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Blackalicious + Amour Mutant au Grand Mix

Des chercheurs de l'université de Cambridge ont récemment travaillé sur une étude démontrant que le Hip Hop serait un remède efficace pour soigner la dépression. Souvent introspectifs, les textes de Rap, en abordant crument de dures réalités sociales, possèderaient en effet un fort pouvoir cathartique. Et pousseraient des patients en mal-être à un certain relativisme. Si bien qu'un programme 'Hip Hop Psych' a été lancé au sein même de l'université britannique.

Pas sûr pourtant que le projet Amour Mutant, en charge d'ouvrir la soirée, puisse avoir de quelconque effets bénéfiques sur le moral. Flow lent et traînant, pour ne pas dire léthargique, ambiances sombres et mélancoliques, cruellement monotones, textes plombants aux métaphores abusives, l'artiste prend plaisir à tremper son inspiration dans l'encre la plus noire. On ne doute pas de la sincérité de la démarche artistique. Amour Mutant semble trouver dans la rime une thérapie indispensable. Mais à trop cultiver l'art du spleen, sa prestation donne la pénible sensation d'assister à une séance d'auto-flaggellation.

On pensait retrouver le sourire avec les Blackalicious, duo composé du MC Gift Of Gab et du DJ Chief Xcel, véritables mastodontes du Hip Hop West Coast, à la discographie exemplaire, qui, depuis leur dernier album, 'The Craft' en 2005, se sont montrés plutôt discrets. Seulement, au bout du compte, pas de quoi faire la chenille ou tourner les serviettes...

Première déconvenue : le groupe n'est pas soutenu par un groupe live. Plutôt frustrant lorsque l'on apprécie Blackalicious pour la patte instrumentale qu'il a toujours apportée à ses compositions. Et que l'on possède à la maison le DVD '4/20 Live In Seattle', témoignage exceptionnel où le duo, sur scène, fait appel à de véritables musiciens, dont Hervé Salters, clavier et chanteur du groupe General Elektriks. En guise d'unique renfort, les MC's Jumbo et Vursatyl, du sympathique collectif Lifesavas. Ce sont d'ailleurs les premiers à monter sur scène. Histoire de faire monter la pression et de présenter quelques compositions personnelles.

Deuxième et énorme déception : Chief Xcel brille inexplicablement par son absence derrière les platines, remplacé par un sinistre inconnu ! Crime de lèse-majesté. Peut-on, en effet, imaginer un concert de Jurassic 5 sans Cut Chemist, par exemple ?

Tout cela n'empêche pas l'excitation dans la salle. Le public amassé devant la scène est à la fête. Et c'est sous un tonnerre d'applaudissements respectueux que Gift Of Gab fait son apparition. Tranquillement. Sûr de lui. Démarrant son set avec le mythique 'Alphabet Aerobics', morceau de bravoure linguistique, où la structure de la chanson repose sur des séquences correspondant aux lettres de l'alphabet et où chaque séquence ne contient que des mots commençant par la lettre correspondante. Le MC, du haut de sa quarantaine, prouve qu'il n'a rien perdu de sa virtuosité. Sa maîtrise du verbe et du tempo reste intacte. Son flow constamment changeant s'adapte et épouse les moindres variations de rythme. Poussant le public, à de maintes reprises, à exprimer bruyamment son admiration devant tant d'acrobaties vocales.

Les classiques ('Blazzing Arrow', 'Deception', 'First In Fight', 'Paragraph President') se succèdent. Tous acclamés. Impossible néanmoins de ne pas ressentir une certaine rigidité dans l'exécution du show. Beaucoup trop millimétré. Voire paresseux. Particulièrement quand Gift Of Gab s'assoie plusieurs fois en fond de scène pour laisser le micro à ses deux acolytes. D'efficaces boute-en-train certes. Mais loin d'égaler leur mentor. Particulièrement Vursatyl souvent à la limite de l'essoufflement. Le DJ intérimaire, lui, assure le minimum syndical. Scratche peu. Développe rarement des beats en direct. Se contente principalement de balancer les instrus créées par Chief Xcel, ne montrant aucune dextérité ou technique particulière. Du dee-jaying sans inventivité. Le choix d'une configuration minimaliste, old-school ne rend pas justice à la créativité hors-pair des californiens. A une empreinte sonore qui s'est toujours illustrée par sa dimension organique et enveloppante.

Les attentes étaient peut-être élevées. Mais, globalement, la performance est clairement en dessous de ce que l'on peut attendre d'un groupe du niveau de Blackalicious. Même si quelques morceaux du futur album, 'Emoni' dont la sortie est prévue cet été, sont présentés, le duo qui n'en est plus un donne l'impression de capitaliser sur ses acquis et sa gloire passée. Un voyage au pays de la nostalgie pour un public Hip Hop trentenaire. C'est peu. Ou pas assez. Et ne rassure pas quand à l'avenir discographique d'une formation qui, pour l'instant, a toujours su se renouveler artistiquement.

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