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« Vivre, Mourir, Renaître » : Gaël Morel, Théo Christine et Victor Belmondo

« Vivre, Mourir, Renaître » : Gaël Morel, Théo Christine et Victor Belmondo

Gaël Morel, Victor Belmondo, Théo Christine Vivre, Mourir, Renaître Style : Drame Date de l’événement : 25/09/2024

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Cette semaine, l'entretien cinéma de LillelaNuit est consacré à Vivre, Mourir, Renaître. Ce mélodrame  explore la vie des trois protagonistes dont les relations sont bouleversées par l'intrusion du SIDA. Sentiment d'amour, de vie, de jeunesse et d'envie de vivre rythment le film. Rencontre avec Gaël Morel, Victor Belmondo et Théo Christine.

Vous faites partie d'une génération qui a connu ce qu'on a appelé les "années SIDA". Pourquoi vouliez-vous faire ce film aujourd'hui ?

Gaël Morel : Au départ, je ne pars pas avec le désir de parler du SIDA, parce que, pour moi, ça ne supporte pas nécessairement un film. J'arrive à un âge où j'avais l'envie de faire un film sur ma jeunesse  et sur la jeunesse d'aujourd'hui. Parce que je pense que la manière dont j'ai vécu le sentiment amoureux, dans ces années-là, trouve une forme de correspondance avec ce que peuvent vivre les jeunes dans leurs histoires d'amour, dans le polyamour, dans le trouple. Si on ne leur donnait pas ces noms, ces formes d'amours existaient également, d'une manière intensifiée par cette maladie qui planait au-dessus de nous.

Le SIDA n'est pas l'histoire du film mais il arrive comme un accident permettant de faire exploser les sentiments. Pourquoi avoir décidé d'aller vers le romanesque et de raconter une histoire d'amour extrêmement forte ?

Gaël Morel : Déjà, je suis très cinéphile. Donc, j'aime vraiment le cinéma. C'est au cœur de ma vie. Et j'avais envie de faire un mélodrame. Donc, les mélos sont, par essence, romanesques. Et je trouvais que la maladie, le HIV, par exemple, est un peu l'équivalent du cancer dans Love Story. J'avais une grande envie de mélodrame, et par extension, de romanesque.

Quand vous parlez de mélo, par exemple, vous pensez davantage à Douglas Sirk ?

Gaël Morel : Non, justement ! Quand on parle de mélo, on pense toujours à Douglas Sirk.

Ou Rainer Werner Fassbinder ?

Gaël Morel : Alors, oui, plus Fassbinder. Mais le cinéma est très récent. Il a à peine 130 ans.  Je n'aime pas l'idée qu'il n'y ait que le passé. Je connais les mélos de Douglas Sirk, et de Fassbinder. Mais là, vraiment, mon inspiration était plus du côté de films que je trouve incroyable : Manchester by the Sea ou Brokeback Mountain.

Gaël Morel. Tous droits réservés.

On a l'impression que la jeunesse n'a presque pas entendu parler du SIDA, contrairement à la génération précédente.

Victor Belmondo : On en a entendu parler, quand même, parce que le SIDA est encore présent aujourd'hui. La grande différence, c'est justement que nous sommes mieux informés, mieux armés pour y faire face et, par conséquence, on y pense moins. Parce qu'il s'est passé ce qui s'est passé dans ces années-là, dans les années 90, malheureusement. Ça nous a amené d'année en année à être mieux armés, mieux informés et donc, à moins s'en préoccuper.

Gaël Morel : Et surtout, on est passé d'une maladie mortelle à une maladie chronique. Aujourd'hui, il faut quand même dire que quelqu'un qui est frappé par le HIV (VIH) aujourd'hui, attrape le virus, mais n'en meurt pas. On ne peut pas mettre ça de côté. C'est une vérité.

Victor Belmondo : Donc, notre génération connaît le SIDA mais n'a pas grandi avec le choc de la découverte de la maladie. On n'a pas été traumatisés. C'est la grande différence. Je pense que la grande différence c'est que la jeunesse des années 80-90 a grandi dans une terreur totale de l'inconnu que nous ne connaissons pas.

 

J'ai ressenti des réactions organiques et émotionnelles à la lecture du scénario.

Victor Belmondo

Qu'est-ce qui a été vraiment l'élément déclencheur pour que vous ayez l'envie  de partir dans le projet de Gaël Morel ?

Théo Christine : Gaël ! Parce qu'on l'a rencontré tous les deux avant d'avoir l'occasion de lire le scénario. Donc, ça a d'abord été une rencontre artistique, une envie artistique plutôt qu'un désir qui résulte de la lecture du scénario. Bien sûr, quand il y a eu la lecture ça a bouclé la chose, ça a été la cerise sur le gâteau mais ça a surtout été la rencontre avec Gaël. Moi, je n'avais jamais eu l'occasion de travailler avec un cinéaste qui a une si grande passion du cinéma, qui vit pour ça. C'était passionnant. Quand tu es acteur,  tu ne peux qu'avoir envie de travailler avec ce genre de personne.

Victor Belmondo : Pareil :  c'est Gaël. Effectivement, on a rencontré Gaël avant de lire le scénario et dès cette rencontre là, j'ai eue l'envie de faire le film. Ensuite, j'ai lu le scénario. Le film est un vrai mélo. Mais aussi dès la lecture du scénario. Il y avait un florilège d'émotions et moi, ça ne m'était ne jamais arrivé d'avoir des réactions organiques et émotionnelles dès la lecture d'un scénario. J'étais  touché par ce trio, particulièrement par Cyril, mon personnage.  Ça, combiné au fait que la rencontre avec Gaël s'est passée avec une grande évidence. La question ne s'est vraiment jamais posée. J'étais prêt à y aller tête baissée.

 

Lou Lampros

Il y a une alchimie entre les trois comédiens. Ça fonctionne ! Comment avez-vous travaillez avec Lou Lampros, qui incarne Emma ?

Victor Belmondo : On n'a pas eu besoin de travailler ça. Cette chose là n'est possible que si elle est naturelle. Que si l'alchimie existe malgré nous. Lou et Théo se connaissaient avant dans la vie. Un peu peu comme dans le film. Il y avait Théo entre Lou et moi. Mais pour autant, quand on s'est retrouvés tous les trois, on avait l'impression qu'on se connaissait depuis 20 ans. Il y a eu une alchimie naturelle et totale tout de suite entre nous. Ça a été fluide, ça a été intense, ça a été connecté, ça a été rempli de bienveillance et d'écoute. En fait, on n'a pas du tout eu besoin d'aller chercher cette chose là ou de la créer vu qu'elle était là toute seule. Je pense que ça, on le doit à Gaël à 200% dans le choix de ses acteurs. Je pense qu'il a dû sentir des choses en commun chez nous trois.  Du coup, ça a été une évidence.

Théo Christine : On était tous aussi habités par un désir de bien raconter cette histoire et on avait tous beaucoup d'admiration autant pour Gaël que pour le scénario. On était tous les trois conquis. Je pense que ça joue aussi dans les relations, dans l'alchimie entre nous.

 Je voulais qu'on soit émus par leur joie, leur vitalité, leur fougue.

Gaël Morel

Pouvez-vous parler un peu de vos choix musicaux ? On a une scène de boîte avec une musique de l'époque, mais il y a énormément de classiques. 

Gaël Morel : C’est pour l'aspect romanesque du film. Je voulais vraiment que les choix soient assumés pour qu'on sache où on est. Parfois, les gens peuvent dire, "ah oui, c'est un peu mélo", non, ce n'est pas un peu mélo, c'est un mélo ! Donc, j'ai signé de toutes les manières, avec des couleurs très fortes, avec des mouvements de caméra, avec de la musique qui surligne les mouvements. Et en même temps, je ne voulais pas que le mélo soit larmoyant. Je voulais que les scènes émouvantes soient des scènes de vie et de joie. Je pense que les scènes émouvantes, sont  la scène de l'échange des anneaux, quand ils courent dans la rue pour aller chercher leur préservatif. Peut-être la fin, qui a besoin d''être ouverte et joyeuse. Je ne voulais pas qu'on pleure parce qu'il y a un enterrement. Je ne voulais pas qu'on pleure parce qu'il y a un personnage qui pleure à l'écran. Je voulais qu'on soit émus par leur joie, par leur vitalité, leur fougue. Je voulais que ce soit ça qui soit émouvant.

Gaël est quelqu'un qui aime les mots.

Théo Christine

Est-ce que Gaël Morel est un metteur en scène "dictateur "? Est-il accroché à ses dialogues ? Ou pouviez-vous changer de  petites choses ?

Théo Christine : Gaël est quelqu'un qui aime les mots. Ils ont beaucoup d'importance. Donc, ce travail était intéressant. Il y avait une rigueur à avoir. On devait, sur certaines scènes, sur certaines expressions, faire attention à ne pas dire ce qui ne se disait pas forcément à l'époque. Gaël était là pour nous reprendre là-dessus. Après, il n'y a jamais rien qui ait été vraiment figé, même au niveau du scénario ou des scènes en Italie, par exemple. Certaines choses n'avaient jamais été dans le scénario. Gaël est un cinéaste qui est capable de se poser le soir et de dire "ça, on ne va pas le faire" et de réécrire quelque chose, des scènes ou, même, changer de décor. C'est hyper agréable parce qu'on se sent dans l'instant présent. On se sert de ce qui nous entoure, de l'énergie qu'on ressent chaque jour et, pour moi, c'est vraiment ça faire du cinéma. Mais oui, on pouvait faire un petit peu d'impro. On pouvait changer des petites choses. On en parlait avant ou pas parce que, parfois, ce n'était simplement pas nécessaire.

Gaël Morel : Je pense qu'on a beaucoup changé le dialogue parce que, quand ils parlent, j'entends une musique. Parfois, le dialogue, ne ressort pas à l'écran comme il était prévu. D''un seul coup, un dialogue ne sonne pas à mon oreille. Je regardais mon scénario. Ça pouvait être une phrase qui était écrite mais qui ne sonnait pas bien dans la bouche de Théo ou de Victor. Ça ne ressemblait pas à leur phrasé. Je suis plus sensible au phrasé qu'à la beauté d'une phrase. Je leur disais : "Ce n'est pas du Shakespeare !"

Les Nuits fauves est un film important ? L'affiche de votre film rappelle celle du film de Cyril Collard.  Le personnage interprété par Victor Belmondo se nomme Cyril...

Gaël Morel : C'est le même affichiste, il faut le avoir parce qu'il ne faut pas croire que c'est quelqu'un qui a imité, c'est la personne qui a fait l'affiche des Nuits fauves qui a fait l'affiche. Donc, c'est sa signature. Les Nuits fauves a été hyper important pour moi mais pas sur ce film. Quand je réalise À toute vitesse, je suis persuadé qu'on va me dire que c'est un remake des Nuits fauves sauf qu'à l'époque, je viens de faire Les Roseaux Sauvages comme acteur. Tout le monde me dit "les roseaux, les roseaux." Je leur dis, "réfléchissez, le film, je l'ai écrit avant de faire Les roseaux, donc soyez un peu malins". Mais s'ils ne voient pas que Les Nuits fauves est mon impulsion d'écriture. Je me dis que le cinéma, ça va être compliqué. Mais en fait, non, pas du tout. En revanche, oui, Les Nuits fauves a été un événement majeur dans ma vie parce que j'étais homosexuel, j'aimais des histoires avec des garçons qui venaient du même milieu que moi, qui étaient des garçons plutôt d'origine maghrébine, des histoires comme ça. Je me disais que rien ne me ressemblait dans le cinéma français. Donc, je n'intéresserais personne. Et quand j'ai vu Collard qui arrivait avec sa vie, son film,  il m'a donné conscience que ce que je vivais pouvait avoir un peu d'intérêt parce que, franchement, à l'époque, le cinéma était tellement blanc, bourgeois, hétéro, que je pensais ne pas avoir de place dans le cinéma. Collard a ouvert quelque chose, mais pas que pour moi, pour beaucoup de cinéastes.

Victor Belmondo et Théo Christine

Vous faites un autre clin d'œil :  à Mauvais Sang de Leos Carax. 

Gaël Morel  : C'est davantage une réponse qu'un clin d'œil. J'ai toujours été choqué par le clin d'œil que faisait justement Leos Carax au SIDA dans son film. Parce que dans son film, il dit, en gros, que le SIDA, qu'il a baptisé le STBO, est la maladie des gens qui font l'amour sans amour. En gros, des gens qui baisent sans sentiments. Et c'est en 1986. Et en 86, il n'y a que des homosexuels qui tombent comme des mouches à cause de cette maladie. Je trouvais ça dingue de dire que c'est une maladie qui serait presque morale, parce qu'elle tue des gens qui font l'amour sans amour. Sachant que les homosexuels s'étaient organisés pour faire la fête, avaient ouvert des lieux de joie, de sexe, libres, gratuits, contrairement aux milieux hétéros qui étaient loin de tout ça. Et quand Carax fait ça, je trouve que c'est très stigmatisant par rapport à la communauté homosexuelle qui, à cette époque là, essuie déjà les foudres du FN. Le FN qui parle de mettre les "sidaïques" dans des "sidatoriums". On me disait: "Mais c'est une vision poétique". Si c'est de la poésie, alors c'est la poésie du Front National ! J'ai toujours été très choqué. Même aujourd'hui encore, les gens me disent, "oui, vous rendez hommage à Leos Carax". Non, je ne rends pas hommage à Leos Carax ! Je lui réponds que je trouve ça honteux d'avoir fait ça en 86. Honteux de la part d'un cinéaste qui se dit progressiste, de gauche, etc. Je trouve ça vraiment honteux. Et depuis que je fais du cinéma, j'ai l'envie de lui répondre. Et donc, je lui ai répondu. En tout cas, ce n'est pas une référence, en plus si c'était une référence, je ferais une révérence.  Certainement pas à quelqu'un qui a été, un peu, une cheville ouvrière de ce qu'il y a eu de plus bête sur cette maladie dans ces années-là.

Que vouliez-vous à tout prix réussir et surtout à tout prix éviter avec le film ?

Gaël Morel: Moi, je voulais absolument réussir à ce que les spectateurs, le temps de la projection, s'identifient à mes personnages même s'ils sont séropositifs. C'est là-dessus que le cinéma marche. C'est une forme de projection, d'empathie. Et depuis que je suis enfant, quand je vais au cinéma, j'aime des personnages comme Marlon Brando dans Sur les quais, alors qu'il a son frère qui se fait tuer, juste parce qu'il est magnifique, il dégage un magnétisme incroyable. Et moi, ce que je voulais réussir, c'était de rendre désirables des personnages séropositifs. Et ce que je voulais éviter, c'était le pathos.

Victor Belmondo : Je voulais absolument la même chose dans mon jeu d'acteur, ne surtout pas tomber dans le larmoyant, dans le pathos, et essayer de garder une certaine subtilité, une certaine finesse dans les émotions et dans ce qu'on avait à défendre. Ça rejoint ce que dit Gaël, mais ce que je voulais réussir, ce n'est pas tant sur mon personnage, c'est plus sur le film. Simplement, véhiculer un sentiment d'amour, d'acceptation, de vie, de jeunesse, d'envie de vivre. En tout cas, véhiculer un sentiment positif.

Théo Christine : J'avais envie que les gens qui voient le film ressentent les mêmes choses que j'ai ressenties en lisant le scénario, qu'ils vivent un vrai moment de cinéma, qu'on arrive à toucher notre génération, les plus jeunes, et faire ce pont générationnel.

Les Infos sur Vivre, Mourir, Renaître

 

Synopsis : Emma aime Sammy qui aime Cyril qui l’aime aussi. Ce qui aurait pu être un marivaudage amoureux à la fin du siècle dernier va être dynamité par l’arrivée du sida. Alors qu’ils s’attendaient au pire, la destinée de chaque personnage va prendre un virage inattendu.

Vivre, Mourir, Renaître de Gaël Morel

Avec Lou Lampros, Victor Belmondo et Théo Christine
Scénario :  Gaël Morel et Laurette Polmanss

Sortie : 25 septembre 2024
Durée : 109 min

Photos / Affiche et film-annonce :  ARP Sélection

Entretien réalisé à Lille le lundi 16 septembre 2024 par Grégory Marouzé - Retranscription de l'entretien par Ambre Labbe.
Remerciements UGC Ciné Cité Lille.

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