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« Joli Joli » : la comédie musicale signée Diastème et Alex Beaupain

« Joli Joli » : la comédie musicale signée Diastème et Alex Beaupain

Diastème, Alex Beaupain, William Lebghil, Grégoire Ludig Joli Joli Style : Comédie musicale Date de l’événement : 25/12/2024

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Cette semaine, l'entretien cinéma de LillelaNuit est consacré à Joli Joli (sortie le 25 décembre), première comédie musicale du réalisateur Diastème. Connu pour ses récits incisifs (Un Français, Le Monde d’hier), il change de registre pour nous offrir une opérette cinématographique ancrée dans l’effervescence de 1977, avec notamment Clara Luciani, José Garcia, William Lebghil, Laura Felpin, Vincent Dedienne, Victor Belmondo ! Rencontre avec Diastème, Alex Beaupain, William Lebghil et Grégoire Ludig.

Avec Joli Joli vous réalisez une comédie musicale. On peut être étonné : vous êtes plutôt connu pour des films rentre-dedans : Un Français, Le monde d'hier... Dans Joli Joli, vous nous plongez en 1977, et vous pointez du doigt un moment d'effervescence des salles de cinéma sur les Champs-Élysées. Aujourd'hui, il n'y en a plus. Vous pointez l'idée d'une certaine mort de la culture ? Finalement, vous jonglez entre la gaieté et la tristesse avec film...

Diastème : Il y avait 47 cinémas sur les Champs-Élysées en 1977, il y en a un désormais. C'est vrai que j'ai fait des films assez durs voire assez sombres, mais je me suis fait connaître d'abord parce que j'étais auteur et que j'écrivais des choses drôles. Alex Beaupain est connu, de son côté pour des chansons qui abordent des sujets difficiles.  Mais quand les gens viennent le voir en spectacle, ils sont très surpris, car c'est l'un des hommes les plus drôles du monde. Donc, on peut être multiple et on aime bien l'être. Mais  sous couvert de raconter une histoire vraiment légère et très joyeuse, il y a aussi des petits dossiers, des petites choses dont on voulait parler, on en parle d'une manière un peu légère. On n'est pas là pour dénoncer.

Vous évoquez Hollywood (on voit une sorte de reconstitution de Casablanca) et Cinecittà,. Cela parle aux cinéphiles qui connaissent l'Histoire du cinéma. Et, en même temps, vous faites découvrir une époque qui n'existe plus aux spectateurs qui ne sont pas cinéphiles. Il y a un vrai fond dans Joli Joli...

Diastème : On est tous très cinéphiles, on a vraiment adoré ça, il y a cette volonté de rendre le plaisir que l'on a eu avec ces films et puis, si ça peut faire les faire découvrir ...Je ne suis pas certain que tous les jeunes aient vu My Fair Lady (de George Cukor), Casablanca (de Michael Curtiz) ou Coup de cœur (de Francis Ford Coppola). Je ne sais pas si ça peut donner l'envie à des gens de redécouvrir ça, on serait vraiment ravis si c'était le cas !

Alex Beaupain : Et puis, pour parler de l'opérette, c'est l'ancêtre de la chanson pop. J'ai toujours eu dans l'idée que la différence entre la pop et le rock, si on considère que le rock c'est l'opéra, c'est de parler légèrement de choses graves. Si on se réfère à des choses que j'aime plus que Diastème, qui sont les films de Jacques Demy, il y a toujours un fond de mélancolie. Même dans des films très joyeux comme Les Demoiselles de Rochefort. Il suffit de le voir deux fois pour se rendre compte qu'à la fin, les destins ne se croisent pas et que tout ne va pas forcément bien finir. J'ai aussi été marqué par la fin du film de Diastème, on se retrouve dans un cinéma sur les Champs-Élysées, avec des gens heureux de chanter, une fin très heureuse où tout mer monde est ensemble. Il n'empêche que le cinéma est vide et qu'il neige dedans. Tout ça reste très joyeux de prime abord et c'est la première impression qu'on essaye de laisser au spectateur, mais il y a l'idée qu'on raconte quelque chose qui est de l'ordre non pas d'une déchéance ou d'une décadence, mais d'une petite tristesse , d'une petite mélancolie.

 Il y a toujours un fond de mélancolie même dans des films très joyeux.

Alex Beaupain

L'instrumentalisation de la femme, l'idéalisation de l'acteur célibataire par son public, les pressions d'un producteur insistant... pourquoi avoir mis cette vision qui noircit légèrement l'histoire et qu'avez-vous à dire sur ces dérives du cinéma ?

Diastème : On est en 1977, on imagine un monde absolument idéal, on imagine que dans 10 ans tout sera réglé, tous les problèmes de 1977 seront réglés. On est quasiment 50 ans plus tard et ces problèmes ne sont toujours pas réglés. On ne peut pas faire autrement que d'avoir un œil un peu taquin là-dessus. On espère toujours que ça va s'arranger et puis ça ne s'arrange toujours pas. Autrement, dans toute comédie, il y a évidemment toujours des empêchements. Ou alors on fait du Zucker, Abrahams, Zucker (trio de cinéastes américains, auteur notamment de Y a-t-il un Pilote dans l'Avion ?). Mais là, on est dans une écriture très classique, parce qu'une opérette c'est une écriture très classique, il y a des règles, ça doit être d'époque, c'est en quatre actes, il y a un empêchement, un quiproquo à la fin de chaque acte, on dit cliffhanger maintenant. C'est la même chose chez Feydeau et Marivaux, et ça doit se terminer bien. Donc, forcément, il faut qu'il y ait des moments où on se dit "oh non, on est un peu triste que ça se passe comme ça", mais ça ne va pas se passer comme ça, c'est vraiment un système d'écriture et c'est extrêmement agréable à écrire.

Avez-vous vous avez ressenti une charge mentale à interpréter une comédie musicale? Les comédies musicales demandent une écriture très précise. Il y a eu de grands films du genre avant Joli Joli...

William Lebghil : Il y a une petite pression.

Grégoire Ludig : Il y a une petite pression mais c'était surtout quelque chose d'assez chouette et d'assez chic : travailler avec des gens qui savent exactement ce qu'ils veulent. Donc à partir de là, tu te laisses guider bien volontiers, tu essayes, tu fais un peu fi de toi et de ton égo à la con. En face; on te dit "C'est bien ça ! " ou "Ce n'est pas bien !", mais on ne tergiverse pas. Il y a une sorte d'alchimie qui se crée avec les différents jours de tournages. "il y a William qui est venu hier donc il a fait ça ah putain c'est génial et demain il y a Clara qui vient". Il y a une charge mentale, on est quand même dedans, mais, pour moi, c'est davantage une pression de bien faire. C'est quelque chose de très positif.

William Lebghil : C'était hyper joyeux. Je viens, je ferme les yeux, je suis avec vous quand vous voulez. C'était aussi hyper agréable d'entendre les autres chanter et de voir le projet se construire petit à petit et naître. C'est une chance incroyable, d'autant plus que, quand on est acteur et qu'on est acteur en France, les rues les comédies musicales de ce type là ne courent pas les rues.

Alex Beaupain : Ce n'est jamais compliqué de convaincre des acteurs ou des actrices de faire une comédie musicale, à moins qu'ils aient vraiment une incapacité physique à chanter. Ce n'est jamais compliqué parce que c'est un exercice qui les amusent fatalement et qui les flattent, en plus. Il ne s'agit pas de leur demander de monter sur scène pour chanter, ce n'est pas du tout la même chose, je ne suis pas en train de dévoiler des secrets de Polichinelle (connus de tous), mais je passerai le temps qu'il faut en studio pour que ça soit correct du point de vue de l'incarnation, de l'émotion, mais aussi de la technique. Et pour ça, on fait quelque chose qu'on fait aussi au cinéma, on monte. J'ai une chance que d'autres n'ont pas : j'ai plus de temps qu'un type sur un plateau de cinéma, j'ai un micro et un acteur et voilà. C'est ça qui est peut-être rassurant pour les acteurs. Peut-être parce que j'arrive aussi à les mettre en confiance. J'ai l'impression que ce n'est pas le truc le plus le plus difficile à appréhender pour eux. En revanche, après, arriver sur le plateau, reproduire, jouer avec un playback, je pense que ça peut faire peur.

Je passerai le temps qu'il faut en studio pour que ça soit correct du point de vue de l'incarnation, de l'émotion mais aussi de la technique

Alex Beaupain

Pourquoi 1977 ? Pour l'esthétique, la richesse de la culture ?

Diastème : Pour l'esthétique, oui, et il y avait une nécessité d'époque, puisque comme le raconte Alex, si le téléphone et le portable existent, il n'y a plus d'histoire. Et puis, c'est une année charnière, très drôle, parce qu'en termes de musique, elle démarre avec les hippies, au milieu il y a les punks, et à la fin il y a le disco. Donc, évidemment, c'est une année extrêmement riche et puis, on peut s'amuser avec cette période. Si vous regardez le personnage de Mirette, le personnage de Laura Felpin, stylistiquement, en une année, elle  évolue avec les tendances.

Pensez-vous avoir "fait votre part" avec vos films précédents ? Souhaitez vous refaire des films engagés et donner des coups de boxe ?

Diastème : Je me dis assez souvent, oui, j'ai fait ma part, j'adorerais follement que d'autres prennent le relais, surtout sur ce combat qui est mon combat : la lutter contre l'extrême-droite. J'adorerais que d'autres prennent ce relais. Il n'est pas pris. Mais après, faire ça en ce moment, c'est plus compliqué. Je vais dire une phrase que je n'aime pas parce que ce n'est pas un film politique, mais oui, c'est aussi politique de se dire, il y a un truc de l'ordre du pied de nez avec Joli Joli. Évidemment, je retournerai ensuite vers des sujets autres. Bien sûr.

Comment expliquez-vous que dans les années 70, il y a ait eu tant de cinéastes engagés politiquement, qui s'exprimaient souvent à travers le cinéma de genre ?

Alex Beaupain : Peut-être, parce qu'il y avait l'espoir que ça serve à quelque chose. Il y avait cette question-là. On était beaucoup moins naïfs et beaucoup moins cyniques par rapport à aujourd'hui. Je parle plus largement que les films. On constate que certaines pétitions d'artistes, certaines prises de positions, semblent être, en France en tout cas, plus contre-productives que productives. Il y a aussi peut-être l'angoisse chez certains réalisateurs de prendre position, il y a aussi sans doute des questions de manque de courage. Et il est donc plus simple d'aller vers des films sociaux, sociologiques, plutôt que vers des films ouvertement politiques comme ceux de Diastème. À l'époque, on pensait que ça allait servir à quelque chose, que tout ça avait une utilité. Aujourd'hui, on a peut-être tendance à se dire que ça peut être contre-productif, pour une population qui en a marre qu'on lui donne des leçons, qui a envie d'aller voter pour dire "merde", ou pour adhérer à des causes qui lui est propre.

Diastème : Et puis il faut reparler du système de financement du cinéma français aujourd'hui et dans les années 70. C'est incomparable. Après, j'ai pu faire Un Français, et j'ai pu faire Le Monde d'Hier, il y a deux ans, donc on peut y arriver, mais c'est très difficile. Pour moi, Joli Joli reste quand même quelque chose d'un peu politique, mais à un sens vraiment très léger, faire un film populaire avec à l'intérieur quelques petits ingrédients qui vont contre une morale que je déteste.

Vous avez sans doute des inspirations de comédies musicales,. Avez-vous  des références à nous donner ? Que regarder à Noël, par exemple ?

William Lebghil : Moi, oui !  Après, je ne suis pas expert. J'adore Chantons sous la pluie (de Gene Kelly et Stanley Donen). J'adore Gene Kelly. Je l'ai regardé un peu en boucle quand j'avais 18, 19 ans. J'adore danser, j'adore chanter.  Dans les sorties plus récentes,  je ne sais pas si tout le monde est fan,  Annette (de Leos Carax) ou Lalaland (de Damien Chazelle), j’adore !

Alex Beaupain : Moi, je pense qu'à Noël, il faut regarder L'étrange Noël de Monsieur Jack. C'est magnifique. C'est quand même une immense comédie musicale, parce que Danny Elfman a fait une partition complètement dingue.  Et c'est très rare. Ce n'est pas la niaiserie de certaines voix Disney. Le doublage français est extraordinaire. Ça n'arrête pas de chanter. Ça fait partie de mon top 3 des comédies musicales. Sinon évidemment, Chantons sous la pluie, les Jacques Demy,...

Grégoire Ludig : Il y a un film que j'adore, c'est Mary Poppins. Je sais qu'à n'importe quel moment de l'année, je peux le regarder, parce que je trouve qu'il y a tout.  Il y a la vie, il y a la famille, il y a l'amour, il y a le rêve, il y a la magie, il y a la tristesse, il y a la nostalgie et la mélancolie. Et en termes de danse aussi. Le passage des éboueurs dans Joli Joli fait écho à la scène des Ramoneurs dans Mary Poppins. quand tu vois ça enfant, tu te prends une claque monumentale. Et dans un un registre complètement différent, il y a aussi les Blues Brothers (de John Landis).

William Lebghil : Une de mes de comédies musicales préférées au monde, est O'Brother (de Joel Coen et Ethan Coen) !

Grégoire Ludig : Je pense qu'inconsciemment, on se nourrit un peu de tout ça. Et par exemple, pour la répétition de Cinecittà, la chorégraphe Marion Motin n'était pas du tout dans le jugement. Elle savait que nous ne sommes pas des danseurs. Elle nous mettait une musique, elle nous disait : "vas-y, bouge". Et puis, elle voyait, elle disait "OK, d'accord. Je vois, tu étais plutôt raide, mais plutôt droit. Donc, il faut que ça passe par le regard".  Tout de suite, ça m'a tué, elle m'a demandé si j'avais vus vu le clip de Fatboy Slim, Weapon of Choice, avec Christopher Walken. Il est un peu smooth. Très dans le regard. Tout est dans l'interprétation, tout est dans le jeu. J'ai trouvé ça fascinant. La facilité et la rapidité avec laquelle tu es chopé. Et en tant qu'acteur, tu vas sur YouTube, tu regardes. Le gars ne te lâche pas. Il regarde la caméra tout le temps. Tu t'en fous de savoir s'il danse bien ou pas. Le gars t'emmène. Ce n'est pas un film, mais un clip. Un clip où ça danse. Pour ne pas parler de Michael Jackson. Je trouve que ce clip-là avec Christopher Walken, est génial.

Diastème : Pour moi c'est Coup de Cœur de Coppola. Et je conseille tout Bob Fosse, je pense que c'est mon réalisateur préféré au monde. All That Jazz, Cabaret...On parle d'un type qui est l'égal de Fellini. Après la plus grande comédie musicale de tous les temps, c'est Chantons sous la pluie, clairement. Et après, il y en a 50, quasiment aussi bien.

Synopsis : De Paris à Rome dans les années 70, le destin d’un écrivain fauché percute celui d’une star montante du cinéma. Leur chemin vers l’amour sera semé d’embuches, de quiproquos et rebondissements. Une comédie musicale et tourbillonnante !

Les infos sur Joli Joli

Joli Joli de Diastème

Avec Clara Luciani, José Garcia, William Lebghil, Grégoire Ludig
Scénario : Diastème, Alex Beaupain
Distributeur : Haut et Court

Sortie : 25 décembre 2024
Durée : 116 min

Photos et film-annonce : Haut et Court

Entretien réalisé à Lille le 28 novembre 2024 par Grégory Marouzé et Ambre Labbe.
Retranscription de l'entretien par Ambre Labbe.
Remerciements : UGC Ciné Cité Lille

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