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Chocolate Genius Inc + The Nightcrawler aka Red à l’Aéronef Club

Chocolate Genius, alias Marc Anthony Thompson, est un personnage (trop) discret. Seulement six albums au compteur en 26 ans de carrière, dont le petit dernier Swan Songs sorti à l'automne 2010. Des albums plébiscités par la critique mais également par la crème des auteurs-compositeurs britanniques et américains. Des artistes tels que Bruce Springsteen, David Byrne, Elvis Costello (excusez du peu) ne tarissent pas d'éloges sur lui. Une reconnaissance critique et artistique donc, mais, malheureusement, un succès uniquement d'estime. Pour sa première venue à Lille, à l'Aéronef, seule une soixantaine de personnes ont fait le déplacement.

 

La discrétion, The Nightcrawler aka Red, qui assume la première partie, en a également fait une marque de fabrique. Son dernier album, The Nightcrawler, n'est disponible qu'en 500 exemplaires (tous pourvus d'une pochette différente, à chaque fois dessinée par l'artiste) et en vinyle. Guitare d'un autre âge en bandoulière, Red monte seul sur scène pour défendre son Blues minimaliste teinté de subtiles touches électroniques. La voix est rugueuse et ténébreuse. Les accords de guitare grinçants. Les mélodies douces-amères. Le chanteur est français mais on sent que son esprit est ailleurs. Son répertoire s'inscrit dans des paysages typiquement américains. Loin des modes et des courants musicaux actuels, The Nightcrawler nous emmène dans son imaginaire fait de grands espaces désertiques, de paysages de désolation (il reprend d'ailleurs le prémonitoire « We Almost Lost Detroit » de Gil Scott Heron narrant sur le mode poétique l'explosion d'une centrale nucléaire), de routes qui ne semblent mener nulle part... L'intensité des chansons et l'interprétation rappellent celles de Lambchop ou de Timber Timbre et font du chanteur une figure réellement à part dans le paysage musical hexagonal.

C'est sous des lumières tamisées, dans une ambiance délicieusement feutrée que Chocolate Genius, arborant le look d'un jazzman des années 30 avec son élégant costume sombre aux fines rayures blanches et son éternelle casquette vissée sur la tête, fait son apparition. Celui que l'on surnomme le « Tom Waits Black » s'installe avec sa guitare sur un tabouret qui trône au milieu de la scène tandis que ses musiciens (Seb Martel à la guitare, Sarah Murcia à la contrebasse, Jeff Boudreaux à la batterie et Jozef Dumoulin aux claviers) prennent place discrètement derrière leurs instruments. Dans un silence quasi-religieux, les premières notes de « She Smiles », le morceau qui ouvre le dernier album, se font entendre et posent comme un doux voile de mélancolie sur le public. Cette chanson délicate et émouvante fait référence à la propre mère du chanteur, aujourd'hui disparue, qui fut atteinte de la maladie d'Alzheimer et sombra lentement dans la folie. Des paroles autobiographiques comme une grande majorité des compositions de l'auteur-compositeur.

Chocolate Genius fait en effet partie de ces musiciens qui se servent de leur art comme d'un exutoire. A travers ses chansons, il exorcise ses démons (la mort de ses parents, la peur de la solitude, l'angoisse liée au manque de confiance en soi...), cherche des guérisons aux maux qui le rongent, se livre énormément et offre ainsi une musique personnelle et à fleur de peau. Cette sensibilité s'exprime à travers des compositions poignantes entre Folk et Soul éthérée aux arrangements précieux et raffinés qu'il rehausse de sa voix chaude, suave et puissante mais qu'il utilise avec sobriété, sans démonstrations excessives.

On devine que l'homme, intérieurement, est torturé et tourmenté. Néanmoins, sur scène, l'image que dégage Chocolate Genius est celle d'un être lumineux, charismatique, magnétique, sachant faire preuve d'un humour pince sans-rire. Il fait mine de quitter la scène pour passer un coup de fil soi-disant important en coulisses, il constate avec humour en observant le public qu'il n'est pas le seul Black à Lille ce soir-là et s'amuse de reconnaître dans l'assistance une de ses correspondantes sur Facebook. Il embarque sans peine le public dans son univers. La tristesse laisse bientôt la place à l'optimisme et à l'espoir. Et surtout à l'amour. Un sentiment qu'il laisse déborder, dont il hurle le nom pour mieux le partager dans une des rares chansons jouées nerveusement, la bien nommée « Love » (issue de l'album Godmusic sorti en 2001) jouée à la fin du concert.

Une chanson à l'image de ce que l'on peut ressentir pour cet artiste rare et précieux. Plus qu'un homme, un véritable trésor caché.

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