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« Le Parfum vert » : interview de Vincent Lacoste et du cinéaste Nicolas Pariser

« Le Parfum vert » : interview de Vincent Lacoste et du cinéaste Nicolas Pariser

Vincent Lacoste - Nicolas pariser Le Parfum vert Style : Cinéma Date de l’événement : 21/12/2022

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Pour finir l'année en beauté, LillelaNuit a rencontré Vincent Lacoste et le réalisateur Nicolas Pariser pour Le Parfum vert. Dans ce film, le cinéaste d'Alice et le maire, plonge Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain, dans une comédie très originale, oscillant entre thriller, espionnage et BD franco-belge. Le comédien et le réalisateur ont livré leurs petits secrets à LillelaNuit.

Nicolas Pariser, Vous nous étonnez parce qu’à chaque fois, vous changez de genre, d'une façon assez libre. Comment en êtes-vous arrivé à réaliser l'histoire de ce jeune homme à la vie contrariée, qui est à la fois un thriller avec l'humour du cinéma anglais, et, en en même temps une vraie bande dessinée ?

Nicolas Pariser : Je pense que j’ai un tempérament paresseux. Quand je fais un film, je n’ai pas envie de refaire le même. Après Le Grand jeu, je me voyais mal refaire un film parisien avec des intellos, des gens dans des librairies et avec un personnage principal qui soit un homme etc. Pour Alice et le maire, j'ai voulu réaliser un film entièrement en province avec une actrice dans le rôle principal (Anaïs Demoustier) et qui s'inscrivait dans un genre. Soit le "Luchini movie", soit un film où la personnalité d'au moins un des deux acteurs principaux soit tellement forte qu’elle marque le film autant que le cinéaste ne le marque lui-même. J'avais envie, vraiment, de réaliser un film avec un acteur qui est aussi une sorte de monstre sacré. Une fois que j'avais fait ça, je n’avais plus envie de faire des films sur des hommes politiques. Je n’avais plus envie de faire de films avec quelqu'un qui prendrait autant de place même si ça a été un très grand plaisir de travailler avec Fabrice Luchini. Je n’avais aussi plus envie de réaliser un film qui ressemble à un film d'auteur français traditionnel. Mes deux premiers films s'inscrivent quand même là-dedans. C’est-à-dire que mon premier film est quand même un film d'auteur un peu traditionnel. Alice et le maire aussi. Les deux avaient une filiation au moins superficielle avec Rohmer par exemple, avec de grandes scènes de dialogues etc. Je n’avais plus envie de faire ça et donc il se trouve que je relisais à l'époque des albums de Tintin qui m'ont rappelé certains Hitchcock des années 30.

Les Hitchcock d'avant-guerre, entre la première version de L'Homme qui en savait trop, jusqu'à Une femme disparaît. Je me suis dit « Ce sont des films qui me touchent vraiment, est-ce qu'on ne pourrait pas faire quelque chose dans ce genre-là ? ». Alors évidemment, modernisé etc. Et puis, j'avais envie de travailler avec Vincent Lacoste depuis longtemps. J'ai eu cette image de Vincent en pantalon de golf, un peu à la Tintin ou comme un héros des 39 Marches. En fait, j'adore Cary Grant, j'adore La Mort aux trousses et j'ai évidemment pompé volontairement des choses de La Mort aux trousses dans le film. Mais la vraie source du film et dont j'ai parlé avec Vincent, ce sont les films des années 30, donc plutôt les films d'avant-guerre.  Je pense que j'ai un désir de faire des choses très différentes à chaque fois, et peut-être en me rapprochant de ce qui m'intéresse le plus, non pas dans les thèmes, parce que les thèmes du Grand jeu et d’Alice et le maire sont des thèmes dans la vie qui m'intéressent, mais disons de ce qui me touche le plus dans le cinéma. Et ce qui me touche le plus dans le cinéma, ce sont quand même des films, notamment des années 30, 40 ou 50, qui n'ont pas l'air d'être profonds, de John Ford à Howard Hawks. Ce sont des films qui sont des comédies, des westerns, ce ne sont pas des films qui ont une ambition manifeste énorme, contrairement aux films d'Antonioni ou de Pasolini, ou de tout un tas de très grands cinéastes. Ce qui me touche le plus dans un film, c'est quand on va voir quelque chose d'un petit peu fantaisiste, léger, et qui, en réalité, a une profondeur inattendue. Voilà, c'est mon ambition et je l’avais jamais fait.

Sandrine Kiberlain, Nicolas Pariser et Vincent Lacoste sur le tournage.

Ce qui me touche le plus dans un film, c'est quand on va voir quelque chose d'un petit peu fantaisiste, léger, et qu'en réalité il y a une profondeur inattendue.

Nicolas Pariser

Vincent, Nicolas Pariser s'inspire de ce que vous représentez pour lui  mais sans doute aussi de ce que vous provoquez comme fantasme pour le public. Avant de voir Le Parfum vert, on peut se dire « Voilà, c'est un personnage qui est un petit peu à côté, comme Vincent Lacoste l’a déjà interprété ». Or, quand on regarde le film, on découvre un autre Vincent Lacoste. Qu’avez l'impression d'avoir fait dans ce film que vous n'aviez pu explorer auparavant ?

Vincent Lacoste : Un personnage pareil, je n’en avais jamais fait. J'ai fait des personnages névrosés, mais un personnage qui a un sens de la névrose, dans le sens où il est lyrique dans ses angoisses, qu’il les transmet, jamais ! iI est assez amusant comme mec ! Et surtout, ce que je n’avais jamais fait, c’est un personnage mis dans cette situation-là. Parce qu’évidemment, un même personnage selon la situation, il change. On ne connaît pas tout le background et toute la vie d’un personnage. Un personnage, c'est aussi l'histoire qui lui arrive. Là, c'est cette histoire, cette espèce d'aventure, d'être accusé à tort d'un meurtre. C’est un vrai personnage qui vit une aventure, tout simplement.  Même dans les dialogues, le film ressemble pas mal à Nicolas, dans la manière qu'il a d'écrire, d’extérioriser des angoisses et, en même temps, de faire rire avec des dialogues de comédie qui sont au service d'une aventure. Je pense que ce film, est un vrai film d'auteur dans le sens où je n’avais jamais vraiment lu des dialogues comme ça. Les dialogues sont propres à ses films. Différemment dans celui-là, mais il aime toujours écrire des dialogues très longs, assez drôles. Il a un type d'humour qui se retrouve vraiment dans ses films je trouve et qui font partie de ses personnages.

Un personnage, c'est aussi l'histoire qui lui arrive.

Vincent Lacoste

Il y a quelque chose qui est assez merveilleux, c’est la façon que vous avez de d'annuler l’incrédulité du spectateur. Car, effectivement ce n’est pas un film réaliste. Quand on sort du film, on se dit qu’il y quand même des scènes qui sont complètement dingues. Dans la vie ça n'existe pas. Or, durant la projection, on y croit. Quand vous lisez le scénario vous vous dites « Dans quoi je m’embarque ? » ou alors « J'y crois en tant que lecteur. J'y crois. »

Vincent Lacoste : Forcément,  il y a des idées un peu farfelues dans le film, c'est ce qui fait son charme. Si Nicolas avait voulu faire une vraie comédie d'espionnage ultra réaliste, il aurait fait un truc carré, hyper documenté. Là, ce n'était pas l'idée. Il voulait faire quelque chose d'assez burlesque. Quand on lit le scénario, on comprend assez rapidement que c'est le parti pris. Mais la situation est drôle, c'est pour ça qu'il y a un vrai comique de situation. Comme quand arrive dans cette librairie de BD où Claire (Sandrine Kiberlain) est en train de faire sa dédicace et que, d’un coup, elle décide de partir à l'aventure avec Martin. Mais en même temps, c'est comme une référence à Tintin, comme quand le Capitaine Haddock décide de se lier d’amitié avec Tintin.

Nicolas Pariser : Il y a carrément des Tintin où les personnages se disent : « Cet homme a un air patibulaire... Suivons le, Milou !». Ce que vous dites, on me l'a dit lors de l’écriture du scénario « Mais quand même, est-ce que tu es sûr ? C’est une situation quand même difficilement crédible… ». Quand je vois des films, la plupart d’entre eux ne me plaisent pas parce que je m'ennuie, parce que je trouve ça bête, parce que je trouve ça prétentieux etc. Mais au cinéma, ce n’est jamais parce que je n’y crois pas. Quand on va au cinéma par définition, on va croire à ce qu'on voit. La différence entre un bon et un mauvais Star Wars, ce n’est pas qu’il y en a un que l’on croit et l'autre que l’on ne croit pas, c'est qu'il y en a un qui est palpitant et l'autre qui ne l'est pas.

Vincent Lacoste : Surtout que le parti pris du film n'est absolument pas d'être réaliste. Donc à partir de ce moment-là, on pourrait faire ce reproche sur un film qui se dit social par exemple.

Nicolas Pariser : Oui, ou un film historique. Non, ce qui est gênant effectivement, c'est par exemple dans un film réaliste, lorsqu’on a un personnage de pauvre, chômeur, qui va habiter dans un 150 m² dans le 6e. Là on peut se dire qu’il y a un problème de croyance. À la limite, quand j'ai écrit le scénario, je me suis dit « Moins ce sera crédible, et plus ce sera marrant. »

Vincent Lacoste : C’est pour ça d’ailleurs que cette scène-là, où on part ensemble, c'est une vraie scène de comédie, comme la scène, ensuite à la gare. À chaque fois qu'il se passe des trucs comme ça, c'est un comique né de cette situation.

Quel acteur est Vincent Lacoste ?

Nicolas Pariser : Il y a deux choses. La première, c'est qu’il est travailleur, il connaît toujours son texte. Ensuite, il y a quelque chose qui est injuste : il trouve le ton juste tout de suite ou presque. J'aurais rêvé d'être comédien, mais je pense que c'est quelque chose que je n’aurais pas eu. C'est rare. Pourquoi, trouve-t-il telle intonation ? C'est comme le chant. Enfin, c'est plus dur que le chant parce que le chant, il y a une note et la note, elle existe objectivement, il y a le diapason. On doit faire un La, on fait un La. Quand on est comédien, pourquoi est-ce que telle phrase va être juste, telle phrase ne va pas l’être, pourquoi telle intonation va être belle et émouvante et pas une autre ? Ça, c'est la capacité du comédien, son talent. J’écris quelque chose et une fois que Vincent l'interprète, c'est beaucoup mieux que ce que j'avais écrit. C'est-à-dire que ça prend corps et il trouve une couleur, un relief auquel je n’avais pas pensé, ou même une manière de se tenir, une manière de rentrer dans une pièce, une manière de tomber…

Ce sont des choses qui m'émerveillent comme premier spectateur et qui ne peuvent pas venir de moi. A un moment donné, Vincent sait qu’il va regarder Sandrine comme ça, rapidement, du coin de l'œil, comment il va mettre sa main dans sa poche, comment il va retirer les lunettes de soleil... La manière qu'ont les comédiens de bouger et de parler, c'est une partie énorme du film. Quand je vois Vincent jouer, il y a quelque chose d'admirable parce qu’il a le charisme qu'il faut avoir. En plus, le rôle est difficile parce que je crois qu’il est pratiquement dans toutes les scènes. Au bout d’un quart d'heure de film, tu es rejoint par Sandrine mais il faut tenir le film tout du long. Donc je dirais, pour résumer, que c'est quelqu'un de techniquement très fiable. C'est quelqu'un qui a inventé des choses tout le temps et qui donc a une part dans le film qui est au moins égale à la mise en scène. Je suis quelqu'un qui admire autant les comédiens que les cinéastes. J'admire par exemple des scénaristes, mais j'admire beaucoup plus les comédiens que les scénaristes par exemple. Aucun scénariste ne peut inventer John Wayne. Il faut avoir le regard de John Ford pour voir que ce type-là est intéressant. Mais une fois que John Ford a vu, John Wayne invente des choses. Alors il invente très peu de choses, il invente trois choses mais trois choses bouleversantes.

Il y a un thème qui est très présent dans les dialogues et qui est assez important dans l'histoire, c'est la Judéité. Pourquoi vouliez-vous mettre ce thème en avant ?

Nicolas Pariser : Tout d’abord, c'est un film dont l'un des thèmes est l'Europe. Et l’une des caractéristiques de l'Europe, c'est qu’il y avait des communautés juives un peu partout, qui ne correspondaient pas aux nations européennes. Certes, il y avait des Juifs en Allemagne, des Juifs en Pologne, des Juifs en Tchéquie, il y en avait en Bulgarie, en Roumanie etc. Mais ils formaient une nation autre et ils se déplaçaient sans cesse en Europe à travers les frontières. Ça me paraissait important qu’à un moment donné, on incorpore à l'histoire de l'Europe, certes, la question des Nations, mais que l'histoire de l'Europe ne s’y résume pas. C'est aussi l’histoire de gens qui n'avaient pas de nationalité européenne mais qui, de manière incontestable, étaient européens et vivaient en Europe. Et même s'ils rêvaient de partir vivre ailleurs, ils étaient européens. Beaucoup sont morts d'ailleurs en Europe et peu importe s’ils étaient français, allemands, polonais…ils sont morts en tant que Juifs pendant la guerre.

Ensuite, j'adore les films d’Hitchcock et j'adore les albums d'Hergé qui datent des années 30. Ça parle de la montée du fascisme, ça parle de la montée du nationalisme, ça parle de tous les périls possibles et imaginables qu’il y avait en Europe à cette époque-là… Mais dans le cas d’Hitchcock, il n’y a pas de juifs, ça n'existe pas parce que pour un Anglais catholique, c'est un non sujet. Et chez Hergé, alors malheureusement, soit ça n'existe pas, soit quand ça existe, c'est un gros méchant avec un gros nez et donc ça existe dans la caricature. Et donc je me disais « Si je fais quelque chose qui s'inspire de ce qu'ont fait Hitchcock et Hergé dans les années 30, il faut que le fait juif soit présent de manière importante dans le film ».

Par ailleurs, je pense aussi qu’il y a une tradition juive de mêler le tragique à la comédie qui correspondait bien au film lui-même. Et je n’y ai pas pensé lorsque j’ai écrit le film, mais Ernst Lubitsch est aussi une source d’inspiration de ce film. Lubitsch, l'autre grand cinéaste européen qui a fait ça aux États-Unis essentiellement, et qui a parlé de tout ça notamment dans To Be or Not to Be, est un grand artiste juif. A aucun moment, je n’ai pensé à To Be or Not to Be et j'ai revu le film de manière complètement imprévue, presque en me disant « Mince, mais ce film existe ! » pendant le montage. Mais il y a plein de références dans Le Parfum vert. Je pense qu'il y a des références qui sont très manifestes et qui sont assez superficielles. Je pense que le film est assez peu hitchcockien en réalité. Cependant, il y a d'autres influences, comme Lubitsch justement, qui sont peut-être plus profondes tout simplement parce que, profondément, je pense que Lubitsch m'intéresse plus qu’Hitchcock. Hitchcock est génial, évidemment, j'ai aimé le cinéma en tant qu’enfant plus grâce à Hitchcock qu’à Lubitsch par exemple. Mais ensuite, comme cinéphile et comme adulte, Lubitsch c'est quelqu'un dont je me sens plus proche.

Les Infos sur Le Parfum vert

Synopsis : En pleine représentation, un comédien de la Comédie-Française est assassiné par empoisonnement. Martin, membre de la troupe témoin direct de cet assassinat, est bientôt soupçonné par la police et pourchassé par la mystérieuse organisation qui a commandité le meurtre. Aidé par une dessinatrice de bandes dessinées, Claire, il cherchera à élucider ce mystère au cours d'un voyage très mouvementé en Europe.

Le Parfum vert de Nicolas Pariser
avec Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain
Scénario : Nicolas Pariser
Production : Emmanuel Agneray
Co-production : Versus Production
Distribution : Diaphana

Durée : 1h40
Sortie le 21 décembre 2022

Entretien : Grégory Marouzé / Retranscription de l'entretien : Élise Coquille
Remerciements : UGC Lille Le Majestic

Photos © Bizibi, affiche et film-annonce : Diaphana Distribution

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