Descendre à la Cave Aux Poètes. Y chercher un peu de fraicheur. Retrouver l'ambiance atypique et basse de plafond de cette salle de concerts enfouie sous terre, aux allures de club underground idéales pour cette soirée de Hip Hop organisée en ce soir du 01 juin 2011.
Un décor souterrain et urbain parfait pour accueillir la musique de Deefly & The SQ's, nouvelle sensation de la West Coast. Pas celle de Los Angeles ou de San Francisco. Mais celle, plus proche, de Dunkerque City... Ville qui, par les exactions commises par le collectif Jayfly Muzziq (Veerus, QWH...), se fait sa petite case sur l'échiquier du Rap national. Issus de ce collectif, Deefly et ses acolytes (J Kid à la MPC, à la programmation et aux claviers, Joanni à la batterie) se sont faits positivement remarquer avec leur Supercassette, excellent album en teléchargement gratuit sur Jayflymuzziq.com, et leurs multiples apparitions sur les plus grandes scènes de la région (Aéronef, Grand Mix,...). Des prestations qui ont ravi les amateurs de Hip Hop joué Live façon The Roots ou Iswhat?
Au fil des concerts, la musique de Deefly & The SQ's gagne en ampleur et en puissance. Tels des sculpteurs peaufinant leurs oeuvres, revenant sur le moindre détail, le trio perfectionne et cisèle ses compositions. Créant ainsi un univers de plus en plus personnel. Et des plus singuliers dans le paysage Rap français. Un monde où les machines ont autant leur mot à dire que les instruments plus organiques. Où se mêlent diverses influences: les productions Old-School des années 90 (De La Soul, Tribe Called Quest, Gang Starr...), le tempo électro du Abstract Hip Hop (Flying Lotus, J. Dilla, Madlib...), le groove du Funk et de la Soul des 70's, la coolitude du Jazz, des incartades Rock... Une toile d'araignée musicale tissée avec une grande cohérence par J Kid. Les structures sont complexes, sophistiquées, donnent du relief à chaque sonorité. Il se dégage des instrumentations, même dans leurs passages les plus électroniques, un sentiment de chaleur et de grande authenticité mélodique. Sensualité hybride de machines et d'instruments (guitare, clavier, batterie) s'accouplant naturellement.
Un écrin de velours pour le flow anglophone et introspectif de Deefly. Un MC d'une grande justesse. Qui choisit la voix de la sensibilité plutôt que celle de la rage. Qui chante autant qu'il ne scande. Qui exprime à la fois la hargne, l'espoir, le rêve, l'envie de jours meilleurs mais aussi le doute, le désenchantement, la désillusion, la peur de l'avenir. Une voix humaine. D'un gars de son temps. Qui trempe sa plume dans sa réalité. Et pas dans celle d'une Street-Credibility formatée et phantasmée. Les lyrics sont posés avec grâce. La technique vocale ne prime pas sur l'émotion. La diction claire et apaisante rappelle le phrasé nonchalant de Q Tip. Surprend par de troublants accents. On sent que Deefly est autant influencé par les Mc's américains qu'africains (K'naan, Tumi de Tumi & The Volume). Il module avec talent sa voix. Interprète avec emphase ses textes et leur donne vie sur scène avec une aisance grandissante. « Lost Child » et « Quiet Night » atteignent désormais des sommets d'intensité et révèlent une puissance atmosphérique inédite dans la scène Rap française. Cette volonté de Deefly & The SQ's de se faire confronter divers mondes musicaux, de faire vivre leur musique sans contraintes ni codes factices, de la faire perpétuellement évoluer laisse plutôt rêveur quand à l'avenir de ce groupe.
De la côte Dunkerquoise à la côte Anglaise, il n'y a qu'un bras de mer à franchir. Chose faite avec la venue de A State Of Mind, groupe britannique repéré par Wax Tailor, qui donne ici rendez-vous à son public lillois la veille de son passage aux Folies de Maubeuge. Adeptes du mélange des genres, les A.S.M. ont le don d'enrichir leur musique de diverses couleurs (Hip Hop, Soul, Reggae, Dub). Une ouverture d'esprit qui réunit sous une même bannière les amateurs de Beats qui tapent et les adeptes de l'Electro festive et sans frontières de The Herbaliser, Le Peuple De L'Herbe ou encore Wax Tailor.
Les instrumentaux sont construits autour de samples de Funk, de Soul, de Salsa, de Reggae ou de Rocksteady de premier choix sur lesquels Green T et FP, les deux MC's, viennent poser leur flow décontracté. Le son est chaud et organique. Le groupe s'entoure de véritables musiciens sur scène (un saxophoniste, un tromboniste et la flutiste Ludivine Issambourg repérée également aux côtés de Wax Tailor). Amenant de cette manière un cachet supplémentaire aux compositions du turntablist DJ Fade. Parant le concert d'un classe classicisme. Le combo ne cherche pas, en effet, à transcender le genre. Sa modeste ambition est de simplement faire bouger son public et de lui faire passer un agréable moment. En piochant dans tous les styles, en échantillonnant tous les genres, les membres de A State Of Mind entrainent leur public dans une spirale d'influences dansantes. Rien de révolutionnaire. Mais le Platypus Funk, nom donné à leur musique et à leur premier album, est d'une redoutable efficacité, fait preuve d'une grande maîtrise formelle et d'un amour sincère de l'art Hip Hop. Un drôle d'animal (platypus signifiant ornithorynque) à la bonne humeur contagieuse.
