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Angel Olsen + Robbing Millions au Grand Mix

Excellent moment passé en première partie avec Robbing Millions et ses compositions parfaitement abouties, ses rythmiques élastiques et rebondies, ses faux airs de Pinback, de Talking Heads qui auraient un peu fait la fête à Madchester. C’est extrêmement inventif, prodigieusement dansant par moments, hautement recommandable. Une vraie découverte et une présence scénique très affirmée. Le clip hilarant de Dinosaur vous donnera une idée de la distance amusée qui les anime avant, quand même voire surtout d’écouter des morceaux d’un calibre inouï comme Tenshinhan. On se rue sur Ages and Sun et on s’envoie dix fois de suite Realistic ? Autant de distance dans l’attitude que de sérieux dans les compositions. La très très bonne surprise de la soirée.

On patiente tranquillement en écoutant the Villagers qui assurent dans la sono une transition folk.

C’est à pas de loups matois qu’Angel Olsen et son groupe investissent la scène du Grand Mix, c’est tout juste si on les remarque tant ils semblent souhaiter entrer sans la moindre pose affectée. Les tenues sont du même ordre, ordinary boys and girls. Du fait, pas de réaction dans le public dans un premier temps, ce qui ne semble pas déranger Angel Olsen. Celle-ci calme immédiatement toutes les ardeurs supposées d’un public qui serait venu par erreur pour les doux yeux de la demoiselle. Le tee-shirt savamment négligé et rentré dans le pantalon ne sonnant pas comme l’archétype de la tenue de scène affriolante. Il ne sera donc question que de musique, on ne joue pas dans le registre des séductions faciles. La demoiselle évite tous les clichés de la jolie fille qui vient chanter ses jolies chansons.

Déception cruelle également pour les amateurs de folk neurasthénique qui auraient lu les textes parfois terrifiants de la demoiselle out in the dark alone (White fire) comme autant de complaintes lacrymales : le groupe envoie le feu assez vite dans une formation extrêmement classique, deux guitares, une basse, une batterie. C’est rock, au fond. Le groupe n’affiche peut être pas suffisamment de personnalité et se comporte, sans doute à l’excès, en backing band un peu sage.

Angel Olsen a, sans aucun doute, une vraie présence magnétique et s’impose sans forcer, le petit truc qui ne s’explique pas, ne s’analyse pas. Elle est là et parvient à concentrer immédiatement tous les regards. Elle aligne les moments de tension qui passent tous par la musique et chante en regardant loin devant elle, au-delà de la console, très rapidement gênée quand elle voit un peu trop nettement le public après avoir demandé quel type de bière on aime, par ici... Lights down, lights down demande-t-elle très vite. C’est là d’ailleurs qu’il lui reste une dimension à gagner : on se demande si elle ne ressent pas une certaine forme d’appréhension à jouer sur scène même si elle se montre aussi par moments très détendue. Elle semble concentrée, tendue et relâche l’ensemble d’un sourire apaisant à la fin des titres. On admettra aussi qu’elle ne chante pas vraiment des comptines pour enfants, c’est le genre de disques qu’il vaut mieux posséder pour apprécier également les paroles, ces lignes bien senties, ces mots très bien touchés pour porter, Your voice cut straight, right down to my bones, like a winter’s wind it knocked out my soul… Une relation croquée en deux lignes d'une sauvagerie farouche.

On évolue dans une grande simplicité musicale, quelques accords habillent donc ces textes hantés, récités, psalmodiés parfois. Ombres et fantômes défilent, douleurs et sentiments affleurent. Le dépouillement flirte parfois avec une certaine fragilité dans les compositions, la frontière est parfois extrêmement mince. Entre les deux, les cœurs balancent, l’intensité vient toujours remettre d’équerre une chanson ou un accord mal barrés. Ce n’est pas vraiment une guitariste, on gratte la guitare avec le pouce, dans un seul sens, du haut vers le bas. Difficile dans ses conditions de faire parler les cordes mais Angel Olsen a un atout extraordinaire, une voix qu’elle module et qui fait défiler d’illustres aînés dans un grand fracas de références. De grandes présences sont passées, masculines et féminines, Leonard Cohen puisqu’on l’a dit partout, Johnny Cash, aussi surprenant que ça puisse paraître pour une certaine forme de phrasé et non pour la voix, dans la manière de moduler les phrases, implacables et coupantes, cette scansion qui impose une forme d’effroi un peu glacé. On pense aussi à Jolie Holland, Bobby Gentry dont la plus célèbre chanson, qui avait débarqué les Beatles et leur Sergent des charts US en 1967 Ode to Billy Joe  commence par « C’était le 3 juin… », Coïncidence troublante. Même atmosphère chez Bobby qui semblait chanter une chanson innocente et parlait suicide. Elle évoquait timidement une enfance sans électricité et peu de jouets.

Angel congédie d’un mot le groupe et se lance dans une longue psalmodie solo, magnifique de tension et d’émotion autour d’accords simples qui tournent en boucle, languides et solitaires. Le public se recueille, ne parle plus, on intime l’ordre à deux clients du bar du Grand Mix pourtant en formule club, de parler moins fort, c’est dire. Habitée, elle lève les yeux, regarde au loin, cherche des horizons qu’elle habite seule. L’exercice est périlleux, du funambulisme sans filet mais ça passe sans problème. Dommage, pas de rappel avec le groupe pour alléger la tension générée par ce long passage en solo, vraiment impressionnant mais tendu, presqu’anxiogène. Une libération rock aurait été bienvenue, un engagement physique plus important.

Angel Olsen est un peu tout ça à la fois en n’oubliant pas d’être elle-même, unique, d’abord et avant tout. D’autres fantômes passent encore lors de cette dernière chanson, on songe même à la très fragile Karen Dalton et à Lucinda Williams pour certaines tensions vocales quand elle termine le concert par Unfucktheworld et son dernier vers sans équivoque I am the only one… A prendre ou à laisser, A revoir en tout cas. Un univers est là, sans doute faudrait-il faire quelques menus efforts pour que le public y accède. Ça viendra. Won’t you open a window sometimes ? (Windows).

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