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A Place To Bury Strangers + Le Cotton Club à De Kreun

Quelques têtes connues des soirées gothiques locales parsèment le public très diversifié de De Kreun qui attend dans le hall en sirotant des bières. Une bonne nuit en perspective, voilà ce qu'on se dit en arrivant ce soir, malgré une neige glacée qui n'encourageait guère à pointer le nez dehors. De circonstance quelque part puisque A Place To Bury Strangers oscille entre froideur dans l'attitude et la musique, et chaleur du rock et des mouvements. Pile poil de saison. Sympa aussi de les voir tourner dans des petites villes et non se limiter à Paris, Bruxelles et Berlin comme d'autres Américains l'auraient fait sans complexe. Avant eux, on passe un fort bon moment avec les Lillois de Cotton Club. Si leur nom rappelle un célèbre club de jazz de Harlem créé durant la Prohibition - et le film qui y fait référence -, c'est d'un groupe bien showgaze qu'il s'agit. Rappelant des pionniers de la nouvelle scène psyché comme Brian Jonestown Massacre, ils se révèlent plus énergiques que ces derniers. Le chant est parfois plus faible, mais la batterie juste excellente, tout comme la basse. Leurs références le sont tout autant et on sent bien l'abus de 13th Floor Elevators au dîner. Un groupe qui mérite d'être suivi de près pour qui aime le genre.

On conseille ensuite à tous les voisins de s'équiper de protections auditives, raillés par ceux qui veulent être (et sont déjà) sourds. A Place To Bury Strangers a la réputation, et elle est plutôt méritée à en croire leur prestation au Grand Mix il y a peu, de jouer très fort. Pas de déploiement aussi impressionnant cette fois, et une seule batterie, mais force est de constater qu'ils mettent du coeur à l'ouvrage, plus qu'à parler aux gens devant eux d'ailleurs. La fin du monde est proche, c'est leur dernier concert, s'attend-on à entendre dans cette ambiance dark. Mais ils économisent leurs paroles. Le chant, d'ailleurs, disparaît quasiment complètement derrière leur rock noise si bien qu'on se demande presque pourquoi ils n'ont pas rendu leurs morceaux instrumentaux.

Le son est en tout cas bon et homogène, même en se déplaçant dans la salle, et rudement cohérent. Le batteur, JSpace, met particulièrement du coeur à l'ouvrage. D'une manière générale A Place To Bury Strangers est une référence pour bon nombre de groupes psychédéliques ou shoegaze à tendance noise et n'usurpe pas son titre. Olivier Ackermann a fait ses preuves dans les mythiques Skywave et il en reste largement des traces dans cette formation, même si l'influence de groupes post-punk comme les Cure est perceptible. Ackermann ne lève que rarement les yeux. Sol, chaussures, gratte, sol, chaussures, gratte. Probablement rudement passionnants mais il a prévenu en arrivant : "Don’t say I’m not nice to you tonight, I’m trying." (ne dites pas que je ne suis pas sympa envers vous ce soir, j'essaie). Quoi qu'il en soit, les riffs le sont et on passe outre son oubli du monde extérieur.

Le public a lui... la tête de l'emploi. Contrairement à certains concerts au public plus bobo-méchu, c'est plutôt un ensemble d'amateurs de rock, le vrai, celui qui fait saigner les oreilles, qui se sont déplacés. Néanmoins, s'ils bougent en rythme, pas de pogo fou dans l'assistance. On est plutôt sages à De Kreun et la configuration de la salle ne prête pas forcément aux délires physiques. Ce qui n'empêche personne d'apprécier le son, fatalement plus que la performance car si les musiciens ne restent pas statiques, ils n'ont pas pour autant décidé de se donner plus en spectacle que ça, de quoi faire regretter un peu leur tournée de 2009. Mais la scène ne va pas rester figée, s'ouvrant dès To Fix The Gash In Your Head.

Fumée grise sur fond ébène, l'ambiance est particulière, propice à se laisser aller à une langueur (sauf sous les baffles où personne ne peut physiquement s'endormir je pense), régulièrement mise à mal par les tromboscopes. Pas désagréable. Les projections sont assez jolies - mention particulière pour les ballerines du 6e ou7e morceau. Ackerman semble alors s'animer, sa guitare oscillant entre air et sol, nerveusement, dans un déchirement que l'on sent presque psychologique. Un froissement et le concert décolle véritablement, prenant, passant par l'inévitable et merveilleux I Lived My Life To Stand In The Shadow Of Your Heart, Ocean. Le groupe part sitôt Deadbeat achevé, après une heure de noise plus qu'honnête.

Si le groupe était déjà venu assez près de nous la dernière fois, investissant le Trix d'Anvers ou le Trabendo de Paris, A Place To Bury Strangers ne repassera pas dans le Nord cette fois-ci. Il vous est cependant possible de vous déplacer pour les revoir en France, notamment à l'Olympic de Nantes, à la Laiterie de Strasbourg ou au Club 106 de Rouen.

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