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Interview de Sinclair

Interview de Sinclair

Sinclair Date de l’événement : 02/03/2007

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A un mois de son passage à Lille, Sinclair nous appelle pour parler de son album, du Morphologique Tour 2007… Je reçois l’appel dans les locaux de RCV. Pendant que les chansons des Enfants 2 la Basse résonnent dans le studio en face, Sinclair répond à mes questions.

Aurélie : Ton album Morphologique est plus pop rock…
Sinclair :
On peut dire ça comme ça.
A. : J’ai lu que tu t’interdisais ce genre de musique avant. Qu’est-ce qui a provoqué ce tournant dans ta carrière ?

S. : Pour rectifier, c’est pas tant que je m’interdisais, c’est un peu fort, disons que je m’enfermais dans une image projeté de moi-même en me disant que l’image que je projetais était celle que je devais maintenir. Il y a plein de choses que j’osais pas faire en disant non peut-être que ça va pas. En fait, ce qui s’est passé c’est qu’il y a un moment quand on ouvre ce genre de porte : les portes qui sont bien fermées chez nous dans notre petite tête, il y a plein de trucs qui suivent. Le premier déblocage ça été aussi l’envie, peut être pas l’envie mais j’ai tout fait pour me retrouver seul, quitter ma maison de disque et monter mon label. Forcément quand on commence à s’apercevoir qu’en suivant ses propres envies, tout suit derrière, on est mieux. Ma vie a suivi, forcément ma vie suivant, la musique a suivi.

A. : Comment tu te sentais à la sortie de l’album en relevant en quelque sorte ce défi ?

S. : Le truc c’est que… je ne sais pas comment dire… disons aujourd’hui que les réactions étaient assez partagées mais à l’arrivée, les gens en écoutant plusieurs fois le disque ont compris pourquoi je prenais cette direction, pourquoi j’ai fait ça, pourquoi j’étais comme ça aujourd’hui, pourquoi finalement je me lançais dans cette soi-disant nouvelle couleur qui pour moi n’est pas vraiment nouvelle. C’est juste un peu plus large qu’avant, à ce niveau là les gens ont compris en écoutant plusieurs fois. Donc, en fait, à la sortie de l’album, je me rendais bien compte qu’il fallait écouter le disque plusieurs fois. Ça, c’était mon bilan. Je ne peux pas rendre responsable la musique des ventes de disque. La musique, elle est ce qu’elle est, les ventes de disque suivent ou pas. A la sortie de l’album, je regardais plus ce qui se passait sur Internet, les réactions, plus que regarder comment çà se passait dans les magasins. Le vrai bilan, c’est qu’il faut écouter ce disque plusieurs fois avant de comprendre.

A. : Le Morphologique Tour 2007 a débuté depuis un mois maintenant. Est-ce que tu es rassuré par l’accueil du public par rapport à ce changement de direction musicale ?

S. : Vu la manière dont les gens réagissent, ça se passe plutôt bien. En fait, c’est marrant : j’ai 2-3 fans, enfin 2-3… il y en a plutôt une dizaine que je vois très souvent, qui me suivent régulièrement en concert. On s’est retrouvé un soir dans une ville où un mec a dit « Bon, ben moi, je n’aime plus Sinclair, son virage… » et un mec là me dit « C’est dément ! ». Donc, chacun interprète son truc. Sur scène, les morceaux prennent une vraie dimension et je me sens super bien en ce moment. Il y a ça aussi. Il ne faut pas tout mettre sur la musique : l’interprète est assez primordial dans ce genre de truc. Donc aujourd’hui, j’interprète les chansons vraiment comme elles doivent être. J’ai l’impression d’être en pleine possession de mes moyens. C’est vrai que les concerts marchent sur scène comme ils doivent marcher. Là, pour la première partie de la tournée, c’était des petites salles, des clubs quoi. Là, on passe à des salles un peu plus grosses : je pense que çà va barder !

A. : J’ai lu que tu voulais filmer pendant la tournée pour montrer l’envers du décor. Est-ce que le projet avance ?

S. : Le projet avance. Il faut aussi se rendre compte que si je fais ça, c’est moi qui le fais et il y a des jours où l’homme n’est pas du tout… n’est pas là dedans. Il y a pas mal de trucs. Il faut que je monte un peu. C’est assez marrant, c’est vraiment assez marrant. On va filmer les concerts notamment un. On va faire un truc vraiment intéressant. C’est une tournée qu’il faut garder. Il faut garder une trace de ce qu’il se passe : c’est vraiment bien, je suis très content.

A. : Pour cet album là, tu as utilisé beaucoup plus Internet. On peut voir des clips et des vidéos de Morphologique en ligne. Que penses-tu du phénomène Myspace qui en ce moment sert de véritable tremplin à plein d’artistes ?

S. : Disons que Myspace est le reflet de ce qui est vraiment en train de se passer c’est-à-dire que pour la musique, on est face à un phénomène : il y a une grosse mutation. Les maisons de disque aujourd’hui ne sont plus capables de répondre à la demande, à ce qu’il se passe dans le monde. Je prends juste la France : ils ne sont pas capables de se rendre compte de ce qu’il se passe parce que les bureaux ne reçoivent plus les gens. Ils n’écoutent plus ce qui se fait chez les gens parce que personne ne se déplace. Il y a de plus en plus de musique, de gens qui veulent faire de la musique donc on se retrouve avec une espèce d’entonnoir. C’est la maison de disque qui décide de recevoir et de dire : « Toi, on va miser sur toi ! » et « Aujourd’hui, on mise sur qui ? » Les directeurs artistiques aujourd’hui vont miser sur des gens qui n’existent pas et qui ont une espèce de vie subjective. Myspace, c’est ça. Les gens arrivent à pouvoir exister à travers un média et s’inventer leur vie quelque part et comme ça prend de l’ampleur, ça existe. Moi, je pars du principe que ce qui existe, qui marche sur Myspace aurait existé et marchait ailleurs. Ce n’est pas Myspace qui invente. C’est comme le mec qui a fait son morceau de Hip-Hop… le black dans la campagne…

A. : Kamini !
S. : Oui, sa chanson est vraiment bien. Ce mec est passé par là mais il aurait envoyé sa maquette autrement. Il devait marcher lui, quoi qu’il arrive. Donc, ce qui doit marcher marche, c’est ça mon point de vue. Myspace c’est super. C’est un peu une arnaque en deuxième lecture mais c’est un gros miroir qui reflète ce qu’on a envie de trouver mais à un moment 1500 milliards de contacts…C’est bien les gens se font des amis. Le phénomène me dépasse un peu. Je n’ai pas le temps de me mettre sur Myspace et de passer trois heures à savoir ce que pensent mes amis. C’est juste ça quoi. Par contre, c’est très important : le côté communautaire marche beaucoup plus sur Internet aujourd’hui que sur les sites isolés d’artistes. On a envie de trouver sur Internet ce qu’on trouve pas au café en bas… des amis.

A. : Pourquoi tu as fait le choix d’ajouter trois chansons à l’album en vente sur Internet ?

S. : Sur iTunes ?

A. : Oui, il y a trois chansons en plus par rapport à celui qu’on peut trouver en magasin.

S. : Ce n’est pas un choix. C’est des opérations marketing.

A. : Et tu n’as même pas choisi les trois chansons ?

S. : Si, j’ai choisi les chansons. Ce n’est pas vraiment un choix. C’est ce qu’on appelle « a marketing promotion ». Tu as un bonus donc les gens ont plus envie de l’acheter sur ce site que sur un autre. C’est juste çà. Je me rappelle qui a un morceau qui devait être sur l’album mais qui n’a pas été sur l’album. Ne me demande pas pourquoi il est sur le site et sur l’album !

A. : Non, je voulais juste te demander : Il y a CO2 Street qui était dans Au Mépris du danger en 1995. Je voulais savoir pourquoi avoir choisi celle-là. Est-ce que c’était pour montrer que plus de 10 ans après les problèmes de l’environnement sont toujours les mêmes ?

S. : Ça c’est sûr. Cette chanson, je l’ai introduite à l’intérieur des chansons qu’on a fait l’année dernière en acoustique. Je fais partie de ces gens qui craignent pour leur planète. J’ai une démarche un minimum écologique. Je m’intéresse à la planète. Je veux protéger mon environnement. Ce n’est pas terrible. J’ai une amie très proche qui est beaucoup plus investie que moi mais je fais des efforts. Il faut se battre pour çà. La chanson sur le site, c’est pas que pour çà, c’est aussi parce qu’elle faisait partie d’un live qu’on a enregistré qui est une bonne version et que j’aime beaucoup cette chanson.

A. : Aujourd’hui, on a mis en ligne un dossier sur la cigarette et les répercutions de la loi. Il y a une chanson qui a attiré mon attention dans ton album, c’est « Je roule une cigarette ». Je voulais savoir l’histoire de la chanson. Pourquoi tu l’as écrite ? Est6Ce que c’est pour montrer combien il est difficile d’arrêter ?

S. : C’est mon pote Fabrice qui a écrit cette chanson par rapport à plein de discussions qu’on avait. C’est la liberté de pouvoir choisir de se détruire. On a le droit. Moi, c’est mon point de vue. Se détruire, c’est fumer une cigarette d’après ce qu’on lit. La liberté, c’est pouvoir s’aliéner à cette cigarette qu’on a toujours présentée comme un instant privilégié. On nous a toujours un peu forcé à fumer des clopes. Pourquoi retirer le droit de fumer une clope. C’est vrai qu’on commence par nous dire que ce n’est pas bien de fumer dans les endroits publics, on fait des endroits fumeurs, des endroits non fumeurs. Dans le fond, on s’attaque à la cigarette mais ce n’est pas à la cigarette qu’on doit s’attaquer, c’est au bon sens donc à l’éducation, à la notion de respect. Si on avait un peu plus de notion de respect, de bon sens, on ne fumerait pas sous le nez du mec qui est en train de boire son café le matin. C’est juste çà. Si on n’interdit pas çà au gens, çà coûte très cher à la sécurité sociale. Le problème, c’est que moi je suis fumeur, non je ne suis pas vraiment fumeur, je me mets dans la peau d’un fumeur : « On m’interdit de fumer, je sais que c’est mon moyen de dire que je prends ma pause donc on m’interdit de fumer, çà me frustre ; je vois un mec non fumeur à côté de moi, dans le fond je vais me dire c’est de sa faute ! »

Je suis un peu emballé aujourd’hui ! La manière de nous présenter les choses, de nous l’expliquer n’est pas bien. Ça ne donne pas envie de s’arrêter, çà donne envie de fumer des clopes. Derrière çà, je comprends tout à fait qu’il y ait des endroits où on n’a pas envie de sentir la clope. Comme moi, avec ma petite fille, on va dans un resto. Quand il y a des mecs qui fument partout çà m’énerve mais çà c’est le bon sens. Ce n’est pas la cigarette, c’est juste les gens qui ne voient pas. Ils sont égoïstes. C’est chiant de créer des lois comme çà pour calmer les gens. Je suis très énervé aujourd’hui !

A. : Dans ton album, on retrouve un thème assez récurrent, c’est le temps qui revient dans « À chaque seconde » et surtout dans « deux minutes ». Est-ce que tu trouves justement que dans notre société on se focalise trop sur le temps, tout va très vite voire trop vite ?

S. : Je suis le premier à faire çà. Je suis très lié au temps. Je n’ai pas une grande notion du temps. Je me pose plein de questions. Si j’étais vraiment cadré dans ma tête au niveau de l’horloge, je pense que je me poserai moins de questions. S’apercevoir qu’on a un temps donné, un compte à rebours, çà aide, çà nous pousse à nous poser ce genre de questions si tout va trop vite ou pas assez. Je suis assez obsédé par l’idée de laisser quelque chose et çà joue avec le temps, çà se rapproche…

A. : Tu as participé à de nombreux projets artistiques. Est-ce qu’il y en a que tu aimerais développer, d’autres choses que tu aimerais mettre en place et que tu aimerais faire ?

S. : J’aimerais faire des choses où ce n’est pas moi qui suis devant, çà c’est sûr. J’ai envie de faire une espèce de petit groupe à la Gorillaz. Ça me plairait de faire des choses comme çà. J’ai envie de bosser dans le cinéma encore. Là, j’adore les tournées, je trouve que c’est vraiment super mais je n’ai pas envie de passer ma vie à faire des disques, des tournées, des disques, des tournées… J’ai envie de faire plein d’autres choses, de travailler avec d’autres gens, de faire de la musique pour d’autres gens et de faire des rencontres. Je suis à un âge où il va falloir, ce n’est pas qu’il va falloir, c’est que j’ai envie de faire des choses pour d’autres gens et ne pas me mettre en avant, ne pas penser qu’à ma gueule. C’est juste çà aussi qui à un moment est super étouffant. Se vomir soi-même, c’est très douloureux. Une indigestion de soi, çà fait mal. Hé oui, ce mec est un poète !

A. : Merci de m’avoir accordé un peu de temps et nous, on te retrouvera à Lille le 3 avril donc on viendra te voir !

S. : Oui, venez me voir ! Faites moi des signes, des pancartes, jetez moi des culottes sur scènes !

A. : On fera une pancarte Lillelanuit !

S. : Ça marche ! A bientôt !

A. : Bonne continuation pour la tournée ! A bientôt !

Consulter la fiche concert du 3 avril à l'Aéronef de Lille

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