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Jérôme Salle, réalisateur de l’Odyssée

Jérôme Salle, réalisateur de l’Odyssée

Jérôme Salle, réalisateur L'Odyssée Style : Drame, Aventure Date de l’événement : 12/10/2016

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Lille La Nuit a interviewé le réalisateur de L’Odyssée : l’un des événements cinématographiques de cette fin d'année. Réalisé par Jérôme Salle - Anthony Zimmer, Largo Winch 1 et 2, Zulu - L’Odyssée retrace la vie et les combats du Commandant Jacques-Yves Cousteau à bord de sa Calypso. Loin d’être un biopic au sens classique du terme, le film retrace le parcours de cet homme sans hagiographie et en délivrant un message écologique responsable. Remarquablement écrit et réalisé, L’Odyssée offre également des images d’une beauté sidérante.

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Notre dernière rencontre a eu lieu à l’occasion de la sortie de Zulu il y a presque trois ans. A ce moment là, tu cherchais ton casting et notamment ton Jacques Yves Cousteau, c’était déjà une vraie “Odyssée”, n’est-ce pas ?

Depuis le début, ce film a été une “Odyssée”, une bataille en fait ! C’était un film que je tenais vraiment à faire. Plus les difficultés arrivaient et plus je sentais que j’étais quand même motivé et que je ne lâchais pas. Je n’arrive pas à expliquer pourquoi je tenais tant à le faire parce qu’il y a beaucoup de choses personnelles dedans. C’était l’occasion de faire un film à la fois personnel et très grand public. C’est rare finalement de trouver des sujets où tu arrives à raconter des choses qui te sont très personnelles et où tu as la sensation que ça va toucher le plus grand nombre. J’avais l’impression que ce film m’offrait ça.

Ce qui est intéressant dans ton cinéma, c’est que tu navigues d’un genre à un autre, d’un cinéma de genre à un autre. Aujourd’hui, tu fais un film d’aventures car ce n’est pas totalement un biopic et tu retraces la vie personnelle de Jacques Yves Cousteau. Qu’est-ce qui te motive à passer de l’un à l’autre ?

Ce que j’aime dans ce métier, c’est raconter des histoires. Quand on fait des tournées, qu’on rentre à l’arrière de la salle et qu’on voit les gens baignés dans la pénombre, rire ou pleurer devant l’écran, c’est magique ! J’aime toute sorte de cinéma mais ce qui m’intéresse en tant que réalisateur, c’est le cinéma populaire haut de gamme. J’aime aussi essayer de trouver des genres nouveaux, de ne pas me répéter. Je n’aurais pas dû par exemple faire le deuxième épisode de Largo Winch, je me répétais. Il faut qu’à chaque fois je me dise que je ne suis peut-être pas capable de le faire. Ce nouveau film l'Odyssée réunissait tous les problèmes possibles et inimaginables : sur l’eau, sous l’eau, des enfants, des maquillages… Le fait de ne pas être sûr d’être capable de le faire m’excite !

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Et pourquoi Cousteau ?

J’ai voulu tout simplement raconter cette histoire à mes enfants. Je me suis aperçu qu’ils ne savaient pas qui il était et n’avaient jamais entendu son nom. Je leur ai donc raconté et je me suis aussi aperçu que je ne savais pas grand chose. Je connaissais surtout l’iconographie : le bateau blanc, le bonnet rouge, les documentaires… Ce qu’il avait bien voulu nous montrer donc pas grand chose sur le bonhomme en fait. J’ai commencé à gratter et c’était compliqué, je n’arrivais à pas trouver avec évidence. Quand j’ai fait le film, je me suis dit qu’il fallait que je puisse le montrer à mes enfants. Ils n’ont pas eu le droit de voir les autres car ils sont trop violents pour leur âge. Je pars tourner pendant des mois, ils ne me voient pas, c’était donc important de leur promettre qu’ils pourraient voir ce film. J’ai trouvé ça passionnant de raconter la complexité de l’homme mais encore plus son parcours. Au départ, il s’est comporté comme un conquérant, beaucoup de gens le lui ont d’ailleurs reproché. C’est une parabole du 20ème siècle sur l’évolution du rapport de l’homme avec la nature. A la fin de sa vie, toutes les grandes thématiques qu’il a brassées sont celles qui nous occupent aujourd’hui au 21ème siècle.

Au départ, [Cousteau] s’est comporté comme un conquérant, beaucoup de gens le lui ont d’ailleurs reproché. C’est une parabole du 20ème siècle sur l’évolution du rapport de l’homme avec la nature.

Jérôme Salle

Ce qui est très plaisant, c’est qu’on découvre à quel point le personnage à des parts d’ombre. On savait qu’il en avait, mais on se demandait si ça n’allait pas être un peu raboté. On découvre en fait un personnage extrêmement mégalomane, qui pollue la mer, qui n’a pas conscience de l’écologie, qui ne fait pas spécialement du bien à sa famille…  

En fait, Cousteau était un homme qui aimait ce qui fonctionnait, servait… C’est pour ça que j’ai voulu garder cette scène qui est vraie dans laquelle il dit : “Mon père est mort, et alors ?”. Il est triste mais il ne voit pas l’intérêt d’être à l’enterrement avec les gens qui aimaient cet homme.  Il y a une froideur et une dureté. Il trouve qu’il y a des choses plus utiles à faire. Je trouve aussi le rapport de l’homme avec son fils et sa femme intéressant. Malgré ses infidélités, son histoire d’amour avec Simone reste grande. A un moment donné, leur parcours et leurs envies différent. Elle veut vivre sur son bateau tout le temps, lui veut continuer à parcourir le monde donc forcément ils s’éloignent mais ils restent un couple à leur manière.

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Evidemment, tu as dû faire des choix drastiques car le film dure deux heures pendant lesquelles on doit raconter plusieurs décennies. C’est d’abord surprenant de découvrir certains raccourcis comme celui du Monde du silence qui est une date importante pour Cousteau qui a eu la Palme d’Or. Et on comprend ensuite qu’en fait on découvre tes choix personnels avec un angle intime mais aussi un côté aventure. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment tu décides de faire un choix plutôt qu’un autre et qu’est-ce que ces choix en matière d’écriture t’ont dicté au niveau de la mise en scène ?

Les choix sont en fait assez simples pour éviter l’écueil du biopic qui est la fiche Wikipédia. Il est né là, il a fait ça, il a eu une période difficile puis il a fait ça… J’ai donc choisi comme angle le parcours de cet homme : comment d’un conquérant, je finis par avoir le premier écologiste ? Cette prise de conscience s’effectue à travers ce rapport familial et notamment le rapport avec son fils. A un moment donné, comme le fils mis en pension disparaît un petit peu, je ne raconte pas le Monde du silence. Je le raconte donc à travers une lettre que reçoit Philippe, le fils.

C’est tout un symbole : tous les poissons du début en Méditerranée [ont été recréés]. 70% des poissons que tu vois dans la grotte, lors de la première plongée avec ses fils, n’existent plus !

Jérôme Salle

Il y a une scène incroyable dans le film où Philippe et des hommes sont entourés de requins. Comment on tourne une scène comme ça ? Elle est réellement tournée ou il y a du numérique ?

C’est une scène qui a été très difficile à tourner. Au départ, je voulais m’en occuper moi-même mais le plan de travail m’en empêchait. Une partie du film sous l’eau était faite par une équipe sous-marine donc à mon grand regret, je lui ai délégué cette scène. Elle devait la tourner en Afrique du Sud mais n’a jamais réussi à cause de problèmes de visibilité. Au bout de sept jours, elle est rentrée. A la fin du tournage, nous n’avions toujours pas cette scène importante du film. Les producteurs ont alors mis la main à la poche pour qu’on puisse repartir tourner pendant trois semaines au Bahamas. J’ai donc pu faire cette vraie scène dans deux spots différents : avec dans l’un des Reef shark, des requins de 2,5 mètres et dans l’autre des requins-citrons beaucoup plus balaises et des gros requins-tigres. Sur cette scène, on a dû consacrer deux bonnes semaines de tournage ponctuées de quatre plongées par jour. Je suis d’autant plus fier que j’avais peur des requins, je n’étais pas sûr de plonger. Tu fais des trucs incroyables pour des films ! C’est un des plus beaux souvenirs de ma vie d’avoir vaincu cette peur et d'avoir vécu cette scène émouvante. Les maisons sous la mer ont été ajoutées grâce aux effets spéciaux car elles n'existent plus, et c’est tout un symbole : tous les poissons du début en Méditerranée aussi. 70% des poissons que tu vois dans la grotte, lors de la première plongée avec ses fils, n’existent plus ! On a essayé d’aller dans des réserves, c’était décevant ! On a dû tout recréer parce que cette mer est devenue un désert ! Pareil pour la mer Rouge, on aurait dû tourner la séquence des requins là-bas comme à l’époque de la Calypso mais ce n’était pas possible : les requins sont devenus minuscules là-bas parce qu’ils sont tués avant qu’ils atteignent la taille adulte. Je le raconte à chaque fois mais ce sont les plus longs débats que j’ai fait pour un film : les gens ne nous parlent pas de cinéma en fait, ils parlent de l’environnement, de la nature… A la fin du film, les gens ont besoin d’en parler. Ce n’était pas le but, mais je suis très heureux de ça !

Synopsis : 1948. Jacques-Yves Cousteau, sa femme et ses deux fils, vivent au paradis, dans une jolie maison surplombant la mer Méditerranée. Mais Cousteau ne rêve que d’aventure. Grâce à son invention, un scaphandre autonome qui permet de respirer sous l’eau, il a découvert un nouveau monde. Désormais, ce monde, il veut l’explorer. Et pour ça, il est prêt à tout sacrifier.

L'Odyssée de Jérôme Salle
Avec Lambert Wilson, Pierre Niney, Audrey Tautou
Sortie le 12 octobre 2016

Film-annonce, affiche © Wild Bunch Distribution
Photos © Coco Van Oppens et Wild Bunch Distribution

  1. Laquet

    Comment est ce possible qu'un requin ne mange qu'un bout de palme et pas la jambe?

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