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Chain And The Gang & Green Vaughan à l’Aéronef

Il est bon, de temps en temps, de se montrer curieux et d'entrer dans une salle de concert en n'ayant qu'une vague idée de ce qui va nous attendre musicalement parlant. De ne connaître les artistes ou les groupes qui vont jouer que de nom ou à travers de rapides écoutes. D'accepter de n'avoir aucun repère et de ne pas avoir peur de l'inconnu. Car ces concerts peuvent être riches en découvertes et en heureuses surprises. La soirée du 1er avril 2010 à l'Aéronef, gratuite pour les abonnés de la salle, était ainsi l'occasion de faire preuve de témérité. Qualité qui semble manquer au public de Lille, cette date n'ayant réuni qu'une soixantaine de personnes au grand maximum. Mais comme le dit le dicton : les absents ont toujours tort.

En effet, ils n'auront pas eu l'occasion de faire connaissance avec un jeune groupe lillois qui commence à faire parler de lui et risque fortement de se faire une belle place dans le paysage musical français : Green Vaughan. Un groupe qui n'a pas choisi de faciliter la tâche des critiques en livrant une musique difficilement définissable. Constitué de seulement deux membres, Spung à la guitare et Sushi, incroyable sosie du chanteur du groupe fictif Stillwater interprété par Jason Lee dans le film Presque Célèbre de Cameron Crowe (Quoi? Vous n'avez jamais vu ce film! Courez vous le procurer immédiatement, c'est un ordre!), au chant et à la programmation, les compositions de ce groupe font dans un premier temps penser à celles d'un autre fameux duo, The Black Keys, mais avec des beats electro remplaçant la batterie. Comparaison élogieuse mais réductrice. La musique de Green Vaughan se révèle beaucoup plus complexe.

Bénéficiant du chant déchirant et haut perché mais parfaitement maîtrisé de Sushi, qui nous renvoie à ce que le hard-rock des seventies nous offrait de mieux en terme de vocalises (on ne peut s'empêcher de penser à Robert Plant de Led Zeppelin ou à Steven Tyler d'Aérosmith) et du jeu de guitare furieux de Spung, livrant tour à tour des riffs bluesy, punk, funk, Green Vaughan offre une musique atypique et décalée tout en restant accessible et irrésistiblement dansante. Effet renforcé par l'emploi judicieux de beats electro dont la présence n'est pas uniquement due à la volonté de donner un aspect dance-floor à leurs chansons mais plutôt de venir renforcer l'aspect brut et primitif de leur rock hargneux, à la manière de Marylin Manson sur ses meilleurs albums (Antichrist Superstar et Mechanical Animals). Une prestation on ne peut plus convaincante et énergique enrichie par l'utilisation de la vidéo, des films en noir et blanc de propagande anti-communiste américaine des années 50 étant projetés sur un écran pendant certains morceaux, créant ainsi une ambiance bien particulière. Il est à noter que l'album de Green Vaughan est téléchargeable gratuitement sur la toile.

Le groupe suivant, Chain and The Gang, en provenance des USA, a, lui aussi, choisi de compliquer la tâche des journalistes. Nouvelle formation du chanteur underground Ian Svenonius (ex-membre de Nation Of Ulysses, de Cupid Car Club et de Make Up) son nom est tiré de l'expression américaine « Chain gang » désignant un groupe de prisonniers enchaînés les uns aux autres et contraints d'effectuer de pénibles travaux, généralement le long des routes ou des voies ferrées. Ainsi, les musiciens du groupe arborent d'anciennes tenues de bagnards blanches rayées de noir. Le chanteur préférant, lui, exhiber un costume blanc démodé et une incroyable coiffure sixties.

Vous l'aurez compris, la musique de Chain and the Gang s'ancre donc dans le glorieux passé de la musique populaire américaine. Elle semble le fruit d'une incroyable orgie musicale où l'improbable fils de Jon Spencer et de Brian Setzer et la non moins improbable fille d'Elvis Presley et de Nick Cave copuleraient sans fin pour donner naissance aux différents membres de ce groupe. Mélanges de doo-wop archaïque, de rock préhistorique, de soul à l'ancienne ou de gospel traditionnel, les chansons entraînantes de ce combo qui fait fi de toutes les musiques actuelles sont un prétexte pour Ian Svenonious de se lancer dans des diatribes anti-capitalistes. Sorte d'évangéliste pas très catholique et à l'oeil lubrique, il ne cesse de tchatcher avec le public et de crier son rejet de la société actuelle, d'internet qui déshumanise les gens en les tenant éloignés les uns des autres, de l'argent qui devient le moteur principal de nos sociétés occidentales et du manque grandissant de libertés individuelles. Le tout avec une arrogance et un humour qui ne peuvent laisser indifférents. Un sacré spécimen que ce Ian Svenonious qui se révèle être un incroyable performer parfaitement accompagné par son groupe qui habille ses revendications de riffs de guitare électrique obsédants, de basses rondes au groove indéniable, de choeurs féminins angéliques et de rythmiques invitant à la transe.

Cette soirée était donc vraiment l'occasion de prouver que la curiosité n'est pas toujours un vilain défaut. Dommage que le public n'était pas au rendez-vous...

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