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Black Joe Lewis & The Honeybears + J-Funk à l’Aéronef

Première Soul Time Session de la saison 2011-2012 à l'Aéronef. Un événement organisé ponctuellement de mains de maîtres par l'association lilloise Soul Time, très active dans la promotion et la diffusion de la Black Music dans la région par la mise en place de diverses manifestations artistiques et culturelles: concerts, rencontres, expositions, émissions de radio (sur Radio Campus, entre autres), foires aux disques...

La soirée démarre avec quelques crépitements de vieux vinyles avec une fine sélection concoctée par Brother Jam et Dj Joe Tex. Soul sixties, Boogaloo, esprit Mod... Rien de tel pour se mettre doucement dans l'ambiance.

Les choses s'emballent avec l'arrivée sur scène des J-Funk, formation régionale qui s'apprête à sortir son premier album (auto-produit avec l'aide de DJ Bicen aux manettes) à la mi-octobre. Musiciens expérimentés ayant arpenté de nombreuses salles et festivals (Le Biplan, le De Kreun, L'Abattoir, le Smout Festival, la Fête de l'Huma...), le groupe démontre un indéniable savoir-faire et un véritable bagout pour installer en quelques instants une ambiance festive.

Autant influencés par la Soul que par l'Afro-beat (particulièrement dans l'utilisation des cuivres et les hommages rendus à Manu Di Bango) ou la fusion des Red Hot Chili Peppers avec leur basse puissante et enjouée, les Nordistes offrent une Funk agréable à l'oreille. Notamment quand ils sont rejoints par la nouvelle venue Clem Powels (que l'on croise également au sein des déjantés d'Eclectek) dont le joli timbre de voix fait penser à celui de Mayka Edjole, chanteuse des hispaniques The Sweet Vandals. Mais le tout, néanmoins, reste assez (trop?) grand public et ne fait pas preuve d'une originalité débordante ou d'une réelle identité. Musique hautement lascive et érotique dont le nom est tiré d'un terme d'argot signifiant « sentant la sueur », le Funk se doit d'exhaler des odeurs de stupre. Les compositions du groupe ('What The Funk Is The Funk', 'Funny Guys', 'I've Got to Deal With It'...), si elles sont solides, ne sentent ainsi, malheureusement, pas assez des fesses. Dommage...

Black Joe Lewis, de par son patronyme, annonce également d'office la couleur de sa musique. Un nom qui renvoie autant aux sobriquets des grands Bluesmen (Howlin' Wolf, Memphis Slim, BB King, ...) qu'à celui des héros des films de Blaxploitation qu'affectionne tant Quentin Tarantino (Truck Turner incarné par feu Isaac Hayes ou le Black Caesar immortalisé par Fred Williamson). Des personnages avec qui il partage un esprit canaille.

Catalogué comme artiste participant, avec Sharon Jones and The Dap Kings, Charles Bradley ou encore Aloe Blacc, au revival de la Soul Music, Black Joe Lewis cultive sa différence et se pose comme un véritable délinquant dynamitant de l'intérieur la grande musique Noire. Les hautes influences sont perceptibles (Wilson Pickett, Sam And Dave, Lightin' Hopkins...) mais leurs chapelles sont vandalisées, profanées et saccagées avec sadisme et malice. Son dernier album en date ne se nomme pas gratuitement 'Scandalous'.

Et s'il n'insulte plus le public sous l'effet de l'alcool qu'il ingurgitait pour se donner du courage, comme à ses débuts, Black Joe continue de se comporter, sur scène, comme un petit Punk. La timidité a disparu. Mais la rage est toujours là. Celle d'un afro-américain né au Texas, un des états les plus racistes des U.S.A. Celle d'un gamin livré à lui-même, déscolarisé et élevé par une mère célibataire. Celle d'un galérien ayant connu de multiples boulots peu valorisants comme celui d'écailleur de poissons. Black Joe joue et chante fort. Avec une faconde barbare faite de bruit et de fureur.

Le texan rejette l'aspect lisse et soyeux que peut revêtir la Soul actuelle. Ne se sent pas en phase avec elle. La luxuriance ne l'intéresse pas. Ce qu'il recherche, c'est un son Vintage et authentique. Sorti tout droit d'un passé glorieux. A l'aseptisation, à la remasterisation futile, il préfère le craquement des vieux disques, les rayures, les diamants qui sautent, les enceintes qui crachent... Plus Stax que Motown, il impose ainsi sa vision du Rhythm'N'Blues: hargneux, mal dégrossi, lubrique, aux relents machistes ('Booty City'), colérique, contestataire. I'm loud and I'm proud!

Avec ses compagnons de route, les Honeybears, plus ours mal léchés que gentilles peluches débonnaires, il a trouvé les complices idéaux pour son travail de sape, d'atomisation des musiques noires. Les titres ('Sugarfoot', 'I'm Broke', 'Boogie'...) s'enchainent pied au plancher. Pas de tchatche inutile. Le son est brut. Rugueux. Poisseux. Et surtout collectif. Les cuivres de la section Hard Proof Honeybear Horns sont survitaminés et défriseraient n'importe quelle coupe Afro. L'électricité est omniprésente. La saturation est à pleine puissance. Amène le chaos. Telle une locomotive folle. Zach Ernst, le guitariste rythmique de Black Joe Lewis, ne démérite pas et tricote également très dur. La complicité entre les deux musiciens est évidente. Pas de frime gratuite. Les accords sont débarrassés de tout superflu. Les six-cordes sont martelées violemment. Offrent un feu d'artifice de décibels.

Déroutant pour certains. Le groove étant plus proche de celui des Bad Brains, formation punk et black mythique des années 80, ou de Death, groupe auteur d'un magistral unique album dans les Seventies ('… For The Whole World To See') créant un trait d'union improbable entre l'univers Soul et celui des MC5. Une version très Stoogienne de 'Louie Louie' et la reprise du 'Blitzkrieg Pop' des Ramones en amènent la virulente preuve.

Mais jouissif pour ceux qui ne rechignent pas à s'enfermer dans un garage empestant la sueur et la bière pour mettre la main dans le cambouis.

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