cela change quelque chose dans une vie d’artiste, 30 ans ?

* BENOIT : Ca me change surtout physiquement. On se remet un peu moins facilement des concerts.

 * FRED : Exact. Mais je me sens mieux sur scène. Plus dur après, mais pas pendant. Mais avec l’expérience, on gère les moments forts et ceux plus en dessous.

* BENOIT : On est moins fous qu’à nos 16 ans. On a sans doute plus d’assurance et de sagesse.

* ENSEMBLE : La maturité, quoi !

Malgré la trentaine qui arrive, j’essaie de toujours être aussi con, même si je me casse le cul à trouver des concepts d’interview. Chez vous, cela semble être l’inverse, vous paraissez de plus en plus posés, plus réfléchis. Je me trompe ?

* BENOIT : A un moment, tu as envie de t’attarder sur le sens des choses, parler de ce qui t’affecte. Marc –le chanteur-, s'est beaucoup penché sur lui, avec beaucoup de ressenti. C’est ce qui me touche le plus. Et je pense qu’il a encore beaucoup de choses à sortir. Sur des titres comme Je Regrette, on est loin de titre comme Silicon Liquid qu’on a pu faire à nos débuts, où on parlait juste de gros nichons. Mais cela correspondait avant tout à une période. Cela dit à travers cette passion de la musique, on garde une certaine fraîcheur.

J’ai beau tenté d’être toujours aussi jeune d’esprit, mon âge me rattrape toujours. Parfois, on me dit qu’en vieillissant, je suis de plus en plus chiant. Pensez-vous que vos fans de la première heure ont grandi avec vous et acceptent les nouvelles orientations musicales et les textes plus réfléchis du groupe ?

* FRED : Sur la tournée ROCK, notre public était plus jeune que celui de la tournée de L’EPISODE 2. Maintenant, on a un retour des fans des deux premiers albums. On se retrouve donc avec des gens plus en phase avec nous. C’est très appréciable.

 * BENOIT : Cela fait surtout plaisir de voir que des gens te suivent depuis dix ans. Tu      te rends compte que ce que tu fais leur parle. Mais je n’ai rien contre un public plus jeune que nous. Il est généreux, connaît les chansons par cœur. Les kids sont en communion et sont là pour passer un bon moment.

On est toujours en quête de son adolescence perdue, ce parfum nommé 16 ans sur l’album. « Depuis ces images lointaines, on a parfois vécu mille vies », comme le chante Marc. C’est un triste constat sur une époque révolue ?

* FRED : Non, loin de là. C’est juste empreint de nostalgie.

*  BENOIT : La nostalgie pour moi, c’est le plaisir de se remémorer. Rien de négatif là dedans.

* FRED : Si tu aimes te rappeler au passé, sans pour autant être triste, c’est plutôt sain. Au contraire, si tu essaies de vivre comme dix ans auparavant, là, c’est plus problématique…

 * BENOIT : Moi, ça me fait du bien ce sentiment de nostalgie. Je me souviens en avoir parlé avec Marc, et lui avoir suggéré ces petits pincements au cœur. Je trouvais que cela aurait été pas mal de faire un petit texte sur l’adolescence, effectivement. Il avait des références comme le films KIDS ou 1979 des Smashing Pumpkins…

C’est aussi un peu convenu d’idéaliser l’adolescence. J’en ai pas mal chié durant cette période. Peu de succès auprès des filles, et drôle d’expérience sexuelle avec un drôle de monsieur. Le parfum n’a-t-il jamais eu un sale arrière goût pour vous ?

* BENOIT : L’adolescence, j’en garde un très bon souvenir. C’est là où j’ai expérimenté tous les vices de la vie.

* FRED : C’est surtout là où on a commencé à faire de la musique. Premières filles, premières expériences sexuelles, premières cuites, premières drogues… C’est le début de tout. C’est un âge où tu es ouvert à tout, très naïf. Tu as besoin de prendre le plus d’informations possible et le plus rapidement. Rien ne t’arrête. Après, je te l’accorde, y’a plein de trucs pas terribles…

* BENOIT : Ce n’est en tous cas pas passéiste comme attitude. On ne regrette pas cette époque, c’est juste un petit clin d’œil.

Je viens d’un milieu ouvrier où l’artistique n’est pas une question prioritaire. Vous pensez qu’on n’échappe jamais à ses origines ? Et que quoi qu’on fasse, tout nous y ramène ?

* FRED : Je suis le contre exemple. Dans ma famille, l’artistique n’existe pas. Au début, donc incompréhension totale des parents. « A quoi ça sert ? » Puis au final, mon parcours a détendu toute la famille, cela a un peu ouvert les esprits. Maintenant, un de mes frères fait de la musique, l’autre est fan de sport extrême. Là, on parle davantage de compréhension et d’acceptation des gens tels qu’ils sont.

* BENOIT : Pas d’artistes dans la famille. Je n’ai pas fait le choix de faire de la musique, je savais juste que j’en ferai. C’est devenu indispensable, et maintenant cela fait partie de ma vie. Cela n’a donc jamais effrayé personne. Mes parents ont vu l’évolution progressive. « Je l’ai vu chez Drucker, ça commence à être bien ! »…

* FRED : Toi, à la base, ils avaient accepté que tu joues d’un instrument. Moi quand j’ai décidé d’acheter une batterie, c’était la guerre.

* BENOIT : Oui, mais moi, je faisais moins de bruit…

Car, oui, ma vie rêvée à moi, c’est l’écriture. Pas forcément de roman, juste jouer avec les mots. J’ai l’impression qu’autour de moi, on n’y croit pas trop. Votre réussite, vous en aviez douté ?

* FRED : Je fais ce que j’aime, le reste je m’en fous.

* BENOIT : Je me souviens très bien du jour où on a décidé de créer PLEYMO, de tout ce qu’on s’est dit. On allait essayer de le monter sérieusement, mais sans se prendre au sérieux. Je crois que c’est la seule fois où l’on s’est fixé un but. On n’a jamais visé plus haut que notre cul. Les échéances, l’une devant l’autre. Quatre titres, un deal dans un label, puis une maison de disques…

* FRED : Ca a été vite, d’accord. Mais réellement étape après étape.

 Quand j’étais plus jeune. Un prof avait dit à mes parents : « on ne fera rien de votre enfant ». Cela me reste encore en travers de la gorge. La reconnaissance de ses pairs, c’est encore quelque chose d’important pour vous, ou vous avancez quoi qu’on en dise?

* BENOIT : Ma mère, la première fois qu’elle m’a vu, j’étais assez fier. Même si elle n’aimait pas la musique que je jouais, elle était folle de me voir sur scène, elle se jetait partout. J’hallucinais.

* FRED : Y’a un côté, « ça, c’est ce que tu ne vois pas de moi. Ce truc là de moi, tu ne le connais pas. Jusqu’à présent, tu n’y as pas cru, et maintenant tu es devant le fait accompli. »

* BENOIT : Mon père, par contre, ne m’a jamais vu…

* FRED : C’est vrai ? Mec, faut qu’il vienne !

* BENOIT : Il ne sait pas ce que je suis  sur scène.

 * FRED : Mon père n’était jamais venu jusqu’au dernier Zenith, et là, il a pleuré.  Surplus d’émotions. Il n’écoute pas de musique, il a vu deux concerts dans sa vie. Il a craqué. C’est mon frère qui me l’a raconté.

Vous ne parlez jamais de tout cela entre vous ?

* BENOIT : Oh, tu sais, j’ai déjà du lui en parler, mais il a oublié…

* FRED : En général, j’oublie peu de choses…

* BENOIT : Ceci dit, je ne pense pas que c’est de la mauvaise volonté. Il n’est juste pas en phase avec ça. Il habite à 12000 Km d’ici. C’est un peu compliqué. Mais dès qu’on fait la couverture d’un magazine, il va l’acheter. Je pense qu’il aura un choc quand il me verra sur scène…

« on ne fera rien de votre enfant ». C’est vrai que j’avais du mal à lire et à écrire correctement. Sans doute un souci avec l’alphabet. Transition facile, je la fais quand même... Pour vous, c’est quoi l’alphabet prison ? –titre de l’album-

* FRED : C’est la bêtise par manque de culture.

* BENOIT : C’est aussi l’impossibilité de se comprendre par un manque d’ouverture. Quand tu es enfermé dans ce que l’on t’a inculqué, tu n’as pas le même langage, pas le même alphabet

 Mes soucis à l’école ont continués durant de longues années. Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir des amis aussi bêtes que moi. On avait même formé un collectif. Les Bécanes de Feu qu’ont s’appelait. La team nowhere –leur collectif- a des chances de se voir réunie sur certaines dates de la tournée actuelle ?

* FRED : On ne l’a fait qu’une fois, l’été dernier au Furya Festival.

* BENOIT : Un concert un peu spécial. Personne n’avait jamais vu tous les groupes réunis. On a préféré mélanger les line-up plutôt que de faire chacun son show. Une vingtaine de musiciens sur scène, une bonne expérience.

Parlant de la tournée, elle est lancée depuis Février. Déjà de bons retours du public sur la route ?

* BENOIT : Cela se passe plutôt bien même si on commence à être rincé physiquement. On joue presque tous les jours.

* FRED : Moi, étrangement la fatigue se tasse.

* BENOIT : Oui, j’encaisse aussi. La douleur après, elle fait presque du bien.

* FRED : C’est notre parti pris de jouer tous les jours…

Dans ma branche journalistique, on trouve toujours à redire sur le style de tel ou tel journaliste. Chez vous, c’est sur le chant. On se prend la tête sur le pourquoi du Kemar qui hurle moins qu’auparavant dans le micro. Ce n’est pas usant de toujours avoir à rendre compte d’une nouvelle approche de son art ?

* BENOIT : Pas usant, je trouve juste cela dommage. Je ne comprends pas, moi j’adore cette évolution du groupe. Rock était tout de même plus hurlé. On en avait besoin. Mais du coup on n’avait aucune chanson exploitable en radio. Cela dit, c’est le propre d’un artiste ou d’un journaliste –clin d’œil- que d’évoluer.

En écrivant cette interview, j’espérais qu’elle puisse avoir un joli potentiel. Est-ce que à l’écriture d’un titre de chanson, c’est la même chose ? Quand on entend le single ADRENALINE, on se dit que c’est du tout bon, non ?

* FRED : Ca se sent, c’est vrai. Mais avant d’arriver aux treize titres de l’album, on a déjà composé soixante dix chansons. Un premier tri se fait déjà. Mais généralement, tu as beau le sentir, en radio, ça ne suit pas…

* BENOIT : Une chanson peut créer une symbiose entre nous, et nous paraître évidente. Mais ce n’est pas du tout une science exacte. Adrenaline nous paraissait un bon choix de single, et on s’est retrouvé face à des réflexions du genre « ouh la la, ça crie beaucoup! »…

 C’est un peu une interview concept à la Ardisson. Le concept album, c’est aussi une marque de fabrique Pleymo maintenant. L’idée de départ, celle qui engendre le reste de la composition, elle est difficile à trouver ?

* FRED : Pour ALPHABET PRISON, ça a été assez logique. Marc a écrit tous ses textes, et tout s’est mis en place pour lui.

* BENOIT : Ce n’était pas aussi évident. C’est un peu parti dans tous les sens. On avait des idées de visuel, des références qu’on voulait avoir parce qu’on s’identifiait à un certain type d’esthétique comme le cinéma indépendant américain. L’histoire se consolide après, autour de petites esquisses. Marc sait tirer l’essence de toutes ces bonnes idées.

Justement, en parlant de Marc et de son écriture. Son roman devait sortir aujourd’hui…

* BENOIT : Oui, il est sorti. Je suis assez surpris et content. Je sais bien que ce n’est pas de la grande littérature, mais c’est une histoire honnête, simple, sans prétention. Marc est vraiment fier de l’avoir fait.

* FRED : on l’est tous, je crois.

Samedi dernier, j’ai regardé Les Victoires de Nagui. Vous, vous étiez à Pau. Je vous rappelle que Superbus a remporté l’album rock de l’année, ce n’est pas un peu une insulte au rock ?

* BENOIT : Je vais te dire le fond de ma pensée, ne t’attends pas à quelque chose de follement original, mais je suis très déçu du choix des groupes qui y sont exposés. Cela ne donne pas nécessairement une bonne image de ce qui se passe au niveau artistique en France. C’est uniquement des artistes bastonnés en radio. On ne donne pas assez leur chance à d’autres. En se baladant sur Myspace, on se rend compte du talent d’une multitude de groupes.

* FRED : En France, surtout en rock, tu es jeune talent quand tu as déjà dix ans de carrière…

* BENOIT : Benabar a encore tout raflé cette année. Alors non seulement, on ne va pas chercher les nouveaux, mais en plus on encense plusieurs fois les mêmes… Mais là, je crache un peu dans la soupe, car on a déjà été nommé aux Victoires de la Musique avec Mickey 3D. Le hard rock français, comme tu vois…

* FRED : Je n’ai rien contre SUPERBUS, mais ce n’est pas vraiment rock. Les catégories devraient être plus affinées. Il y aurait davantage de surprises, davantage de petits groupes.

* BENOIT : L’autre jour, je regardais les NJR MUSIC AWARDS…

* FRED : C’est le fond de la poubelle là…

* BENOIT : J’ai eu honte pour tous les étrangers présents dans la salle qui se disaient : « ah, c’est ça la France ? » Chez les Américains, même sur les trucs SurPop, du genre Fergie ou Christina Aguilera, il y a tout de même une recherche dans leur musique. C’est original, quoi. Chez nous, cela sent davantage la naphtaline. Olivia Ruiz, à contrario, apporte de la nouveauté, de la fraîcheur. Mais il y a trop de choses qui n’apportent rien. Benabar, pour moi, cela a déjà été fait il y a vingt cinq ans.

Davy –guitariste- entre dans la salle. : *  Benabar ?

* FRED : Oui, on vient de se faire plein de copains en cinq minutes, là…

Quand on vous invite sur un plateau, c’est pour jouer en playback. Moi, quand on m’invite à un concert, c’est pour dire du bien de l’artiste.  On n’a pas parfois envie d’envoyer balader toutes ces contraintes et conventions ?

* FRED : On aimerait, mais c’est difficilement faisable.

* BENOIT : On a un peu hésité, on voulait jouer Live. Cela a été refusé. Puis, on a voulu se faire plaisir. C’est quand même ce putain de Michel Drucker. Et la daronne, c’est sûr qu’elle allait me voir et être bien fière de son fils.

* FRED : Faut le prendre comme c’est. Décalé. Drucker à deux mètres de moi ! C’est rock’n roll d’aller chez lui.

* BENOIT : Même le HIT MACHINE, ce n’est pas un souci.

FRED : Si tu fais du metal, surtout ne jamais passer à la télé ? Mais au contraire ! Y aller, c’est déjà contestataire. Enfin, je parle surtout du décalage culturel, de cette drôle de rencontre.

Dans la vie, on envie et on blâme toujours le succès des autres. A l’écoute de certains journalistes, on jurerait que vous auriez du rester un petit groupe underground. La critique facile, ce n’est pas un truc pour ne jamais se remettre en question ?

* FRED : Les critiques ne me font pas spécialement avancer. Il y en a de très constructives qui peuvent servir, mais la plupart du temps cela me passe bien au dessus.

* BENOIT : Quand un journaliste me dit que j’ai tué le Rock en France alors qu’il me parle de mes chaussettes à rayures…

 Pour finir, je vais tenter de me remettre en question. Ce type d’interview, je le garde, ou je l’enterre ?

ENSEMBLE : Non, tu le  gardes. Elle est très bien cette interview. Carrément. Ca nous change des autres, il y a un bel effort d’écriture. Continue ! Et ce n’est que ta deuxième !

 Interview réalisée à l’AB de Bruxelles, le 15 Mars 2007.

Merci à Benoit et Fred pour leur générosité.

  1. Tchock

    C'est EXCELLENT, j'aime pas pleymo, mais l'interview est géniale, félicitations!

  2. Nico

    très sympas le concept de l'interview ! bon boulot.

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