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Arno au Manège d’Aire-Sur-La-Lys

Ayant quitté ses complices de l'hapax, c'est désormais en solitaire que Nosh continue son aventure musicale. Ce soir, sa nervosité est palpable. Le songwriter lillois semble très impressionné de pouvoir ouvrir pour un monstre sacré tel que Arno. On le sent gêné, peu à son aise sur une grande scène. La voix est tendue, douloureuse, tout en violence rentrée. Les compositions, bricolées avec finesse, sont d'une grande fragilité. Hantées par un spleen presque maladif sur lequel planent, tels des oiseaux de mauvaise augure, les ombres de Mark Lanegan, de Mark Linkous ou de Nick Cave. Le propos et la démarche sont sincères. Malheureusement, le charme n'opère pas, particulièrement dans ce cadre peu propice. Car si certains titres s'avèrent touchants, d'autres, jouant trop sur la carte de l'affect, s'engluent dans une noirceur auto-complaisante quelque peu incommodante.

Fêtant en ce jour ses 67 ans, c'est sous un chœur d'« Happy Birthday To You » que le Old Motherfucker, sobrement habillé d'un costume noir, s'avance sur les planches du Manège. Instantanément, naturellement, sa présence s'impose et habite les lieux.

Sans prendre la peine de souffler les bougies, 'Ask Me For A Dance' met fin aux élans d'affection du public. La scénographie est simple mais belle avec ses quatre imposants projecteurs rétros suspendus au-dessus de la scène. On remarque que le chanteur belge s'est entouré d'un nouveau groupe. Les fidèles Serge Feys, son fidèle complice aux claviers depuis TC Matic, et Geoffrey Burton, son guitariste de longue date, sont en effet aux abonnés absents. Mais la nouvelle formation n'a pas à rougir de la comparaison. La mécanique est parfaitement rodée. Les quatre musiciens jouent de manière ultra-compacte. Sont parfaitement dans le ton de la démarche plus organique initiée par les deux derniers albums, tout deux produits par John Parish (producteur de PJ Harvey, Sparklehorse, Eels ou de Tracy Chapman). Les sonorités électro et les synthés sont écartés pour mettre l'accent sur une approche beaucoup plus pop qu'à l'accoutumée. Notamment avec cette basse très présente et aux lignes hypnotiques qui ne sont pas sans rappeler celles utilisées par un autre vieux briscard aux cheveux gris, le Serge Gainsbourg de 'Melody Nelson'.

La setlist est parfaitement dosée. Navigue sans tanguer entre présent ('Dance Like A Goose', 'Please Exist', 'Now she Like Boys', 'Une Chanson absurde'...) et passé plus ou moins ancien ('Je Veux Nager', 'Brussels', 'Putain Putain', 'La Vie est une Partouze',...). Le répertoire joue la carte du sucré-salé. Fait le grand écart entre Blues rugueux et débraillé sauce Captain Beefheart et envolées de tendresse intimistes. Tout en osant, parfois, poser les balloches sur des rythmes Reggae.

Au milieu de ce bazar, Arno est impérial. On ne sait toujours pas qui guide l'autre : la musique ou le bonhomme ? Mais il prouve qu'il continue de bander bien fort. La voix est stupéfiante, impeccable, continue de briller de mille feux. Chaleureuse comme une gorgée de bon Whisky que l'on s'enverrait cul-sec. Les yeux mi-clos, le nez en l'air, les cheveux en bataille, sifflant parfois comme un merle ou s'époumonant dans son harmonica, s'agrippant à son pied de micro qu'il balance de droite à gauche sur les chansons les plus rythmées ou auquel il se cramponne quand il s'agit d'évoquer l'amour, il n'a rien perdu de sa superbe ni de sa prestance. Arno reste un personnage singulier et attendrissant. Un vieux punk naïf. Un funambule à l'innocence enfantine. Qui se livre sur scène à un exercice Beatnik aussi libre que réjouissant. Provoquant l'hilarité générale avec ses intermèdes délicieusement absurdes quand il parle de sa factrice (« lesbienne comme moi »), de son premier baiser (« elle m'a mis la langue, on aurait dit une nouille sautée dans ma bouche, t'imagines pas le bazar ») ou de la réincarnation de son oncle en mouette (« J'te jure »). Faisant, l'instant qui suit, écraser une larme à chacun, en piano-voix, sur 'Dans Les Yeux de Ma Mère' ou 'Je veux Vivre'. Et totalement classieux quand il reprend le 'Death Of A Clown' des Kinks dans une version totalement hallucinée et à l'inspiration jamacaïne.

On ne le répétera jamais assez. Mais putain, putain, c'est quand même vachement bien un concert d'Arno.

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