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Amenra + Oathbreaker au Grand Mix de Tourcoing

Difficile de trouver les mots justes. D'expliquer l'incompréhensible. D'exprimer ce qui dépasse l'entendement.

Surtout dans une chronique qui n'a pas lieu d'être. Dont les motivations sont plutôt mystérieuses. Car, soyons honnête, l'auteur de ces lignes ne goûte que du bout des lèvres le Metal et les musiques extrêmes. Et, malgré des cheveux longs et une grosse barbe qui ne dépareillaient pas dans le très poilu public du Grand Mix en ce soir du 29 septembre, sa présence à un concert d'Amenra était presque aussi incongrue que celle d'un éléphant dans un magasin de porcelaine ou d'une Christine Boutin dans une manifestation pour le droit à l'adoption des couples homosexuels. Le mot "presque", ici, a son importance.

Votre serviteur, allons à l'encontre des préceptes journalistiques éculés qui veuillent que l'on s'exprime de façon neutre et objective (dans l'exercice de la critique musicale, c'est d'ailleurs une sacrée blague), avait en effet eu l'occasion de croiser et de découvrir cet atypique groupe belge il y a quelques années. En 2007. Au De Kreun de Courtrai, la ville d'origine d'Amenra. En première partie d'un groupe non-moins atypique, les américains de Dalek et leur Hip-Hop industriel dont les références sont à plus aller chercher du côté de Suicide ou des Young Gods que de la musique Black U.S.

Un véritable choc. La noirceur de la musique, sa violence, la scénographie particulière enrichissant le concert avec de subjuguantes vidéos en noir et blanc avaient fait forte impression et laissé un souvenir vivace que l'on pourrait presque qualifier de traumatisme. Une expérience que l'on souhaitait pouvoir un jour revivre. Pour comprendre. Trouver des explications à la fascination ressentie lors de cet étrange moment.

Avant les retrouvailles, place à des disciples avec la présence de Oathbreaker, des membres officiels de la Church Of Ra, une constellation musicale gravitant autour d'Amenra. Un groupe furieusement Hardcore dont la particularité est d'être articulé autour d'une chanteuse, Caro. Ce qui n'empêche pas le projet d'être furieusement burné. Un set agressif, rentre-dedans, porté par des guitares assassines, une basse pesante, une batterie dévastatrice et la voix hargneuse de Caro, dont on ne verra jamais le visage, toujours dissimulé sous sa longue chevelure. Une musique guidée principalement par la rage et l'urgence. Pour public averti.

C'est derrière un épais nuage de fumée que les musiciens d'Amenra font leur apparition. Le spectacle est total. Extrêmement réfléchi. Avec une atmosphère particulière. Peu de lumières. Un écran installé en fond de scène projette des vidéos noir et blanc à l'esthétisme particulièrement soigné. Images malsaines de forêts décharnées, de ruines inquiétantes, de nuages défilant en accéléré... Des visuels dont la dimension ésotérique colle parfaitement aux compositions.

Une musique tribale, hypnotique basée sur des riffs de guitare longs, lourds, lents et répétitifs  Une musique qui se ressent plus qu'elle ne s'écoute. Assister à un concert d'Amenra est avant tout une expérience sensorielle. Douloureuse et belle à la fois. Proche d'un rituel chamanique. Sentiment renforcé par l'état de transe dans lequel est plongé Colin Van Eeckhout, l'incroyable chanteur du groupe, totalement habité par ses textes, tournant en permanence le dos au public dans une posture quasi-autistique, muscles tendus, le visage déformé par la douleur exprimée dans les chansons...

Le spectacle est tétanisant. Et déroutant. Car derrière l'apparente brutalité, l'imposante noirceur, on perçoit paradoxalement, dans les rares moments d'accalmie, une certaine plénitude, une impalpable sérénité. Qui fait perdre pied. Naviguer entre rêve et cauchemar. La violence acquiert une certaine dimension progressive, invitant à la contemplation, au relâchement.

L'important est de se laisser aller. D'éviter de se poser trop de questions. Inutile donc de chercher à coller une étiquette au groupe. De savoir s'il entre dans la case Post-Rock, Post-Metal,  Doom ou encore Sludge. De se demander pourquoi, alors que l'on se trouve à 10 000 lieues de cet univers musical, les musiciens arrivent néanmoins à nous embarquer dans leur projet artistique. La vérité s'impose d'elle-même. Amenra est tout simplement un excellent groupe. Jouant une musique qui pense, qui raconte, qui véhicule des émotions, qui fait réfléchir, qui est capable de perturber nos préjugés et devant laquelle on ne peut rester indifférent.

Plutôt rare à l'heure actuelle.

La messe est dite. Amen.

 

 

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