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Ben L’Oncle Soul + Imany à l’Aéronef

Il y a des journalistes que Ben L'Oncle Soul... saoule. On lui reproche de dénaturer la Soul, malgré sa signature chez le prestigieux label Motown, et de n'être, en fait, qu'un vulgaire chanteur de variétés. Donnons leur raison en rangeant effectivement cet artiste dans cette case musicale. Mais en précisant néanmoins qu'il n'y a rien de honteux et de péjoratif à dire cela. Serge Gainsbourg disait de lui-même qu'il n'était qu'un chanteur de variétés, Miossec se considère comme tel et des personnalités de talent comme Michel Polnareff, Alain Souchon, Tété, Bazbaz, Dutronc père et fils entrent également dans cette catégorie. Oh, bien, sûr, certains rétorqueront et préciseront qu'il s'agit là de « chanson française ». Expression prétentieuse, élitiste et qui ne veut rien dire, finalement... Parle-t-on de « chanson anglaise » ou de « chanson américaine »?

Heureusement pour Ben, le public, lui, se moque de ces considérations stériles. Après avoir rempli la salle du Splendid au mois d'octobre 2010, il investit, en ce soir du 15 mars 2011, l'Aéronef. Et, de nouveau, la soirée affiche fièrement Sold Out. Il est à noter qu'une date au Zénith de Lille est dorénavant programmée le 30 novembre. Pas évident, donc, pour Imany, jeune artiste française d'origine comorienne, d'assurer dans ces conditions la première partie et d'affronter le public grandissant, impatient et conquis d'avance de la tête d'affiche.

La chanteuse se définit, d'ailleurs, en toute modestie, comme « l'apéritif de la soirée ». Néanmoins plus sexy qu'un apéricube, la belle fut dans une autre vie mannequin, Imany monte sur scène simplement accompagnée de son guitariste, Taofik Farah. Un minimalisme qui a le mérite de mettre en avant sa magnifique voix, chaude et grave. Le répertoire métisse avec classe la chaleur de la Soul et la sobriété de la Folk et fait immédiatement penser à l'univers de Tracy Chapman ou celui, plus ancien, de Richie Havens. Lancer la soirée avec une musique plutôt mélancolique était un pari risqué mais le charme agit immédiatement. Les spectateurs tapent des mains pour marquer le rythme et se laissent embarquer par les compositions soyeuses de l'artiste: « Slow Down », « Kisses In The Dark », « You Will Never Know », « Pray For Your Help » et une reprise sensible et émouvante du « I'll Be There » des Jackson 5. Un set court d'une vingtaine de minutes mais qui augure de la naissance d'une chanteuse et compositrice de talent, dotée d'une réelle personnalité. Imany signifiant en Swahili « Espoir », il est permis de croire qu'avec la sortie prochaine de son album au mois de mai, le succès sera, pour elle, au rendez-vous.

Quelques minutes d'entracte et voilà que se profile le plat de résistance. Les 8 musiciens (3 cuivres, 2 claviers, un batteur, un guitariste, un bassiste) de Ben L'Oncle Soul font leur entrée et, s'inscrivant dans la grande tradition de la musique Black, entament une Jam dynamique pour introduire l'artiste et faire monter la pression. Deux danseurs au look sixties bondissent avec énergie sur scène et se lancent dans une chorégraphie désuète mais efficace, rappelant les effets scéniques qu'affectionnaient les Temptations. Ben, tout aussi dynamique, en costume noir et chemise blanche, les rejoint et lance le concert avec « Soulman ».

Le ton est donné. En reprenant à son compte les codes et l'esthétisme de la musique Soul, l'artiste ne cherche pas uniquement à faire un concert. Il cherche plutôt à proposer un véritable show à l'ancienne lui permettant de rendre hommage à toute la musique et aux artistes qu'il aime. Tout cela pourrait facilement devenir caricatural, tomber dans le stéréotype gratuit. Mais nulle trace d'opportunisme ici. L'artiste est réellement sincère dans sa démarche. La joie et l'entrain dont il fait preuve sur scène sont communicatifs. Ben L'Oncle Soul mouille littéralement la chemise (démentant ainsi l'idée reçue que L'Oncle Ben ne colle jamais) pour faire passer un excellent moment à son public, n'hésitant pas à le rejoindre pour traverser la salle. Le groupe qui l'accompagne est au diapason. Le bassiste distille un groove chaleureux, le guitariste fait preuve d'une très grande fluidité rythmique, les claviers développent un son à l'ancienne et ne tombent jamais dans le piège des sonorités synthétiques tandis que la section de cuivre, parfaite, insuffle un souffle frénétique à l'ensemble. Seul le batteur, manquant de feeling et ne jouant pas assez sur les contre-temps qu'impose la musique Soul, semble légèrement en dessous. Mais cela ne gâchera en rien la fête.

Car il s'agissait principalement d'une fête. Ben L'Oncle Soul et ses musiciens s'amusent sur scène. En reprenant de vieux standards de Ray Charles (« Mess Around »), de Stevie Wonder (« Signed, Sealed and Delivered »), d'Otis Redding (« Fa-Fa-Fa-Fa-Fa »), en revisitant des chansons plus actuelles (« Seven Nations Army ») ou en proposant une Soul à la française (« Petite Soeur », « Lise », « L'Ombre D'Un Homme », « Mon Amour », « Elle Me Dit »), adaptant avec brio, un peu à la manière de Nino Ferrer dans les années soixante, les sonorités de sa langue natale, sans chercher à l'angliciser, au Swing d'une musique typiquement américaine. Et si Ben L'Oncle Soul n'est pas Marvin ou Otis, il ne prétend pas l'être de toute façon, il reste un excellent interprète habité par ses chansons, prenant la posture d'un conteur, sachant transmettre de l'émotion sans jamais tomber dans l'imitation et idéalement accompagné par ses deux choristes/danseurs (qui, on le devine, doivent, comme lui, avoir fait leurs gammes dans des chorales Gospel).

Ben L'Oncle Soul confirme tout le bien que l'on peut penser de lui à l'écoute de son premier album. Mais le plus dur reste à faire maintenant. Confirmer sa place sur la scène française avec un deuxième album qui sera forcément attendu au tournant et maintenir l'effet de surprise et la fraîcheur dont il a pu faire preuve jusque maintenant. Ceci afin de ne pas donner raison à ses détracteurs.

 

 

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